La Belle et le Clochard [Evy - Terminé]

Sur le chemin de la maison, Caleb s’arrêta à la pizzeria avec Tess. Il n’avait pas envie de cuisiner ce soir, la journée avait été longue et assez mouvementée. A savoir, que l’alarme incendie n’avait pas arrêté de se déclencher et qu’il avait dû gérer une vingtaine de lardons qui courraient dans tous les sens.

Ce soir, il pourrait se détendre. Demain était encore loin. Très loin même. Il attendit que sa commande soit prête : une trois fromage et une reine. C’était toujours les mêmes qu’il prenait de toute façon, il ne pouvait pas choisir une épicée parce qu’il fallait penser à Tess. Il leur restait du soda pour la fillette et de la bière pour lui. En dessert ? Bonne question, il devait y avoir de la glace dans le freezer.

La commande payée, il se saisit des cartons d’une main et de l’autre de la main de sa fille. Pas question, qu’il la perde de vue. Autant essayer de finir la soirée en beauté, pas au commissariat à se ronger les sangs.

Père et fille franchirent les portes d’entrée de l’immeuble. Caleb fouilla dans l’une de ses poches pour trouver les clefs afin de voir s’il avait reçu du courrier. Surveillant toujours du coin de l’œil Tess, on n’était jamais trop prudent un accident était si vite arrivé. Par exemple, elle pourrait avoir l’idée de ressortir sur le trottoir, traverser la route sans regarder et se faire renverser.

- Evelyn, cria la jeune demoiselle en se précipitant vers la nouvelle venue pour le faire un bisou.

L’instituteur fut amusé par la situation, aucun doute, Tess avait adopté l’hôtesse d’accueil du musée.

- Bonsoir Evelyn, dit-il en s’écartant des boites aux lettres afin qu’elle puisse s’y glisser à son tour. Vous allez bien ?

Il attendit la jeune femme afin de faire un bout de chemin avec elle. Du moins jusqu'à son étage, il n'en aurait qu'un de plus à faire seul.

En cette journée, c’était une journée banale au boulot. Comme d’habitude, Evelyn s’était levée tôt, préparée, le temps qu’elle fasse les courses avant de sortir pour se diriger en plein centre de Manhattan pour 10h. Habituellement, en voiture, il y aurait 20 min de trajet même pour aller au musée mais avec la circulation d’aujourd’hui et les problèmes pour se garer, ce n’était pas toujours évident qu’elle m’était le double de temps. Et dans les transports en commun, elle mettait 50 minutes pour y aller. Bon, ce n’était pas ce qui pouvait la déranger le plus de faire l’aller-retour chaque jour. Et comme d’habitude, il y avait du monde qui venait au boulot et le soir elle finissait à 18h. Avec le temps de rentrer, elle était souvent là vers 19h – 19h30.

Avec son habituel « costume » pour travailler – soit habillé avec classe jupe et veston – Evy arriva devant l’immeuble où elle sortit ses clés de son sac. Dans le hall, elle ne s’attendait pas à se faire « agresser » par une petite fille.

Hey, Tess !

C’était bien une chose dont elle ne s’attendait absolument pas mais ça faisait plaisir. Evelyn la connaissait à peine mais il fallait croire qu’elle s’était faite rapidement « adoptée ». Elle rendit son bisou.

Alors, ça va ? L’école, ça a été ? s’intéressa-t-elle, sans doute par pure politesse au passage.

Sur ce, Evelyn releva son attention sur son géniteur.

Bonsoir ! répondit-elle avec le sourire. Ca va bien… et vous ?

Au passage, la Miss Evelyn repéra sa boite aux lettres pour regarder si elle en avait également. Au choix : soit des pubs, soit des factures ! Mais non, elle n’avait rien du tout.

Il était quasiment impossible d’après la tornade Tess. La petite demoiselle Hayes était démonstrative envers les gens qu’elle avait pris en affection. Là, c’était le cas avec leur nouvelle voisine, il lui avait de forte chance que ce soit l’épisode de la peinture qui en soit le lien. Puis, les enfants ont cette faculté de s’attacher spontanément aux gens. Et Caleb avait toujours pris soin de ne pas mettre en présence une conquête et sa fille, puis ce n’était pas comme s’il passait son temps libre à courir les jupons. D’un part, il ne voulait pas que son enfant s’attache à une personne qui n’était que de passage. D’autre part, il ne voulait pas que la femme du moment se mette en tête le mariage et les bébés. Oui, il allait chercher loin mais il se fiait plus ou moins aux expériences d’amis de ses parents et de ceux de ses élèves. Cela dit, peut être qu’un jour il pourrait refaire sa vie mais il n’était pas pressé.

Il eut envie de s’excuser pour le comportement de sa fille mais ce n’était pas à lui à le faire. Tess était assez grande pour savoir quand elle avait été trop loin.

- Non, Darryl a été méchant avec moi mais le maitre m’a envoyé au coin ! Répondit-elle à Evelyn, avec ses points sur les hanches.

- Tess ! L’avertit-il, parce qu’il avait horreur qu’on profère des mensonges et parce que le maitre de sa fille, Mr McDougal lui avait parlé de cette histoire.

- Je lui ai mis un coup de pied, mais il a quand même été méchant avec moi ! Finit-elle par dire.

Voyant que les adultes étaient en train de discuter, elle commença à monter les premières marches afin de les attendre.

- Fatigué, déclara-t-il sans détour. L’alarme incendie n’a pas arrêté de se déclencher. Vous voyez comment se conduisent des adultes quand vous faires l’exercice au musée ? Maintenant il vous faut multiplier par 5 avec des enfants.

Il avait commencé à faire leur ascension pour regagner leur domicile respectif. Ils parlaient du soleil et de la pluie, quand la fille de Caleb demanda à celui-ci :

- Papa, elle peut venir manger à la maison ?

- Ca ne me dérange pas, dit-il à la jeune femme. Quand il y en a pour deux, il y en a pour trois.

Il se promit d'avoir une sérieuse discussion avec une jeune fille de 5 ans.

Et bien, Tess semblait avoir du caractère. Ou plutôt, en résumé : une vraie chipie ! Ah, à cet-âge, c’était sûr qu’il ne fallait rien laisser passer. D’ailleurs à savoir pourquoi Tess lui avait donné ce coup de pied à la base. La véritable raison ? Pour rien ? Les enfants à cet âge se disputaient souvent pour pas grand-chose et Evelyn n’était pas là pour refaire l’éducation ou s’incruster dans l’éducation de la fillette. Ce n’était pas ses affaires et ça serait sans doute bien malvenu de sa part.

Grimpant les escaliers ensemble, ils pouvaient continuer à discuter. Caleb lui raconta un peu sa fatigante journée, avec l’alarme incendie et les enfants à gérer dans ce cas-là. Travaillant dans un énorme musée, Evelyn pouvait également imaginer.

J’imagine ! C’est loin d’être évident !

S’il y avait une soixantaine de Tess dans les couloirs, non, Evelyn ne préfère même pas imaginer comme cela pouvait être épuisant.

Après l’effort, le réconfort, n’est-ce pas ?

En entrant dans le hall, effectivement, elle avait repéré les pizzas en main de son cher voisin. Le temps de monter les deux étages, à ne parler du beau temps, des trucs banals lorsqu’on ne connaissait pas véritablement l’autre personne,… Mais soudainement, en fait, elle ne s’attendait pas à se faire inviter à manger. Enfin, si ce n’était pas la petite qui avait lancé le coup de départ et si Caleb ne se voyait pas refuser…

Sûr ? … - Evelyn fit une petite moue de réflexion avant d’hausser les épaules – Pourquoi pas ? Volontiers.

Après tout, elle venait de rentrer du boulot, ils étaient vendredi soir… bon même si elle travaillait le lendemain mais bref, de temps à autres, ça ne faisait pas de mal.

La raison du coup pied ? Vous connaissez l’éternelle rivalité des enfants de 5/6 ans « Les filles sont nulles », « Les garçons, ils sont nuls ». Pas besoin de faire compliqué, ça le devrait en grandissant. Les garçons préféreraient répondre en se tapant sur la gueule, tandis que les filles agiraient de façon plus sournoise et appuieraient à l’endroit où ça ferait mal. Il connaissait le problème parce qu’il vivait exactement la même chose avec ses élèves. De toute façon, il n’avait pas son mot à dire sur les punitions de sa fille quand elle était dans l’enceinte de son établissement scolaire. Mais il appréciait fortement que son instituteur prenne le temps de lui en parler.

Caleb lui expliqua sa journée tout en lui demandant de s’imaginer au musée avec une alarme incendie qui déraille, pour la mettre dans le contexte. Bien sûr, il lui dit de remplacer les adultes par des gosses de l’âge Tess. Il approuva les deux phrases qui suivirent d’un hochement de tête.

Puis Tess lança une invitation qu’il ne put refuser. Déjà ça aurait été mal élevé de sa part parce que la personne en question était avec lui. D’une part, il y avait assez de pizzas pour eux trois, et ça permettrait à la jeune hôtesse de ne pas se casser la tête à faire le diner.

- Certain, confirma-t-il.

Et puis, ça ne serait pas désagréable d’être en charmante compagnie et de pouvoir discuter avec un adulte.

- Vous avez même le temps de passer quelque chose de plus décontractée, dit-il pensant qu’elle voudrait ôter l’uniforme du musée et n’allez pas imaginer ce que ne lui a pas traversé l’esprit. Je laisserai la porte entrouverte vous n’aurez qu’à la pousser !

Il laissa Evy sur son palier et gravit l’étage que le séparait de son appartement. Comme annoncé, il laissa la porte entre baillée pour qu’elle entre sans frapper. Il posa les cartons contenant leur diner sur la table de la cuisine.

- Tess, tu files te mettre en pyjama !

Comme ça elle n’aurait qu’à se brosser les dents et à se débarbouiller le visage avant d’aller au lit. Il lui donnera le bain, le lendemain avant d’aller la déposer chez ses parents. De son coté, il prit la direction de sa chambre, pour se changer également : un pantalon de survet et un t-shirt ferait l’affaire.

De retour dans la cuisine, il se lava les mains avant de commencer à sortir les couverts afin d’attendre leur invitée.

Un peu de compagnie pour la soirée n’était pas de refus. Ca changerait un peu de son quotidien. Cela faisait deux mois qu’Evy était sur New York que la routine commençait un peu à s’installer, même si elle avait pris quelques temps pour découvrir un peu New York, rencontrer quelques personnes, il fallait un peu casser tout ça… Et puis bon, ce n’était pas comme si Caleb ne lui paraissait pas sympathique. C’était une occasion pour un peu mieux le connaître.

D’accord ! J’arrive alors ! A toute suite !

La jeune femme inséra la clé dans sa serrure, laissant alors le père et sa fille rentrer chez eux à l’étage d’en dessus. Chez elle, en premier lieu, Evelyn enleva sa veste en tailleur, le jetant sur le canapé, enleva ses talons puis se dirigea dans sa chambre pour voir un peu ce qu’elle pouvait mettre sur le dos. Ce qu’elle finit par choper un débardeur, un short en jean et un petit gilet. Pour dire, c’était assez rare que la jeune femme porte des pantalons, seulement lorsqu’il faisait froid et encore… Y’avait toujours moyen de mettre des collants.

Enfin changée, elle se dirigea vers la salle de bain pour se coiffer un minimum. Elle enleva son chignon et ses cheveux bouclés rebondis sur ses épaules. Elle passa un coup de brosse et le tour était joué. Elle était prête ! Il ne manquait plus qu’à mettre des chaussures confortables et c’était bon. Ceci fait, elle récupéra à ses clés et s’apprêta à sortir lorsqu’elle pensa à un truc : la demoiselle avait une bouteille de vin rouge qui trainait au fond du placard… Pourquoi pas ? Elle se faisait inviter, elle n’allait pas non plus y aller les mains vides comme une fleur ? Après une légère hésitation, laissant la porte entrouverte, elle récupéra la bouteille et s’en alla alors pour monter seulement d’un étage. Comme promis, sa porte était entrouverte et Evelyn put alors s’y glisser, tout en cachant la bouteille dans son dos. Non, il ne semblait pas être dans le hall. Evy ferma alors la porte derrière elle. Au bruit, elle devina qu’ils étaient dans la cuisine.

Me voilà ! fit-elle pour marquer sa présence. Enfin, on avait dû l’entendre au bruit de la porte.

Puis la jeune femme dévoila sa p’tite « surprise ».

Je ne sais pas si vous êtes « vin » mais je me suis dit que ça pouvait être sympa ! Enfin aussi pour vous remercier de m’avoir invitée.

Et puis surtout ça lui évitait de faire la cuisine et dire qu’elle avait rempli le frigo un peu plus tôt dans la journée.

- Mais Papa, ça c’est mon travail ! l’engueula presque sa fille.

Après tout, elle avait peut-être raison. Il voulait qu’elle apprenne à se responsabiliser donc c’était elle qui mettait généralement le table quand il lui avait descendu les verres, et hormis les couteaux. Et c’était lui qui débarrassait parce que la petite était au lit à ce moment-là.

- Je peux tout ranger si tu veux ? Lui demanda-t-il amusé.

- Mais après ça me fera trop de travail !

- Hmmm… Je vois, ma fille ne serait-elle pas un peu feignante ?

- Juste pompette ! Acheta-t-elle en se laissant tomber sur une chaise.

- Non, Chérie, on dit « fatiguée » le mot « pompette » c’est quand Mamie boit un peu trop de champagne à l’anniversaire de Papy ! Il était un brin moqueur mais après tout pourquoi s’en priverait-il ? Sa mère ne se gênait pas pour lui raconter ses bêtises ou lubies d’enfant. Tess si tu as fini de mettre la table, tu te laves les mains et tu te mets à table !

Le temps que sa fille était en train de s’exécuter, il mit des serviettes en papier dans les assiettes. Il ouvrit le couvercle des boites à pizza, pour s’assurer qu’il n’avait pas oublié de les prédécouper vu qu’il avait paumé sa roulette et qu’il n’avait pas encore l’occasion d’en racheter une.
Il avait entendu la porte claqué ce qui signifiait que leur invitée était arrivée. Il allait lui dire qu’ils étaient dans la cuisine, quand il la vit dans l’encadrement de la porte.

- Merci, mais vous n’étiez pas obligée ! Dit-il en se saisissant de la bouteille de vin. Je vais l’ouvrir, est-ce que ça vous dérange de servir Tess ?

Bien sûr, elle pouvait refuser après tout ce n’était pas sa fille. Il ne lui en voudrait pas du tout. Cela dit, quand elle aurait fini de manger il l’enverrait devant la télévision jusqu’à l’heure du couvre-feu. Pas trop tard puisque le lendemain, il devrait la lever pour aller chez ses grands-parents.

Il se tourna pour chercher un tirebouchon pour débouchonner la bouteille afin de la faire respirer avant d’en boire. L’avantage avec le rouge était qu’il fallait le boire à température ambiante.

- Une bière ça vous dis le temps que le vin décante un peu ? demanda-t-il en allant dans le frigo afin de sortir la bouteille de soda.

Evelyn était d’abord rentrée, certes un peu timidement au départ mais il faudrait quelques instants pour qu’elle se trouve à son aise. Bon, ce n’était pas la première fois qu’elle venait – pour dire la seconde fois – mais ce n’était pas comme si elle se considérait « chez elle » et qu’elle connaissait par cœur les lieux. Le moment où elle arrivait, Caleb était face à la pizza et la jeune Tess partit se laver les mains. A en croire la table, elle était déjà installée et on n’attendait qu’elle. Fallait croire que l’idée d’un peu de vin plaisait, même si ce n’était qu’un cru californien mais cela restait tout simplement du bon vin, que la jeune femme préservait pour certaines occasions ! Et là, on pouvait dire que c’était une occasion de faire une petite … « fête » entre voisins.

Sans soucis !

Pendant que Caleb partit ouvrir le vin, Evelyn en profita alors de servir Tess la pizza qui trainait sur la table. Bon, il y avait le choix entre eux style de pizza. Après que Tess s’était lavée les mains, elle s’approcha d’Evelyn et s’installa à une place.

Tu veux commencer par laquelle, ma puce ?

Frooooooomage ! … - avant de se reprendre -  euh, celle au fromage, s’il te plait !

Avant de lui faire un grand-sourire colgate avec ses dents de lait.

Va pour ça ! Elles m'ont bien l'air bonnes ces pizzas...

Evelyn servit tranquillement Tess, en même temps que Caleb lui proposait la bière le temps que le vin décante.

Pourquoi pas ! Le temps de faire un apéro !

Bon, ils auront sûrement déjà fini la pizza avant la bière mais en tout cas, Evelyn n’était tout à fait pas contre. La petite en profita pour ajouter :

Papa ! Je peux avoir du Soda ?

Le jeune homme ne pouvait pas tout faire en même temps. Il n’était pas Shiva avec ses multiples bras et mains, ce pourquoi il avait demandé à son invitée si elle pouvait s’occuper de Tess. Enfin il ne lui en aurait pas voulu, si elle avait refusé après tout, il s’agissait de sa fille et ils avaient connaissances récemment. Mais il avait regardé l’heure sur le micro-onde et avait commencé à paniquer à l’idée qu’elle se couche plus tard, d’autant plus que demain serait une nouvelle grosse journée pour la jeune demoiselle Hayes : équitation avec Mamie et piscine avec Papy.

Après avoir débouché la bouteille de vin, il la posa près de l’évier pour qu’elle décante un peu. Ensuite, il décapsula les deux bières qu’il déposa sur la table. Voyant cela la fillette ne perdit pas de temps :

Papa ! Je peux avoir du Soda ?

- Bien sûr, Chérie ! Répondit-il avant de remplir son verre de Soda.

Il rangea la bouteille, après elle aurait de l’eau si elle avait encore soif. Quoi qu’il évitait à ce qu’elle boive trop le soir parce qu’elle avait de petit accident de temps en temps. Le fameux pipi au lit. Et donc à refaire le lit à trois du matin pour qu’elle puisse se rendormir parce qu’il évitait à ce qu’elle vienne dormir avec lui. Il n’y avait que le dimanche – quand elle n’était pas chez ses parents – qu’il l’y autorisait pour pouvoir faire une petite grasse matinée.

- Merci Evelyn ! Dit-il à la jeune femme quand il prit place autour de la table.

Et bah oui quoi, ses parents lui ont appris la politesse et il ne faisait que la remercier de s’être occupée de sa fille.

- A la vôtre, ajouta-t-il en levant sa bouteille.

- Tchin Papa ! Déclara la fillette en se mettant à genoux sur sa chaise pour trinquer avec son père et ensuite avec leur invitée : Tchin Evelyn !

- Mange Tess, autrement tu pourras regarder un peu la télévision avant d’aller au lit, la rappela-t-il un peu à l’ordre.

Tess attrapa sa part de pizza et commença donc à manger. Autant qu’elle profite qu’elles soient encore chaudes. Caleb n’avait pas répondu à la question à savoir si leur repas était bon, parce qu’il voulait que leur nouvelle voisine se fasse une idée par elle-même.

Le père de famille était sur le point de prendre la parole – pour dire à Evy de se servir - quand sa fille la devança :

- Evelyn t’as un amoureux ? Demanda-t-elle le plus naturellement du monde.

Ca y était ! Tout s’animait ! En rentrant du boulot, Evelyn n’aurait pas pensé à mettre les pieds sous la table et manger directement ! Encore moins de se faire inviter. Enfin dans le fond, c’était assez agréable ! Evy n’avait personne qui l’attendait chez elle, qui faisait la cuisine pour elle ou encore faire le ménage. Pas que ça pouvait lui manquer mais de temps en temps, elle ressentait le manque. Qui savait un jour, elle pourrait trouver ici à New York, le « Prince Charmant » pour qui, ça serait plaisir de le voir en rentrant du boulot… Bref, tout ça pour dire que c’était plutôt d’agréable ce genre d’imprévu pour la solitaire qu’elle était !

Oh de rien ! répondit-elle quand Caleb la remercia.

Franchement, il n’y avait pas de quoi et il n’y avait pas de mal là-dedans, même si Evelyn était loin d’être la mère de cette petite. Les boissons servies, la petite Tess servie, Evelyn suivit au « Tchin ! ». Elle but une gorgée de sa bière jusqu’à ce que Tess lui pose une question ! Une question que tout genre d’enfant posait généralement. Amusant !

Non, je n’ai pas d’amoureux, ma jolie Tess !

Les pizzas exposées devant eux, et à libre service, Evelyn hésitait entre les deux pizzas mais à l’appel du ventre, on ne pouvait rapidement un choix. La jeune femme allait suivre les mêmes envies que Tess en prenant celle au fromage, d’abord !

Et toi ? Tess, tu en as un ? demanda Evelyn par curiosité. Je suis sûre que tu as des choses à raconter !

Bien sûr, la jeune femme était amusée. Tess était sans doute partie pour amuser la galerie, quoique, tout dépendait ce qu'allait dire son père. Evelyn jeta un coup d'oeil vers lui! Savait-on jamais si la jeune femme avait amorcé une bombe sans faire gaffe, si elle avait lancé une pipelette !

J'enquête ! souffla-t-elleà Caleb, dans le genre, "j'enquête pour vous" mais ce n'est que pour plaisanterie.

Quand il entendit la question de Tess, il aurait aimé avoir la capacité de se transformer en petite souris pour pouvoir aller se terrer dans son trou. Et heureusement aussi qu’il n’était pas en train de boire car il y aurait eu de forte chance pour qu’il recrache tout : soit sur Tess, soit sur Evelyn. Certes, il n’y avait pas de mal. Du moins les enfants ne le voyaient pas de la sorte quand l’interrogation venait sur le tapis aussi naturellement. C’était une toute autre histoire, quand c’était un enfant poussé par la mère afin de savoir si elle a toutes ses chances avec l’instit. Comment le savait-il ? La discrétion type d’un enfant en dernière année de maternelle : « Maman, il a pas d’amoureuse ! », il l’avait assez souvent entendu à la fin des classes ou qu’il ressortait de la salle pour le lui crier.

Toutefois, il se garda bien d’intervenir. Ce n’était pas forcément bon d’agir de la sorte, il fallait que sa fille apprenne aussi par elle-même ce qui était permis de demander ou non. Il fallait qu’elle se fasse reprendre par les autres adultes pour le comprendre.

Il se servit une part de pizza. Un sourire prit possession de ses lèvres en entendant la répartie de leur voisine. Au moins, elle ne prenait pas ma les questions de la petite à croire qu’elle était habituée de subir un interrogatoire infantile. Il fit un clin d’œil à leur invitée pour lui dire qu’il avait compris le message et qu’il allait entrer dans le jeu.

- Moi aussi j’aimerai bien le savoir ! Renchérit-il. Juste pour savoir si je dois appeler une sorcière pour les transformer en crapaud !

- Même pas vrai d’abord ! Rétorqua la jeune demoiselle Hayes.

- Tu verras bien, ma Chérie ! Dit Caleb avec un grand sourire. Alors qui est ton amoureux ? On attend ta réponse !

- J’en ai trois d’amoureux ! Annonça-t-elle en montrant quatre doigts. Oups ! Voyant qu’elle s’était trompée, elle corrigea son erreur d’elle-même. Alors y a Timothé, Elliott et Fred ! Mais Papa tu le dis pas à Chris, hein !

Le jeune homme se tourna vers la voisine du dessous :

- Evelyn à votre avis j’appelle la sorcière ou je l’enferme à double tour dans sa chambre, comme la princesse Fiona dans Shrek ?

Il était surtout en train de taquiner sa fille. Néanmoins, il serait idiot de sa part de prétendre qu’il ne commençait pas à appréhender l’adolescence. Ça serait ce moment-là, que sa fille aurait besoin des conseils de sa mère, mère inscrite sur la liste des abonnées absentes depuis presque 5 ans. Heureusement qu’il avait deux cousines, Connie et Romy, il leur demanderait de l’aide quand il se sentirait dépassés par les évènements. Enfin, il avait encore le temps de voir venir, également.

- Mon Papa aussi il a pas d’amoureuse ! Fut la réplique de Tess avant qu’elle ne termine son verre de Soda. Il est beau ? Demanda-t-elle innocemment.

La fillette termina tranquillement son morceau de pizza. De la sorte Evelyn put répondre à ses questions et discuter avec Caleb. Autant dire que le jeune homme avait légèrement et le fait d’engloutir sa canette de bière d’une traite ne l’avait pas vraiment aidé. Il finit par se lever pour prendre deux verres à vins et le vin.

- Je peux sortir de table pour aller regarder la télé ?

- Seulement si tu as fini de manger !

Tess lui dit que oui d’un signe de la tête et quitta la pièce. Caleb entendit qu’on allumait la télévision et rire peu avant de voir le minois de sa fille apparaite.

- Tu as besoin de quelque chose ?

Et pour toute réponse, elle détala comme un lapin.

- Un peu de vin ? S’enquit-il en se saisissant de la bouteille.

Une chose était certaine : Evelyn savait détourner l’attention. De nature assez réservée, elle n’aimait pas spécialement parler d’elle, surtout depuis la mort de sa sœur où elle s’était un peu plus renfermée sur elle-même. Mais là, c’était un peu plus facile : ce n’était pas comme si c’était une petite fille qui allait la déstabiliser. Bon, on lui demandait seulement si elle avait un amoureux, pas autre chose, mais quand même ! Et pour dire, ce qui était marrant, c’était que Caleb rentrait dans ce jeu-là. Il était son complice pour la soirée contre cette petite adorable fille… Oui, c’était très vilain ! Surtout si on la menaçait avec cette voisine. Evelyn comprenait très bien de qui il s’agissait pour cette sorcière. Mais la petite était joyeuse de révéler ses amoureux, et elle en avait trois ! Ben bien ! C’était vrai qu’à cet âge-là, on était encore innocent ! Et d’ailleurs, il y avait un Chris au milieu.

Chris ? C’est aussi un de tes chéris ?

Et voilà qu’en demandant son avis de ce qu’on devrait faire de la petite Tess. Hum, quelle punition ? Méritait-elle une punition ? Et avant tout :

D’abord, Fiona n’est pas un ogre ? Bon… Je le conçois : on lui a jeté un sort !

Et Evelyn se tourna vers Tess.

On t’a jeté un sort ?

Ca règlerait certains soucis ! Mais c’était également partir dans un sacré délire ! Et au final, la petite « attaquait » si on appelait ça « attaquer », mais elle balançait le « célibat » de Caleb. Quoique, ce n’était pas le genre de chose à se fier parce qu’Evelyn imaginait bien sûr que lorsqu’on était célibataire et avait un enfant à charge, on faisait sûrement bien attention à qui on présentait son môme lorsqu’on se mettait en couple et qu’il fallait bien être sûr de ce choix. Malgré le fait qu’elle connaissait peu Caleb, Evelyn le voyait ainsi : réfléchir à deux fois pour le bien-être de sa fille ! Et pour autant, mignon comme il était, il était sûrement déjà pris.

Mais tous nos papas sont beaux à nos yeux ! lâcha Evelyn, comme si elle était effectivement devenue la grande copine de la jeune Tess, ce qui était le cas de le dire : elle ne lui aurait pas sauté au cou en bas de l’immeuble.

En tout cas, cette petite fille était une grande marrante mais surtout semblait avoir du caractère. Oh, ce n’était pas forcément facile tous les jours. Bref, elle voulut quitter la table pour la télé. Quelle chipie ! Au moins, les deux jeunes voisins se retrouvent en tête à tête pour parler un peu plus sérieusement, du moins, avoir une conversation d’adultes.

Volontiers ! répondit Evelyn pour le vin.

Oh, elle n’allait pas refuser une petite coupe sinon, au contraire, elle n’aurait pas emmené la bouteille et aurait refusé à ce qu’il l’ouvre. Pas qu’Evelyn était du genre à picoler mais elle aimait tout de même ce qui faisait parti du patrimoine.

C’est une petite chipie ! Mais une adorable chipie !

Caleb faillit se mettre à rire quand Tess parla de Chris lorsqu’elle avait annoncé que Fred faisait partie de ses amoureux. Cela il serait amusant de faire semblant de préparer le mariage pour faire râler les deux enfants. Néanmoins à leur âge on change beaucoup d’amoureux(se), donc il n’y avait pas vraiment de s’inquiéter. Tout comme il était agréable de voir deux minots s’entendre – à merveille, n’est pas le mot juste puisqu’il leurs arrivait de se chamailler – durant un laps de temps plus ou moins court, comme tous les petites filles et petits garçons.

- Chris s’est un copain de Papa ! commença à explique la fillette. Et puis, il a déjà un amoureux.

Et oui, Chris avait déjà un amoureux. Caleb aurait pu ne pas expliquer mais il valait mieux qu’elle apprenne que des hommes pouvaient tomber follement amoureux d’un autre homme, qu’il en était de même pour les femmes. Il estimait qu’il était de son devoir de lui apprendre ces différences à cet âge, et non qu’elle ait ces informations plus tard. Il avait eu vent d’histoire de collègues de primaires et collèges qu’ils en avaient vu avoir des réactions disproportionnées quand ils en prenaient conscience. Et même en leur expliquant, avec des mots simples que finalement ça ne voulait pas s’ancrer dans leur mémoire. Du moins il s’agissait surtout d’un déni plus qu’autre chose : un couple est normalement constitué d’un homme et d’une femme, ou d’un papa et d’une maman.

Enfin bref, la demoiselle Hayes secoua la tête quand Evy lui exposa les faits, à savoir que Fiona était un ogre parce qu’on lui avait jeté un sortilège. La fillette était ébahie qu’un adulte autre que son père, ses grands-parents, sa marraine et son parrain connaisse ce dessin animé.

- Hmmm… Je crois ! Répondit Tess mais elle jeta un coup d’œil vers son père. Papa il dit que je suis un goret ! Tu crois que c’est la sorcière ? Demanda-t-elle en désignant le sol à l’aide de sa main.

*Et merdeeeeeeeeee !* pensa-t-il en faisant une grimace. Pourquoi avait-il fallu qu’il plaisante au sujet d’une sorcière ? Maintenant, il ne lui restait plus qu’à prier pour que sa fille ne fasse pas de cauchemars par sa faute.

- Mais non, Tess ! Ne t’inquiète pas, on ne t’as pas jeté de sort ! Tenta-t-il de la rassurer. Je dis ça quand tu manges comme une cochonne et que tu en mets de partout. Un goret c’est un cochon.

Oui, il y avait une vague ressemblance entre Tess et un petit cochon. Ils étaient tout rose tous les deux, comme ça se roule dans la boue après la pluie.

Quoi qu’il en soit le sujet changea assez rapidement. Maintenant que sa fille savait que leur nouvelle voisine n’avait pas d’amoureux, elle lui fit savoir qu’il était lui aussi libre. S’il s’était agi d’une adulte, Caleb aurait pensé qu’on essayait de les rapprocher, de leur faire comprendre qu’ils pouvaient apprendre à se connaitre et voir s’il y avait affinités. Mais étant donné que ça venait d’une enfant de 5 ans, il n’y avait pas de soucis à avoir et aucun arrière pensé.

Malgré il se sentit rougir quand son enfant dit qu’il était beau. C’était un beau compliment, surtout quand on était plus très frais après une journée de travail et en tenue décontractée. Puis elle finit par aller dans le salon pour regarder la télévision avant d’aller au lit.

Caleb versa le vin dans le verre de la jeune femme et en fit de même pour lui. Il sourit une nouvelle fois, quand il sut que sa fille était une adorable petite chipie.

- Oui, elle est adorable mais je ne suis pas très objectif, je suis son père !

Il était réaliste au moins, c’était déjà ça. Tous les parents comme lui, trouvaient leurs enfants adorables tandis que leur entourage pouvait penser tout autrement.

- J’espère juste que ça va s’amoindrir en grandissant, parce qu’elle risque d’avoir des ennuis, reconnut-il. Bon, assez parler de la chipie ! Déclara-t-il en portant son gobelet à ses narines pour humer le vin.

Il ne pouvait pas toujours être derrière elle la reprendre pour lui faire comprendre que ce n’était pas une chose à dire. Elle devait aussi grandir et l’appréhender par elle-même.

- Vous avez réussi à monter tous ce qu’il vous restait à faire ? Comprenant que sa question pouvait être mal interpréter, il reprit la parole : Simple curiosité, vous pouvez garder la boite à outils temps que vous en aurez besoin.

Ah mais qu’elle en savait des choses cette petite. Et à savoir si Evelyn avait bien compris, ce très cher Chris avait un amoureux et non une amoureuse. Soit ! La vie aujourd’hui permettait de ne plus trop de se cacher de ce genre de choses. La mentalité évoluait et ce n’était pas plus mal ! Cependant, Evelyn ne put s’empêcher de penser l’espace d’un temps que Caleb puisse être de ce bord-là. La jeune femme ne le connaissait pas encore bien pour juger ce genre de choses qui n’était pas écrit sur la figure, sinon ça se saurait ! Et dans le fond, quelle importance ! Si Evelyn devait finir par savoir des choses, elle le saura bien en temps voulu ! Ce n’était pas comme si elle n’était pas partie pour avoir de bonnes relations avec ce cher voisin et le connaître un peu plus.

En tout cas, c’était une sacrée chipie, cette petite Tess. C’était le cas de le dire ! Si elle croyait également tout ce qu’on pouvait lui dire. Bien que leur voisine ressemblait à une sorcière, les sorcières n’existaient pas et restaient un mythe. La magie était loin d’être réelle. C’était un conte pour enfants. Mais Tess avait le temps de grandir, n’est-ce pas ? Pour le moment, elle était marrante. Elle devait vraiment faire voir son père de toutes les couleurs, Evelyn en était persuadée. D’ailleurs, elle ne put s’empêcher de dire ce ressenti lorsqu’elle se retrouva seule avec lui, lorsque la petite partit devant la télévision. Evelyn faillit presque s’étouffer quand Caleb lui rappela pour la caisse à outils.

Oui, bien sûr !

Comment avait-elle pu oublier alors qu’elle avait pu avoir l’occasion de récupérer sa caisse à l’instant lorsqu’elle était partie se changer pour quelque chose de décontracter. Quelle idiote !

J’ai pu monter tout ce qu’il me fallait ! J’aurais pu la récupérer tout à l’heure mais j’ai oublié.

Mais il ne semblait pas être pressé de la récupérer ou n’était-ce simplement par politesse. Elle pourrait aller la chercher maintenant mais elle était bien calée et passait un bon moment… Quelle importance, cette boite à outils ? Cela dit :

Ca donnera l’occasion de vous inviter chez moi pour un café.

Pour dire, depuis le temps qu’elle avait emménagé, elle n’avait pas eu le temps – ni l’occasion - d’inviter qui que ce soit chez elle.

Ca sera pour vous remercier de me l’avoir prêtée et de voir le résultat, lâcha-t-elle avec un peu d’humour.

Ca ressemblerait presque à une technique de drague mais ça ne l’était absolument pas. Même si son voisin était charmant, Evelyn était plutôt le genre timide sur ce côté-là.

Le temps que ça m’a pris pour tout déballer, je ne suis pas prête à repartir ! continua-t-elle.

Ca avait été radical de partir de Louisville et elle ne continuait pas partir pour y revenir ou encore aller ailleurs. Allez savoir pourquoi elle avait choisi New York plus qu’une autre ville. Elle serait allée au bout du monde, ça aurait sans doute été pareil. En tout cas, elle ne l’empêcherait pas de passer s’il en avait réellement besoin de cette boîte à outils.

Quoique, je pourrais demander une rançon ! lâcha-t-elle avant de boire une gorgée de ce vin.

Cette proposition était vicieuse mais comme depuis tout à l'heure, c'était pour rire. Evelyn sentait qu'elle allait passer une bonne soirée.

Caleb avait tenté de dévier la discussion parce qu’il fallait admettre que ça pouvait être lassant pour les autres d’entendre parler de Tess. Il n’avait pas choisi le meilleur des sujets mais ils pourraient avoir une conversation pour « grand » comme ils disaient à sa fille quand elle devait aller jouer. Et oui, à 5 ans, on avait un peu tendance à raconter ce qu’on entendait venant de la bouche d’un adulte. Par exemple, il avait un élève qui avait conté la mésaventure de son père, rien de méchant juste qu’il s’était pris la baie vitrée en voulant aller sur la terrasse. Ou encore un autre qui s’était retrouvé à devoir s’essuyer des serviettes hygiéniques, bonjour l’épilation gratuite des fesses. Là, il y avait la télévision pour les couvrir et il y avait fort à parier qu’elle serait endormie dans les dix à vingt minutes.

- Ce n’est pas grave, confirma-t-il pour la seconde fois.

Il prit une bouchée de sa pizza parce que son ventre était en train de crier famine, il espérait juste que ça ne s’entendait pas trop. Enfin en même temps, il avait dû abréger son déjeune à midi parce que le directeur de l’école avait convoqué tout le personnel pour une réunion de dernière minute. Le thème de cette entrevue : le spectacle de fin d’année. Autant dire, qu’il n’y avait pas encore songé pour l’instant et cette année, il n’avait aucune idée. Enfin tout ça pour dire, qu’il avait faim présentement.  

- Je serai tout à vous, annonça le jeune père de famille. Enfin je veux dire que j’attendrais votre invitation !

Oui, c’était un peu gênant comme situation vu les sous-entendus qu’on pouvait entendre par la première formulation. Pour reprendre une certaine contenance, il but un peu de vin tout en pensant qu’il était bien content qu’il n’y ait qu’eux deux, parce qu’il en aurait entendu parler durant une décennie.

- Je vous comprends, d’autant plus que j’ai encore de cartons non ouvert dans la pièce qui me sert de bureau de travail ! Reconnut-il.

Néanmoins, il s’agissait beaucoup de chose à donner : des vêtements de bébés, des peluches ou des jouets pour bébés. Il y avait aussi des vêtements qui n’était pas de saison, et probablement des choses à jeter et dont il n’avait pas eu le cœur de se débarrasser.

Il se mit à sourire quand elle parla de rançon. Il aurait pu lui demander à quoi il devait s’attendre comme prix à payer mais il décida tout autrement :

- Je suis prêt à payer de ma personne, commença-t-il. On pourrait aller dans votre chambre, si elle donne sur celle de la voisine et faire un ramdam d’enfer jusqu’au petit matin !

Peut-être qu’il aurait pas dû se permettre une telle familiarité. D’autant qu’il n’était pas certain d’être aussi endurant, et qu’il se pourrait que cette image s’incruste dans son esprit quand il la croiserait dans l’immeuble.

Bien qu’il lui rappelait le fait que ce n’était pas bien grave qu’elle ait encore la caisse, Evelyn ne devrait pas la garder un peu plus longtemps. Tout de même. Elle aurait dû y penser, c’était tout ! Mais elle se promit dans un coin de sa tête qu’elle lui proposerait de passer un de ces quatre pour un café et pas seulement pour la caisse à outils mais aussi pour son hospitalité comme en ce moment même. Elle lui devait bien ça ! Cela dit, à voir s’ils ne partaient pas dans un sacré délire là. Enfin, Evelyn n’allait pas dire qu’elle ne l’avait pas cherché à tendre des perches pareilles en parlant de rançon, que ce que Caleb répliquait, elle avait des images pas très nettes et catholiques qui venaient en mémoire. C’était à double tranchant et à savoir comment interpréter ses paroles ! Il y avait de quoi se poser des questions si ce n’était pas innocent ou s’il y avait des arrière-pensées. Pas que Caleb soit désagréable à regarder, Evelyn aurait tort de ne pas penser qu’il était très bel homme… et tout autant des plus sympathiques même que ça serait étonnant qu’il soit célibataire. Le fait qu’elle soit réservée, cependant, Evelyn restait tout de même sur ses gardes. Son manque de confiance en elle ressurgissait mais elle ne le montra pas :

Si on ne se retrouve pas au poste de police avant ! Elle serait capable d’appeler les flics ! A voir si ça vaut le coup de donner autant de sa personne si ça finit comme ça !

C’était sûr et certain que la voisine en question, de l’enquiquiner un bon coup ferait du bien mais n’empêche, ce n’était pas bien. Evelyn préférait tout de même rester dans son coin, laisser les gens tranquilles. Tant qu’elle avait son logement, son cocon où se réfugier, à savoir où dormir la nuit… c’était ce qui comptait ! Elle n’aimerait pas se faire virer de l’immeuble, non plus ! Mais heureusement, ce n’était que plaisanterie.

Ce n’est pas bien d’être aussi médisant envers les voisins ! continua-t-elle avec son verre de vin à la main.

D’ailleurs, à manger pizza, elle repensa à une de ces rencontres d’une soirée quelques semaines plus tôt, soit un de ces pizzaiolos qui travaillait dans le quartier. De mémoire, il s’appelait Julian, quelque chose comme ça. Pour l’instant, la jeune femme n’avait pas eu l’occasion de le revoir, alors qu’il se vantait de faire les meilleures pizzas.

Elle est bien bonne cette pizza. Légère ! Pas bourratif ! Elle passe comme une lettre à la poste. Faudra que tu me donnes l’adresse !

Rien qu’une bonne pizza pour rapprocher des gens !

Je ne me souviens pas d'en avoir manger d'aussi bonnes à Louisville !

Du moins qu'elle s'en souvienne parce que bon, elle avait la nette impression qu'elle n'avait plus vécu pendant un moment, comme si elle avait eu un sacré bon moment d'absence et qu'elle ne saurait dire un véritable souvenir de ces dernières années : peut-être certains moments passés avec son oncle Jack au magasin de pêche et encore.

Caleb resta un peu con suite à la répartie d’Evelyn. Pour le coup, il avait du mal à savoir si elle était en train de plaisanter ou vraiment en colère. Certes, sa blague n’avait pas été des plus délicats mais il n’était pas du genre sauter sur tout ce qui portait des jupes. Au contraire, il avait généralement du mal à aller vers les femmes pour « draguer ». Il n’avait aucun problème à engager la discussion envers une femme comme les mamans de ses élèves, les nounous de ceux-ci, les caissières mais celles qui attiraient son attention, c’était une toute autre histoire.

- Ce n’était qu’une très mauvaise blague de ma part ! Avoua-t-il d’une toute petite voix, comme s’il avait été en plein flagrant délit de vol à l’étalage.

Pour un peu, il se voyait aller dans le bureau du Directeur du magasin à devoir attendre la police, ensuite au commissariat pour attendre que ses parents viennent le récupérer.

Quoi qu’il en soit, il lui en fut gré d’avoir changé de sujet de discussion : les pizzas. C’était un terrain moins glissant. Il prit une nouvelle part de la spécialité italienne et remplit à nouveau leurs verres. Le vin et le plat se mariaient parfaitement ensemble, à moins qu’il soit très mauvais en la matière. Chose qui ne serait pas étonnante vu qu’il pouvait que très peu.

- C’est simple, c’est celle au coin de la rue à deux pâtés de maison, commença-t-il par dire. Mais j’ai mangé le nom de la pizzéria, avoua-t-il ne songeant à aucun moment à regarder l’inscription sur les cartons d’emballage posé devant eux.

Autant dire, que le vin commençait à lui monter légèrement à la tête. D’autant plus qu’il avait bu une bière quasiment d’une traite, qu’il y avait la fatigue de la journée mais aussi celle de fin de semaine. Toutefois, il n’irait pas s’en plaindre parce qu’il passait une agréable soirée malgré sa mauvaise blague.

- Je ne connais que Louisville de nom, peut être qu’un jour tu nous feras visiter !

A savoir que le « nous » de la phrase de Caleb voulait dire : lui et Tess. Le fait d’avoir pensé à sa fille, il jeta un coup d’œil à l’heure. Il était l’heure de mettre au lit, sa petite princesse mais ce soir, il lui donnait un peu de rab. Comme ça, il n’interrompait pas leur discussion.

- Je ne t’ai pas encore parlé de la dernière lubbie de l’adore chipie, elle veut aller à Disneyworld pour voir Cendrillon, et voilà, il était repartie sur sa fille. Tess avait effectivement décrété vouloir aller à ce parc d’attraction. Une de ses copines y est allée le weekend dernier et a eu la bonne idée de leur montrer des photos.

Il était amusé de voir que tous les gamins réagissaient de la sorte, mais l’était beaucoup moins parce qu’il n’avait pas les moyens de lui offrir ce voyage. Et hors de question de demander à ses parents de financer ce projet.

- Hmmm… Dis-moi la première destination qui te vient à l’esprit si tu devais prendre un vol sur un coup de tête ?

Presque, elle le gronderait alors que pas du tout. Bon, certes, ce n’était qu’un sacré bon délire, mais à savoir où mettre les limites, c’en était une autre. A imaginer à jouer les indiens dans sa chambre, c’était drôle mais pourquoi particulièrement sa chambre, ça serait un appel à la débauche. Et pour dire, Evelyn ne connaissait pas encore bien Caleb d’où le terrain glissant. Très glissant. Cela dit :

J’avoue que d’imaginer les menottes au poignet, c’est une belle chute ! répliqua-t-elle dans un sourire pour rassurer, au cas s’il y avait un malentendu ! Evelyn ne se voulait pas se montrer rustre ou impoli. Ca avait été seulement son point de défense, sa carapace dû à son manque de confiance en elle.

Cela dit, la conversation dériva rapidement sur la pizza, parce qu’évidemment, elle était délicieuse et pour dire, si l’envie d’en manger de nouveau se présentait, la jeune femme saurait où appeler. Et dire que la pizzeria n’était pas loin, c’était une bonne chose à savoir. D’un geste, Evelyn regarda le nom sur le carton :

« Le Mazarino ».

Soit. Après à savoir si c’était la pizzeria où travaillait le pizzaiolo qu’elle avait rencontré, elle ne savait pas. Elle ne savait plus ! Ca faisait un moment qu’elle ne l’avait pas revu et pour dire, elle n’avait pas eu l’occasion de passer à sa pizzeria pour le moment, pizzeria qui était près de la soirée où elle s’était amusée quelques semaines plus tôt. Il y en avait tellement de restaurants que ce n’était pas ça qui manquait. Ce n’était que détail.

Détail comme Louisville. D’ailleurs, ville que Caleb ne connaissait pas. Pour dire, lui qui avait dit qu’il était pur New Yorkais, à savoir s’il était déjà sorti de New York. Depuis son arrivée ici, la jeune femme n’avait jamais rencontré encore une personne qui venait de sa région et comme les Etats-Unis – et même le monde – étaient grands, sa ville natale devait intriguer. Mais pourquoi pas lui faire visiter un jour ? S’il en était curieux ! Mais à savoir si cela se réaliserait un jour, Evelyn ne savait ! Il y avait tellement de choses qu’on disait. Non, en fait, Evelyn n’était pas du genre pessimiste…

Cela dit, Evelyn ne put s’empêcher d’esquisser un sourire lorsque Caleb dériva sur Tess. Après, on ne faisait que parler de la starlette ? Ben en meme temps, Evelyn pouvait comprendre tout l’amour que pouvait porter son père à sa fille mais Caleb n’avait pas intérêt à redire qu’on ne faisait parler que de sa fille, hein ! C’était une fierté et elle pouvait très bien le concevoir !

Les enfants et leur rêve ! répondit-elle.

Les enfants parlaient entre eux et forcément, s’il y avait un enfant qui parlait de Disneyworld, toute la planète des gosses voulait y aller. C’était bien connu ! Bref, si Evelyn avait une destination, la première qui lui venait facilement en tête :

Dublin.

C’était sorti spontanément. Et oui, elle rêvait de partir loin, de l’autre côté de l’océan, aller bien au-delà des Etats-Unis !

J’ai des origines Irlandaises, expliqua-t-elle. Certes, des origines lointaines mais en même temps, la culture celtique est attirante. Et je ne serais pas contre de fêter la Saint-Patrick.

Saint-Patrick qui avait été d’ailleurs fêté le 17 mars dernier. Oh, non, la jeune femme n’était pas du genre alcoolo. Comme déjà dit, elle aimait le patrimoine. Et de toute manière, il n’y avait pas qu’en Irlande qu’on buvait de la bière, il y avait bien sûr l’Allemagne qui avait sa propre fête. Et puis qu’importait, chaque pays avait sa propre spécialité. Mais pour elle, c’était l’Irlande. Elle en faisait une fixation comme certain rêverait de l’Angleterre, de la France comme l’Australie ou le Japon.

Si ça ne tenait qu’à moi, je prendrais un voilier et je partirais direct. Mais il faut savoir naviguer, ria-t-elle. Ce qui n’est pas mon cas.

Non, Evelyn n’était pas en train de rêver là, à partir à l’aventure, tel un pirate. Et non, ce n’était pas l’alcool qui faisait également effet. Pas du tout. La journée, le boulot, la fatigue… la jeune femme avait une envie de détente et ça se voyait sûrement depuis le début de la soirée. Tous ses membres, ses muscles… elle les relâchait sur cette chaise, voulant enlever toute cette pression inutile.

Et toi alors ? Jusqu’où tu iras ?

Voilà, parler de nourriture était peut être un sujet banal mais au moins ce n’était pas un terrain glissant. Enfin si, ça pouvait le devenir s’il y avait des allusions aux bananes, concombres mais Caleb allait éviter de partir en couille pour la seconde fois de la soirée. D’une parce qu’il pourrait passer pour un obsédé, ce qu’il n’était pas, et du coup faire peur à son invitée. Et de deux, il ne fallait pas oublier qu’il y avait une gosse de 5 ans dans la pièce à côté.

Avec ce changement, la discussion était plus aisée. Les pizzas, de quelle enseigne elle venait, la cuisson, la pâte, etc… Mais aussi le fait que la jeune femme évoque sa ville natale. Et bien sûr de but en blanc, il se remit à parler de sa petite Chipie. Il fallait vraiment qu’il fasse quelque chose pour arrêter. Comment faire connaissance avec une personne du sexe opposée, en ramenant Tess à tout bout de champ ? L’avantage avec Evelyn c’était qu’elle la connaissait et savait donc, qu’elle était sa fille. Les autres femmes en revanche risquaient de voir cela d’un très mauvais œil. Finalement, il mettrait probablement la méthode de Drew en place : à savoir mettre une pièce dans un bocal dès qu’il aurait le malheur d’aborder le thème « Tess », sans qu’on l’y interroge, tout comme l’évoquer parce qu’un mot dans la discussion venait de lui faire penser à une anecdote. Les petites histoires drôles de sa fille, il allait devoir les garder pour plus tard : genre quand elle ramènerait un copain à la maison.

Bizarrement, il demanda à sa voisine de lui donner la première destination qui lui passait à la tête si elle devait partir sur un coup de tête. Enfin, lui le voyait ainsi et apparemment elle aussi vu qu’elle ne lui dit pas de répéter sa question.

L’Irlande, et plus particulièrement Dublin. L’un des pays des contes et légendes Celtes. Le pays des farfadets. Les clans. Les fêtes, notamment la plus connue la Saint Patrick. C’en était presque tentant. Caleb se délecta de sa réponse puis de l’explication qui suivit, tout comme il ne put s’empêcher de rire quand elle dit ne pas savoir naviguer donc qu’elle ne pouvait pas voguer sur l’océan seule.

- J’ai bien peur que ma réponse soit trop classique mais pour moi, ça serait la France ! Lui dit-il. Paris, avec tous ses musées : le Louvres, Pompidou, d’Orsay, Grévin. Sans oublier la Dame de Fer, Montmartre, le Sacré Cœur, Notre Dame, les Champs Elysée, L’arc de Triomphe.

Certes, la destination de Caleb était un des plus grands clichés américains. Il aurait pu dire Venise, Casablanca, Las Vegas ou Londres pour y apercevoir la Reine ou l’un des membres de la famille Royale. Lui, c’était la France pour Paris. Il en avait fait des exposés sur ce pays, Paris et quelques autres villes, quand il était au collège et au lycée. Pour sa culture personnelle mais aussi dans l’espoir que son établissement scolaire organise un voyage scolaire là-bas. En vain.

Tant pis, peut être qu’un jour il aurait cette chance. S’il mourrait avant, il se réincarnerait en homme riche, pourquoi pas en Français ? Mais là, il risquerait de vouloir aller aux Amériques et revenir à la case départ.

- Je commencerai par le tour en bateau mouche, avoua l’instit. Et je terminerai par la séance obligatoire de shopping pour ramener des souvenirs.

Ou pas, en fait. Il aurait peut-être trop de gens sur sa liste. N’oublions pas que le jeune homme fait attention à ses dépenses pour pouvoir faire en sorte que sa fille ne manque de rien. S’il partait en France, il serait un homme dans le besoin et obligé de retourner vivre chez ses parents.

- En revanche, je ne tenterai pas les fameux escargots de Bourgogne mais je ne dirai pas non à une bonne tarte Tatin !

Il était en train de se vendre du rêve tout seul. Il parlait de choses qu’il ne connaissait pas comme s’il était un expert. Le jeune homme se leva pour commencer à débarrasser les couverts de sa Chipie, puis pour transvaser les morceaux d’une des pizzas dans l’autre carton, histoire de faire un peu de place et d’y voir plus clair.

- Tu veux quelque chose en dessert ? J’ai des fruits, des yaourts, de la compote ou de la glace ?

Pas qu’il était pressé d’en finir au plus vite avec cette soirée. Bien au contraire, c'était plaisant de se retrouver seul avec un adulte.

D’évoquer une destination – une destination rêvée – était une manière de faire connaissance, qui pourrait sans doute amener à d’autres sujets, à débattre. N’était-ce pas mieux que de ne rien dire et à se regarder dans le blanc des yeux ? Rendant finalement le moment désagréable en se rendant compte au final qu’ils n’avaient sans doute rien en commun, mais finalement, Caleb avait de la conversation. Sa destination rêvée pour lui, c’était la France. Vraiment ? La France qui lui faisait envie ? Après tout. Pourquoi pas ! Il y avait tellement de choses à découvrir et à voir dans ce monde, avec tout ce patrimoine dont une bonne partie que Caleb cita, du moins, de la vie parisienne. C’était fou quand on parlait de certains pays, on se référençait beaucoup sur la capitale et on oubliait un peu le reste alors qu’il y avait des fois des choses plus intéressantes, cachées, pas forcément assez bien mis en avant. Enfin, ce n’était que l’avis d’Evelyn mais comptez sur elle pour aller fouiner et découvrir. Cela dit, dans l’ensemble, l’Europe était une bonne destination pour elle.

Un bon programme, en somme ! résuma Evelyn mais il fallait bien avouer que dit comme ça, ça faisait bien envie ! Et ne parlons pas non plus de la cuisine culinaire ! Ca, c’était quelque chose qui faisait bien envie ! Bon, les escargots ne la tentaient pas spécialement et… Les cuisses de grenouille aussi ! ajouta Evy.

Et en parlant de bouffe, il était temps au dessert ? Hum qu’est-ce qu’elle voulait ? En fait, le seul mot qu’elle capta et qui lui traversa l’esprit était :

Compote !

Au moins, c’était clair ! C’était une réponse dynamique, énergétique et spontanée. Tout ça quoi ! Il n’y avait pas plus clair et non, l’alcool n’en faisait rien dans tout ça. Mais il fallait dire que pour le moment là, Evelyn se sentait plutôt bien et assez confiante, excepté un peu plus tôt quand elle avait eu l’impression de ne pas trop avoir captée les attentions de Caleb. Après tout, elle s’était peut-être fait un film.

Désolée, je m'emporte un peu ! lâcha-t-elle dans un magnifique sourire.

Au moins, ça démontrait un peu que la jeune femme se laissait aller. Pas qu'elle était du genre coincée mais il lui fallait un peu de temps pour tâter le terrain. Quoique, tout à l'heure, rien ne lui avait empêché de partir dans un petit délire, avec la petite Tess et tout ça... Mais c'était comme ça.

La destination du jeune homme était des plus banales mais c’était l’un de ses rêves. Il aurait pu mentir, en parlant de l’Inde ou un tout autre pays mais autant jouer la carte de l’honnêteté. Après tout, quelqu’un lui avait dit un jour que tous les mensonges aussi bien les gros comme les petits nous rattrapaient toujours un jour ou l’autre.

Il se sourit quand elle évoqua les cuisses de grenouilles. Décidemment ces Français ne savait plus quoi inventer pour faire parler d’eux et de leur gastronomie. Dans les clichés du jeune homme, il ne manquait que celui du bonhomme portant le béret et la baguette de pain.

Après avoir fait un peu de place, il demanda à la jeune femme ce qu’elle désirait comme dessert. Quand elle lui répondit, il faillit se mettre à rire. La réponse avait été un peu comme un cri du cœur, spontanée. Pas étonnant que sa fille se soit si vite attachée à la jeune femme. Les enfants ne se trompaient que très rarement quand ils accordaient leur confiance.

- Ce n’est rien, répondit-il à cette dernière en sortant le dessert demandé. J’ai l’habitude !

Et ce n’était pas peu de le dire, entre sa fille, les enfants de son meilleur ami et les élèves de sa classe. Mais c’était malgré tout agréable de voir qu’une adulte pouvait aussi garder une part de son âme d’enfant.

Il retourna à sa place, une verrine de compote et deux cuillères à la main. Ca aurait mieux s’il avait eu des coupelles pour manger mais il avait juste le minimum en couvert, ceux dont il avait le plus d’utilité quotidiennement : assiettes, verres, couverts.

- Ça te dérange si on partage ? demanda-t-il par acquis de conscience.

Il savait que de plus en plus de personnes ne partageaient plus la même bouteille d’eau, ou ne croquaient dans un morceau de tarte pour gouter, à cause de la crainte d’attraper quelque chose. D’un côté, ça n’était pas plus mal ça évitait de partager son rhume ou sa gastro. D’un autre, il ne savait pas trop quoi y penser. Par exemple, il ne se posait pas de question quand il s’agissait de finir un sandwich de Tess, de prendre une bouchée d’un plat que sa mère voulait lui faire gouter.

Spontanément, elle avait répondu, comme un cri du cœur ! Mais qu’importait ! Evelyn était déterminée à avoir sa compote là, sinon elle partirait à l’aventure tel un pirate qui embarquerait sur son navire, irait braver l’océan pour la conquête d’un trésor. La compote : c’était le Graal ! Oui, Evelyn allait loin pour le coup parce que bon, il n’y avait pas forcément grand-chose à braver ici, il fallait juste faire quelques mètres pour atteindre le frigidaire… Ce n’était pas le bout du monde !

Sur ce, après la proposition d’un dessert, Caleb revint alors avec la compote demandée mais qu’une compote, et non deux, ni autre chose pour lui. Etrange soit-il, Caleb lui proposait de la partager. What ?

C’est la dernière ?

C’était la seule chose qui lui vint à l’esprit pour expliquer ceci. Et Evelyn tendit la main pour récupérer une cuillère.

Que répondre à une compote qui ne demande qu’à être mangée ? répondit la jeune femme.

Bien sûr que ça ne la dérangeait pas… Quoique ! Depuis le début de la soirée qui lui paraissait quelque peu loufoque, Evelyn avait l’impression qu’elle n’était plus à ça près. Sur ce, la jeune femme s’approcha pour être aux côtés de Caleb afin de partager cette compote. Ca serait difficile si elle était à trois kilomètres de là ! Elle l’avait laissé ouvrir le pot et ils pouvaient alors commencer à manger la compote. En deux trois cuillère, ça serait vite terminé, ou presque !

Allez, je vous laisse la dernière bouchée ! lâcha Evelyn quand le pot était pratiquement fini. Elle avait tendu sa cuillère pour que ce soit Caleb qui finisse la compote.

Et s'il n'acceptait pas, elle devra donc se battre ! Avec honneur ! Comme un pirate... ou plutôt un chevalier ! Pas sûr qu'un pirate ait de l'honneur !

Il avait pris que la compote demandée à Evelyn, parce qu’il n’y avait que les yaourts à la fraise de Tess. Pas qu’il n’aimait pas les yaourts, seulement qu’il avait en horreur ceux qui étaient dans son frigo. Les fraises en fruit oui, il en raffolait mais pas quand ça devait en avoir le gout parce que c’était écœurant et trop industriel ou artificiel.

Enfin bref, il était à nouveau assis à sa place posant ce qu’il avait en main sur la table. Caleb demanda à la jeune femme si elle voulait bien partager avec lui.

- Oui, répondit-il, en prenant de son verre de vin, ça serait du gâchis de ne pas le finir.

Honnêtement, il ne lui en aurait pas gardé rigueur si elle avait refusé. Il se serait contenté de la regarder manger la seule et unique compote qui restait. La voyant rapprocher sa chaise, il finit par ouvrir le pot.

Il fallait bien l’avouer, il se retrouva un peu con quand elle avança sa cuillère vers sa bouche pour qu’il mange la dernière bouchée. Cela dit, il ne se fit pas prier parce qu’il fit comme demandé. Après, il avait fait en sorte de n’en prendre qu’une cuillère jusqu’à présent pour faire plaisir à son invitée.

- Laisse, je ne me lève pas demain pour aller bosse contrairement à toi, déclara-t-il quand il la vit se lever pour commencer à débarrasser la table.

Bien sûr, qu’il lui faudrait se lever demain pour ne serait-ce s’occuper de sa fille mais il aurait le temps de se reposer un peu après que ses parents soient venus la récupérer et avant le début des matches de base-ball. Bientôt la saison serait finie donc il aurait beaucoup plus de temps pour lui.

Le jeune homme versa la fin de la bouteille dans leur verre. Il s’adossa au dossier de son siège et commença à reprendre la parole :

Dans Indiana Jones, combien y'a t-il de T? Demanda Caleb. Evy lui donna deux ou trois réponses avant qu’il ne lui donne la bonne : Plus de 20 car TATATA TATATA TATA TA TATA TATA...

Il se mit rire tout bêtement. Les blagues qu’il raconta par la suite ne fut pas plus drôle les unes que les autres. L’instituteur avait même réussit à caser des blagues de Toto. Cela dit, il finit tout de même par une toute petite histoire :

- C'est l'histoire d'une bouteille de tequila qui traverse la route et PAF la teq!

Et bien, la compote s’était fait bien désirée, en tout cas ! Il en fallait vraiment peu pour amuser la galerie ! Cela dit, quand la jeune femme voulut aider à débarrasser la table, voilà qu’il lui sortit l’excuse qu’elle bossait le lendemain. Bon, en même temps, si c’était une raison pour se faire chouchouter dans un sens, et d’agir comme une invitée. Soit ! Mais n’empêche, qu’elle bosse le lendemain ou non, en fait, ça revenait un peu au même. Tout dépendait à quelle heure, elle se couchait en fait. Et aussi, ils n’étaient pas obligés de débarrasser la table toute suite … à l’évidence ! Autant rester là à bavasser tout en finissant la bouteille de vin à deux. Non, ça ne faisait pas une bande d’alcoolique ! A peine ! Cela dit, la conversation finit rapidement par des blagues loufoques tels que cette histoire d’Indiana Jones, les histoires de Toto ou cette histoire de Tequila qui firent bien rire la jeune Evelyn. Certes, ce n’était pas forcément de grandes blagues mais en même temps, c’était spontané, si ce n’était pas l’alcool qui aidait mais Evelyn avait besoin de rire. Il en fallait vraiment peu et il fallait s’en contenter de peu… Bien, ce n’était pas ce que son psychologue lui avait suggéré entre autre ? ça serait bien une chose qu’elle mettait à profit à présent, seulement pour une soirée mais pour que cette pensée soit permanente, il y avait encore du boulot mais c’était déjà un pas en avant…

Bon, pas que la soirée soit désagréable bien au contraire ! Mais il est peut-être temps que je m’en aille ! Comme vous le savez, je travaille demain.

Elle arrivera à se lever sans trop de difficultés. Quoique ! Elle ne le saura que le lendemain.

Vous devriez voir où en est votre chipie ! Je suis sûre qu’elle s’est endormie dans le canapé !

Car c’était sûr, on ne l’entendait plus du tout, même malgré les rires, la discussion, tout semblait ne pas avoir dérangé la petite. Quand elle laissa Caleb jeter un œil à sa fille, Evelyn pouvait voir si elle n’avait rien oublié. Elle n’était pas venue avec grand-chose ! Sans veste, sans rien… Sauf ses clés dans sa poche. Elle resta un instant à finir son verre de vin avant de retrouver Caleb à l’entrée.

Merci pour la soirée. C’était chouette… fit-elle en souriant.

Et pour peu, ça se voyait que ça lui avait plu. Ca lui avait vachement fait du bien. Son voisin était agréable, avait de la conversation et de l'humour... Pas mal de choses de plaisant chez lui, en plus d'être un beau gosse... Sans doute qu'on ne rencontrait pas forcément dans tous les coins de rue... Normal, il ne vivait seulement qu'au -dessus de chez elle...

Il lui avait dit aussi de laisser la vaisselle parce qu’il n’y avait rien à laver. En revanche, il en aurait été tout autrement, s’il avait fait la popote et tous les bols, les récipients, les casseroles dont il aurait pu avoir besoin.

Enfin bref, ils restèrent à leur place à parler de tout et de rien. Le vin aida un peu l’instituteur à raconter des blagues. Il les avait entendu il ne savait plus trop ou, il les écorchait également par moment parce qu’il avait des trous de mémoire. Et franchement, il avait pioché dans le répertoire de Tess parce qu’il y en avait des biens meilleures, des plus grivoises aussi. Enfin, l’essentiel était tout de même qu’ils passent un bon moment. Et puis, ne disait-on pas que le ridicule ne tue pas ?

- Oui, bien sûr ! dit Caleb à son invitée.

Même s’il trouvait dommage que la soirée se termine déjà. Mais ils auraient peut-être l’occasion de s’en refaire une autre, un jour ou l’un et l’autre ne travailleraient pas le lendemain. Il se leva afin de raccompagner la jeune femme jusqu’à la porte, il resterait sur le pas de sa porte jusqu’à ce qu’il entende la porte de la demoiselle se refermer derrière elle. On n’était jamais trop prudent. Imaginer, qu’elle ait fui un mari violent et que celui-ci l’ait retrouvée pour la battre à mort ? Il pourrait être accusé de non-assistance sur personne en danger.

Il saisit l’occasion que venait de lui faire Evelyn pour aller jeter un coup d’œil à sa fille. Elle dormait à point fermé. Il irait la mettre dans son lit quand sa nouvelle amie serait partie, puis il se mettrait à faire la vaisselle avant de se coucher lui aussi. Pour le moment, il se contenta juste de fermer la télévision et vérifia si le lecteur dvd était en marche ou non. Non. Il ne se souvenait plus s’il avait mis un dvd ou non à sa Chipie.

Enfin, ce n’était pas grave. Demain, serait un autre jour et il s’en assurerait à ce moment-là. Il retrouva donc la jeune femme dans l’entrée.

- Merci d’avoir acceptée, Evelyn ! Lui répondit-il.

Effectivement cela avait été agréable, même le moment où il s’était senti idiot. Il finit par s’approcher d’elle afin de lui faire la bise. Quand ses lèvres allèrent trouver sa joue, elles finirent leur course sur celles de la jeune femme.