Un café, une boîte à outils et discussion [Caleb - Terminé]

Depuis son séjour à l’hôpital, beaucoup de choses se bousculèrent dans sa tête… Elle repensait à ce qu’elle avait pu faire, ce moment où elle s’était réveillée à l’hôpital et tout ce qu’elle avait pu ressentir, mais tout portait un peu à confusion. Tout d’abord, à savoir si elle devait trouver à un sens … Elle vivait. Elle vivait encore ! Elle avait encore échappé de peu à la mort. Dans une autre vie, elle pourrait dire qu’elle était une miraculée.

Pour le moment, elle était en « congé maladie » si on pouvait dire ça comme ça. Le musée – du moins le directeur - lui avait laissé quelques jours de repos tout en gardant pour lui les informations envers sa personne. Heureusement que lui seul était au courant et non le reste des employés, Evelyn ne supporterait pas leur regard à son égard. Même pas sa collègue Phoebe, bien que celle-ci avait remarqué sa disparition. Elle l’avait appelée pour avoir des nouvelles mais Evelyn n’avait que répliquer qu’elle n’allait seulement pas bien… et qu’elle allait revenir. Bientôt. Comment voulez-vous expliquer une telle chose ? Qui en plus, si vous en avez honte ? Evelyn n’avait osé lui dire toute la vérité mais Phoebe pouvait deviner que tout ce qu’elle avait pu traversé – sous-entendant le hold-up puisqu’elle était au courant de cet événement et uniquement ça – cela avait seulement un rapport avec ça. Bref, qu’elle ne sache que ça… Du moins, pour le moment.

Ces quelques jours de « repos » allaient lui permettre de remettre les pieds à l’étrier, soit reprendre le cours de sa vie normale… et déjà en premier lieu à suivre son premier rendez-vous chez le psychologue qu’on lui avait attribué à l’hôpital. Ca serait déjà une chose de faite, un premier pas pour avancer. Lors de cet entretien, elle avait tout d’abord été muette… jusqu’à ce qu’elle rompt son silence. Pour désamorcer son mutisme, le psychologue lui avait demandé de lui parler de ce qu’elle aimait et des bonnes choses depuis son arrivée à New York. Evelyn se surprit de dériver la conversation sur Caleb, son voisin. A repenser les quelques moments partagés avec lui, il avait été gentil, avenant à son égard… Et surtout, il l’avait fait aussi rire. Sans oublier qu’il avait aussi une adorable petite fille… Franchement, une personne dont vous rêveriez. Il l’avait « sauvé » en quelque sorte mais également, ne l’avait surtout pas jugé, ou même, cherché à savoir et à comprendre son acte. Il ne l’avait pas brusquée. Etrangement. Une personne rêvée, elle avait pensé ? Normalement, ce genre de chose n’existait pas. Ca cachait quelque chose de louche, non ?

Bref, en ce jour, elle s’était levée… pour flemmarder. Elle n’aurait pas le courage de sortir, de voir du monde… Mais il faudrait bien… Mais en ce jour, elle n’aurait que le courage de sortir chercher son courrier. C’était sûrement déjà pas mal ! Après s’être habillée de ce qui lui tombait sous la main : un short, un haut qui lui ferait presque effet chandail, elle ne prit même pas le temps de se coiffer ou de mieux prendre soin d’elle… Sur ce, elle récupéra son courrier, puis était repartie pour remonter dans son chez elle jusqu’à ce qu’elle croise un voisin dans les escaliers et pas n’importe quel voisin puisqu’il s’agissait de Caleb. Evelyn fut surprise sur le coup.

Bonjour…

Le jeune homme s’était montré discret – comme à son habitude à vrai dire – suite aux derniers évènements. Ce n’était pas tous les jours qu’on retrouvait sa voisine entre la vie et la mort. Caleb avait réagi comme tout à chacun, en appelant les secours et en tentant de la maintenir en vie. Aujourd’hui, il se demandait s’il avait eu la bonne réaction : après tout il n’était pas Dieu et n’avait aucun droit de décider pour la jeune femme de la garder en vie ou non. Il espérait juste qu’elle ne lui en tiendrait pas rigueur. De toute façon, il ne pouvait pas revenir en arrière parce qu’il prendrait exactement la même décision.

Bref, il avait tenu sa promesse envers Evy : pas de questions sur ce qu’il s’était passé et qu’il serait là, si elle avait besoin d’une oreille attentive. Bien sûr que l’instituteur avait été tenté de s’arrêter pour s’assurer que tout allait bien. Cependant, il avait eu peur d’être étouffant et envahissant alors qu’il était juste son voisin et non un membre de sa famille. Il s’en était tenu à ce qu’il lui avait dit en la raccompagnant chez elle après l’hôpital : qu’il habitait à l’étage supérieur si elle avait besoin de quelque chose. Le plus dur avait été de trouver quoi dire à Tess, il ne se voyait pas le lui dire ce qu’il s’était réellement passé parce qu’elle risquait de ne pas comprendre. Non  dans un premier temps il lui avait dit qu’Evy était partie en vacances, dans un second temps qu’elle avait attrapé la grippe, etc… Cela dit, il n’allait pas pouvoir continuer à trouver une excuse… Surtout qu’ils allaient bien se croiser à un moment donné dans les couloirs.

Caleb appréciait converser avec la jeune hôtesse au musée. Le plus souvent, ils se rencontraient devant les boites aux lettres. Ils faisaient attention à ne pas faire trop de bruits pour ne pas avoir la vieille sorcière sur le dos. Même s’il était un adulte, Caleb admettait qu’elle lui foutait la chair de poule quand il se retrouvait nez à nez avec elle. D’ailleurs, ça s’était produit pas plus tard que la veille. Il l’avait croisé aux boites aux lettres où elle était occupée à essayer de prendre le courrier du jeune homme qu’elle ne l’avait pas entendu arriver. Le vieux pruneau desséché avait tenté de se justifier, en disant qu’une lettre y était tombée. Autant dire qu’elle devrait faire mieux – beaucoup mieux, même – la prochaine fois car sa boite aux lettres était à l’opposé de celle de Caleb.

Ce matin-là Caleb avait fait la grasse matinée, chose qu’il lui arrivait que très rarement. Même quand il était malade, ne bossait pas et que sa fille était chez ses parents. Après avoir vaqué à ses occupations : ménage, toilette et se restaurer avec les fonds de placards, Caleb se décida à accomplir la corvée des commissions comme ça, il serait tranquille jusqu’à la prochaine fois. L’instit fit une petite liste afin de ne rien oublier, enfila sa veste puis ses chaussures, vérifia qu’il avait son portefeuille avant de quitter son domicile.

Il descendit un étage mais il fit comme à son habitude une halte au niveau du palier d’Evelyn avant de reprendre sa marche. Il ne lui restait plus que deux ou trois marches, quand on lui adressa la parole. Il avait reconnu la voix de sa voisine, donc il releva la tête pour lui parler.

- Bonjour !

Ce n’était pas terrible comme réponse mais il ne se voyait pas lui demander « comment vas-tu depuis la dernière que nous nous sommes vus ? », ni même ne s’imaginait pas faire de commentaire sur sa tenue vestimentaire ou sa coiffure. Il se dirigea vers sa boite afin de prendre son courrier. Cette rencontre lui avait fait oublier pourquoi il était descendu de chez lui, alors il avait eu cette idée pour ne pas rester là, les bras ballants.

- Tu devrais peut être remonter ! finit-il par lâcher. Tu es pieds nus ! lui expliqua-t-il en lui désignant ses pieds.

Pour dire, Evelyn ne s’attendait pas réellement à croiser une quelconque personne à cette heure-ci, et encore moins Caleb. Pas qu’elle cherchait à le fuir, loin de là, mais elle n’était pas forcément prête à affronter certaines réalités, et cela dit, il faudra bien que Caleb et elle aient une conversation un jour. Il fallait l’avouer : elle n’avait certes pas le courage de voir les gens – excepté son psychologue, peut-être – mais quasi personne connaissait sa hantise. En le regardant aller jusqu’à sa boîte aux lettres, devrait-elle lui imposer tout ça ? Avait-elle le droit ? Elle devrait lui parler. Quelque  chose. Seul lui savait pour elle et cela lui permettait de ne pas prononcer ces mots, de dire de ce qu'elle avait fait... Ces mots qui faisaient mal. Ces mots qu'elle ne pouvait dire à quiconque, même pas à sa famille. D'où le droit de lui imposer ça ? Sur ce, Caleb finit par lui faire sortir de ses pensées en lui lâchant une histoire avec ses pieds. Quoi ? Un peu paumée, Evelyn regarda ses pieds et effectivement, ils étaient nus. Pour dire, oui, elle avait la tête en l’air. En se passant une main dans ses cheveux, sortant de la planète lune, elle répondit :

Euh… oui… je devrais !

Il ne manquerait plus qu’elle attrape une de ces crèves ! Etant prête à remonter, au final, elle ne bougea point. Elle se tourna vers Caleb.

Caleb, l’appela-t-elle doucement.

Maintenant qu’elle ait son attention, que dire ? Il fallait bien qu’ils parlent un jour, non ? Depuis ce qui s’est passé l’autre jour ? P’tête pas forcément lui expliquer les raisons de son acte mais vu pour le moment, elle n’était pas très entourée mais surtout qu’ils avaient établis un bon lien, Evelyn ne voulait pas non plus établir un malaise entre eux. D’autant plus qu’il n’y avait pas que sa tentative de suicide qui pourrait mettre un malaise mais surtout ce qui avait pu se passer précédemment ça : ils s’étaient… embrassés. Les mains dans les poches postérieures de son short, prenant son courage, elle lui demanda, avec un petit sourire gêné :

Ca te dirait de boire un café chez moi ? … Je crois que… j’ai une caisse à outils qui n’est pas à moi.

Une bonne excuse, non ? Au moins, autant faire une pierre, deux coups : elle pourrait lui rendre ce qui lui appartenait.

Enfin… si t’as le temps bien sûr … Je ne veux pas t’empêcher de t’en aller si tu as autre chose à faire … s’excusa-t-elle, presque.

Il avait encore une fois agi comme un père de famille. Oui, il aurait dit exactement la même chose à sa fille de cinq ans. Néanmoins, il fallait admettre qu’il aurait mieux de s’abstenir, même s’il l’avait fait pour lui éviter de tomber malade. Cela dit, il ignorait s’il en aurait fait de même avec la vieille sorcière – la voisine de palier d’Evy- ou encore avec sa cousine. Pour la seconde probablement, parce qu’il avait eu à jouer les gardes malades plusieurs années auparavant. Au point qu’il avait foutu sa clochette dans le feu de la cheminée et qu’il avait maudit sa tante de lui avoir filé pour éviter qu’elle ne se lève.

Cependant, il n’ajouta aucun commentaire quand elle lui confirma qu’il avait raison. Enfin, il le comprit comme tel, il n’était pas du genre à faire le fanfaron quand ça arrivait, il n’y avait pas besoin d’en faire des tonnes. Evelyn aurait pu l’envoyer sur les roses et lui demander de s’occuper de ses oignons.

Le trentenaire ne s’attarda pas dans le hall. Pas qu’il ne voulait pas passer du temps avec la jeune femme mais simplement parce qu’il ne voulait pas qu’ils fassent partis des commérages d’immeuble, même s’ils n’avaient rien à se reprocher. Et le pire dans tout ça, il était persuadé que sa cousine Romy, alimentait les rumeurs en balançant les choses qui lui passaient à l’esprit même s’il n’y avait aucun rapport avec les gens du l’immeuble. Il était en train de regarder les différentes enveloppes qu’il avait en main, tout en se dirigeant vers l’escalier.

- Oui ? Demanda-t-il, se tournant lentement vers la jeune femme, un peu comme si on avait le film sur « ralenti ». Du moins, ce fut l’impression qu’il eut sur le moment.

Il ne posa pas de question, attendant que son interlocutrice poursuive dans sa lancée. Tout en se demandant, s’il ne lui avait pas fait perdre le fil de ses pensées avec son simple « oui ». Caleb n’était pas vraiment serein. Il y avait tous les récents événements qui trottaient dans sa tête, ne le lâchant pas une seule minute. Pour lui, il était responsable de la situation. Tout avait dégénéré suite à leur baiser. Il aurait dû être plus vigilent, il était instituteur et savait quand un de ses élèves n’allaient pas bien, pour ne pas dire maltraité par ses parents. Ceci dit, même s’il avait eu les cartes en même, il n’aurait pas pu en faire plus. Même, s’il savait certaines choses, Caleb n’était pas en droit d’exiger des réponses à ses questions. Tout comme il ne la repousserait pas dans ses retranchements. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il appréciait beaucoup la jeune femme et qu’il ne voulait pas mettre à mal la relation amicale qu’ils avaient réussi à construire. D’autant plus que sa fille, Tess, adorait également Evelyn.

La demoiselle finit par parler, lui proposant de prendre un café et de récupérer son bien. Puis d’ajouter qu’il n’était pas obligé d’accepter s’il avait d’autres projets. Les courses, il pourrait les faire plus tard, au pire, il irait se servir dans les placards de sa voisine vu qu’elle faisait ses commissions dans les siens.

- Un café, ça me tente bien ! Répondit-il à la question, mettant ses projets dans la case « plus tard » de sa tête. J’ai tout mon temps, Tess est chez mes parents.

Sans le vouloir, il venait de lui qu’il n’aurait pas besoin d’interrompre leur discussion pour aller récupérer sa fille à l’école.

Il gravit donc les escaliers en compagnie de sa voisine, ne sachant pas quel sujet aborder et ne peur de commettre un impair.

Un peu anxieuse, Evelyn attendait sa réponse. Elle aurait presque peur après ce qu’elle avait fait, qu’il l’évite. Après tout, si c’était vrai, il aurait sans doute agi de manière différente à l’hôpital, mais elle comprendrait s’il refusait maintenant. Elle ne pouvait s’empêcher d’avoir peur tout simplement. Fragile, elle le restait pour l’instant et le fait de s’isoler comme elle le faisait n’arrangeait rien à la chose. Pour le coup, elle espérait son soutien puisqu’il était le seul à savoir ce qu’elle avait. Lui en demandait-elle trop ? C’était ce qu’elle se disait un peu plus tôt, avait-elle ce droit de lui imposer ce fardeau ? Un fardeau qu’elle ne pouvait porter seule. Elle fut rassurée qu’il accepte et qu’il ajoute même qu’il n’avait pas Tess sous sa garde pour la journée, ce qui signifiait qu’il avait du temps devant lui. Franchement, pour tout dire, la jeune femme avait l’impression d’être face à un ange et elle se demandait si elle méritait réellement toute cette attention. Enfin de toute manière, ils se devaient absolument parler. C’était un passage obligatoire et ils ne pouvaient pas s’éviter plus longtemps.

Sur ce, elle grimpa les marches jusqu’à chez elle où elle inséra les clés dans la serrure, puis ouvrant sa porte, elle laissa alors Caleb entrée sur l’ancienne scène du crime. Bon, ça n’avait pas tellement changé depuis lors.

Entre.

Elle le laissa entrer et ferma la porte derrière lui.

Assis-toi sur le canapé, ajouta-t-elle, je vais chercher les cafés.

Sur ce, depuis qu’elle avait traversé sa porte d’entrée, elle avait déjà oublié qu’elle était encore pieds nus. Elle se dirigea vers sa cafetière pour faire couler deux cafés. Ceux-ci prêt, elle revint et en tendit un à Caleb. Puis elle s’assit à côté lui et fit doucement, un peu gênée :

Merci de m’accorder ce moment… Je… C’est vrai avec ce qu’il s’est passé la dernière fois, je.. je ne facilite pas les choses et je ne veux pas les compliquer, que quelque chose change ou que tu changes de regard par rapport à moi.

Il fallait bien commencer son discours un peu quelque part. Ca se voyait qu’elle cherchait un peu ses mots pour l’instant et cherchait un peu de réconfort avec la chaleur de sa tasse.

Je ne saurais t’expliquer certaines choses à l’immédiat … avec ce qu’il se passe dans ma vie.

Tout ce qu’elle souhaitait, c’était de le déculpabiliser …et qu’elle comprenait si elle ne voulait plus d’elle. Enfin elle ne savait, car le fait qu’ils aient pu s’embrasser, déjà qu’elle avait dû mal à gérer sa vie et était complétement paumée, elle ne s’attendait pas ce qu’il attendait de leur relation, ses pensées ou ses sentiments.

Il s’exécuta en pénétrant dans l’appartement comme demandé. Il ne se focalisa pas sur la pièce à vivre. Certes il l’avait lors d’une autre circonstance mais c’était du passé, même s’il aurait du mal à l’effacer de sa mémoire, c’était indélébile. Cela dit, pour l’un comme pour l’autre il fit comme si de rien n’était. C’était le mieux à faire, le sujet viendrait de lui-même sur le tapis, au bon moment. Point final.

Il prit place sur le canapé, après avoir déposé son courrier sur la table basse. Caleb ne se voyait pas les garder en main, ni sur ses genoux. Il espérait juste qu’il ne les oublierait pas quand il lui faudrait quitter cet appart pour regagner ses quartiers.

Cela dit, il se permit de balayer la pièce du regard. D’un nouveau regard, dans d’autres circonstances. Il était à la recherche de photographie, pour découvrir un peu plus la jeune femme mais il se défendit de se lever pour aller à leur recherche. Après tout, tout le monde n’était pas comme lui à afficher des souvenirs, qu’ils aient été heureux ou malheureux. Peut-être qu’un jour, elle lui en confierait un peu plus sur elle, sur l’enfant qu’elle avait été, sa famille aussi. Comme on dit « toute chose vient à point à celui qui sait attendre » ou un truc du genre.

Son regard se posa sur la demoiselle quand elle revient de la cuisine avec les deux cafés.

- Merci, dit-il quand il se saisit de sa tasse, effleurant du bout des doigts ceux de la jeune femme, sans s’en rendre réellement compte.

Il aurait pu se contenter d’un simple sourire mais il avait peur que ce soit trop… Trop de tout et de rien. D’autant plus qu’il pourrait être mal interprété par Evelyn.

L’instit garda en main, le contenant, surtout quand elle prit la parole. Il ne souhaitait pas la déstabiliser dans ce qu’elle avait entrepris de lui dire. Bien sûr, il avait compris où elle voulait en venir mais fit comme si ça n’était pas le cas. Parfois, il fallait savoir jouer les idiots pour mettre à l’aise son interlocuteur. Quand on dit « idiot », c’était plutôt faire celui qui ne l’avait pas venir. Enfin vous voyez ce que je veux dire.

- Je vois… fut tout ce qu’il trouva à dire dans un premier temps, que répondre à sa demande muette. Il prit le temps d’avaler une gorgée de sa boisson chaude, quitte à se bruler le palais et la langue, ce qui ne loupa pas. Evelyn, tu n’as pas de soucis à te faire, je ne te demanderai pas réponse. Je pense que tu le feras de toi-même quand tu en seras capable.

Il finit par poser sa tasse sur la table basse, sur son courrier mais il ne s’en était pas aperçu. Il eut presque envie d’en faire autant avec celle de la jeune femme pour la prendre dans ses bras, histoire de la rassurer mais s’en abstint. Le coach de base-ball avait compris qu’elle en avait besoin et que ça lui servait d’ancrage, à avoir une certaine contenance.

- J’ai également conscience que nous avons chacun sa façon de réagir, poursuivit-il. Tu sais, je n’étais vraiment pas beau à voir quand la mère de Tess m’a quitté mais aussi sa fille. J’ai commencé par pleurer, j’avais plus mal pour notre enfant que pour moi. Ensuite, je me suis perfectionné dans le lancer d’assiette. Honnêtement ça défoule mais y a beaucoup trop de ménage après. Après, je suis resté cloitrer chez moi.

Il finit par tendre la main pour la poser sur la joue de la jeune femme. Un sourire aux lèvres.

- Ma bouée de sauvetage porte le nom de Tess. Evelyn, tu trouveras la tienne même si cela prend du temps, déclara-t-il. Je veux juste que tu saches que si tu as besoin d’un ami, je suis là.

Il se montrait amical envers elle. Le jeune homme avait aussi conscience qu’il avait une famille autour de lui, ce qui n’était pas le cas de la locataire des lieux. Caleb ne savait pas ce qu’il pouvait ajouter d’autres mais il ne se voyait pas quitter l’appartement de la jeune femme. Déjà. Il avait comme l’impression qu’il y avait encore des questions, du moins, qu’ils n’avaient pas abordés tous les sujets qu’elle aimerait mettre à plat.

- Tu sais ce que dirait les psy, que commençait à en parler c’est le premier pas de la guérison, non, il ne se moquait pas d’elle. Ce n’était pas son genre, surtout pour un sujet comme celui-ci.

Evelyn était assise près de lui, même si elle avait les pieds sur le canapé devant elle, les genoux pliés contre elle. Sa tasse de café au creux de ses mains. C’était une manière, inconsciemment, de se protéger. Au moins, elle était plutôt posée et non angoissée à faire les cents pas à l’hôpital.

La jeune femme mordit sa lèvre inférieure et reposa la tasse sur la table basse. Au fond d’elle, elle le savait, le sentait. Elle savait qu’elle pouvait lui en parler, lui faire confiance. Elle savait qu’il serait prêt à attendre s’il le fallait, qu’il ne la questionnerait pas, mais elle avait besoin de le dire et de l’entendre. C’était sa façon de mettre les mots à plat, les choses aux clairs car ils devaient se parler. Elle devait sortir ces mots de sa tête. Et même s’il ne la questionnerait pas et qu’il ne la jugerait pas, elle avait quand même envie de tout lui dire, là, maintenant, mais elle ne pouvait pas. Pas encore.

Pourtant, elle en avait parlé facilement à cet inconnu dans l’Eglise. En même temps, il lui avait pris au dépourvu car elle croyait parler à un prêtre, alors aller à fond dans la connerie, surtout qu’elle n’allait sans doute pas le revoir d’ici là… Alors que face à Caleb, elle espérait entretenir une quelconque relation. Il vivait au-dessus chez elle. Ou peut-être qu’elle craignait seulement d’entendre des mots qu’elle ne voulait pas entendre, des mots qu’on lui avait déjà dit, des reproches ou tout simplement ne pas se sentir comprise.

La jeune femme le laissa parler, l’écoutant sur son expérience par rapport à son ex, ce moment qui l’avait anéanti. Comme il le disait, chacun réagissait de manière différente et allait de l’avant comme bon lui semblait … avec l’aide, de quoi s’accrocher. Une bouée. Oh, ça serait bien le genre de choses qui la ferait presque pleurer, elle sentait les larmes lui monter mais elle ne voulait absolument pas craquer. En plus de parler de psy, savait-il qu’elle en avait déjà pas mal ? Jusque-là ? Enfin, ça, elle ne le releva pas.

Désolée.

Elle s’excusait alors qu’elle ne le devrait pas. C’était dans sa nature. De toute manière, il l’avait vue dans un plus pire état que ça, alors pleurer c’était rien du tout à côté. Elle pouvait se laisser aller mais elle ne pouvait s’en empêcher. Elle voulait son réconfort mais elle le repoussait en même temps. C’était une chose contradictoire. Peut-être était-ce le fait qu’il ait pu l’embrasser la dernière fois et qu’elle ne savait pas pourquoi qui bloquait car elle ne voulait pas non plus que ce soit mal interprétée. Elle voulait lui demander pourquoi mais comment amener le sujet sur le tapis.

Je vais chercher ta caisse à outils.

Comme si cette excuse pouvait lui donner des idées comment amener le sujet. En tout cas, il ne fallait pas lui en vouloir de se montrer un peu distante. Elle se leva et récupéra la caisse à outils qui trainait dans un placard non loin de là. La caisse en main et en revenant sur ses pas, elle avait oublié qu’elle était pieds nus. Forcément, maladroite, il fallait qu’elle se cogne contre la chaise qui était sur son passage.

Aie !

Quelle conne ! Voilà que les larmes coulèrent sur ses joues. Elle s’adossa contre le mur, se mordant la lèvre pour si ça pouvait contrer la douleur. La caisse au passage par terre, faisant un boum énorme, puis le silence retentit. Seules les larmes continuaient à couler.

Pourquoi ? souffla-t-elle, un peu plus à elle-même.

En fait, c’était un pourquoi de toute plein de sens. Et il fallait croire que ce baiser, ce n’était sûrement pas maintenant qu’ils allaient en parler, même si ça lui pendait aux lèvres. Puis elle leva les yeux vers lui.

Je sais. Je suis désolée. Enfin, je ne devrais pas m’excuser comme ça ! C’est plus fort que moi ! J’aimerais pouvoir tant te dire de choses et j’en suis incapable. Je sais que tu patienteras le temps qu’il faudra… Mais je ne peux pas m’empêcher non plus de me dire que je n’aurais pas dû t’imposer tout ça, je ne le veux pas. Alors que je n’ai pas pris le temps de te dire … te remercier… te dire… tu m’as sauvé la vie…

Il fallait reconnaitre que la situation avait quelque chose d’un peu dérangeant, cela dit Caleb ne s’en formalisait pas vraiment. Pour lui, c’était logique. Il y avait trop de tout en dernièrement, beaucoup trop d’émotion aussi bien pour lui que pour elle. Toutefois aujourd’hui, il n’était pas question de lui mais du bien être d’une de ses amies. Donc, il prendrait ce qu’elle était prête à lui offrir et n’en demanderait pas d’avantage. D’ailleurs que pouvait-il demander ? Absolument rien. D’autant plus qu’il n’avait rien à offrir, hormis des soucis de père célibataire et une enquiquineuse de cinq ans. Oui, il l’avait embrassé mais il ne savait pas vraiment c’était dû à l’alcool ou de lui. Il fallait bien avouer qu’il aimerait bien récidiver mais ce n’était pas du tout le moment. Et surtout, que ça créerait plus de confusion pour eux deux.

Non, il ne savait pas qu’elle était actuellement suivie par une psychologue. Le jeune homme aurait fait attention, autrement. Il savait que ce détail pouvait mettre dans l’embarras beaucoup d’individu. Disons, simplement que l’école avait un pédopsychiatre pour s’occuper des enfants, et que eux, enseignement avait aussi une visite auprès d’un psychologue avant la rentrée ou quand un évènement surgissait au cours de l’année scolaire.

Son sourcil droit se haussa. Ça aurait pu être le gauche mais non, c’était toujours celui-là qui se levait à chaque coup. Il ne comprenait pas pourquoi elle s’excusait pour le coup car elle ne lui avait pas renversé son café chaud sur les jambes ou son entrejambe.

Leur entretien était en train de le rendre nerveux. Caleb avait de plus en plus l’impression d’avoir un rencard qui pourrait déterminer la tournure que ça prendrait, ou encore d’avoir un entretien d’embauche qui serait lui aussi tout déterminant pour son avenir. Il la suivit du regard quand elle lui dit vouloir aller chercher sa caisse à outils. Il profita de son absence pour boire quelques gorgées de son breuvage. Il aurait pu la suivre afin de la délester de son poids mais il avait préféré la laisser seule, parce qu’elle avait besoin de ces quelques minutes à elle.

Il s’était levé quand il avait entendu le cri de douleur mais il n’avait pas osé aller à sa rencontre. Il ne savait pas quelle conduite adoptée avec elle. Et le boum qui suivit le fit prendre sa décision, tout en prenant son temps pour la retrouver.

- Allez, viens là ! dit-il en l’attirant dans ses bras.

Caleb ne put s’empêcher de déposer un baiser sur l’une de ses tempes avant de la serrer dans ses bras.

- Je sais, se contenta-t-il de dire à sa suite et en la gardant contre lui.

Quand la caisse tomba au sol, c’était plus de peur que de mal. Son pied, quant à lui, allait très bien s’en remettre même si sur le coup, ça faisait mal mais avoir la caisse à outils sur le pied, c’était tout autre chose. D’autant plus que s’ils se retrouvaient dans la situation où Caleb devait l’emmener de nouveau à l’hôpital, n’allons pas répéter le même schéma.

Cela dit, sa réaction était un peu exagérée mais elle n’avait pu s’empêcher d’exprimer sa peur. Elle se cramponna à lui, profitant de ce moment de tendresse qui la rassurait. Elle avait quelqu’un sur qui s’épauler : elle n’était pas seule. Sa famille à Louisville était loin de se douter de ce qu’il se passait dans sa vie New Yorkaise. Evelyn se laissa aller dans ses bras protecteurs jusqu’à ce qu’elle se calme, peu à peu.

Merci d'être là... souffla-t-elle.

Le côté positif de cette entrevue était peut-être que ça avait permis de briser la glace entre eux, du moins qu’il n’y ait plus de malaise de ce qui s’était passé quelques jours auparavant. Après tout, Evelyn s’était un peu inquiétée sur l’image qu’il pouvait avoir sur elle alors qu’il ne la jugeait absolument pas. Il ne semblait pas avoir de crainte vis-à-vis d’elle. Pour dire, oui, elle devait se l’avouer qu’elle avait eu de la chance sur ce coup. Elle se détacha un peu de lui pour sécher ses larmes.

La caisse s’est fait la malle !

Si ça pouvait rendre une atmosphère un peu plus détendue, surtout qu’Evelyn souhaitait à ce qu’il reste un petit moment, reprendre une discussion au salon autour du café, et puis pourquoi pas demander des nouvelles de la petite Tess, dont ça fait un moment qu’elle ne l’avait pas vue.

Il était rassuré sur le fait qu’elle ne s’était pas fait plus mal que son cri ne l’avait présagé. Il l’était également quant au fait, qu’elle ne le repousse pas quand il l’avait pris dans ses bras. Dés fois, des gestes étaient plus parlant que des paroles. En faisant cela, il lui montrait qu’il était là, qu’il n’avait pas l’intention de la laisser tomber à la moindre complication. Et surtout qu’il n’était pas rebuté parce qu’elle avait fait. D’autant plus, qu’elle aurait pu aussi bien tomber dans l’alcool ou la drogue.

Il referma son étreinte quand elle le remercia. Il le lui avait dit et il n’était pas du genre à prendre la poudre d’escampette quand ça devenait trop compliqué. Et encore plus, quand il savait que cette personne n’avait personne de sa famille en ville.

Caleb la libéra quand elle commença à s’écarter afin de sécher ses larmes. Même s’il aurait apprécié que ça dure un peu plus long, il la laissait libre de ses mouvements. Si elle s’écartait, c’était qu’elle avait eu le réconfort nécessaire. L’instituteur faillit tendre la main pour passer son pouce sur l’une de ses larmes pour la sécher, mais il s’en abstint.

Il sourit quand elle fit de l’humour.

- Je crois plutôt qu’elle a essayé de fuguer parce qu’elle retournait chez elle, répondit-il.

Il se dirigea vers ladite boite pour ranger les outils qui avaient eux aussi tenté de se faire la malle. Il n’en y avait pas beaucoup dehors vu que la caisse avait été bien fermée. Quand les outils furent à leur place, Caleb se releva et saisit la poignée avant de faire face à la jeune femme.

- Et si on allait finir notre café ?

Il attendit qu’elle ouvre la marche pour la suivre, même s’il connaissait le chemin. Il posa la boite à ses pieds et en profita pour y coincer son courrier.