J’éclatais de rire suite à la blague d’Alec. On sortait du musé par la porte du personnel situé dans une ruelle latérale face au bâtiment. Mains dans la main on savourait le fait de souffler après une journée de boulot. Mais du coup il m’avait lâché une blague sur Roosevelt qui m’avait fait rire. Cela faisait du bien, le soleil pointait le bout de son nez. Je profitais des derniers rayons de la journée. On finit par s’arrêter près de nos voitures garées à quelques rues de là. Je souris doucement à mon homme alors qu’il ramenait une de mes mèches derrière mon oreille. Je finis par lui proposer de venir manger ce soir ce qu’il accepta. Souriant plus largement je lui donnais rendez-vous deux heures plus tard pour un diner que je devrais encore faire et surtout encore me procurer les ingrédients. Après un rapide au revoir et la promesse de se revoir le soir-même, je montais dans ma voiture et conduisait au magasin habituel où j’allais faire mes courses.
M’emparant d’un caddie je fis mentalement la liste de mes courses. Saumon, fines herbes, fromage frais, carottes, brocolis, pommes de terres, et tant qu’à faire remplir un peu mes armoires avec des stocks de pates de riz et tient pourquoi ne pas reprendre de la sauce aigre doux aussi. Du sucre aussi éventuellement. Je réfléchis alors que je passais les bipeur de l’entré si j’avais encore assez à manger pour Sam et décidais que par précaution je pouvais toujours reprendre un petit stock. Du coup je m’engageais dans les rayons. Voulant faire un bon repas j’essayais de prendre les légumes bios les plus beaux. J’étais penché au-dessus des brocolis, et après avoir trouvé ma perle rare je voulu passer aux carottes mais me heurtais à quelqu’un en avançant alors que mon regard était braqué sur l’étalage de légumes devant moi.
« Oh pardon, désolé je ne faisais pas attention ! »
Je relevais le regard sur l’homme en question. Barbe rousse, cheveux mi long. Je me demandais si je ne l’avais pas déjà vu quelque part mais avec tous les gens qui passaient au musé, difficile de retenir tous les visages. Et puis en plus de ça tous les gens que je rencontre en dehors du musé ! En tout j'espérais que je ne lui avait pas fait mal ou renversé ses œufs!
Les yeux rivés sur une bouteille, Rory lisait l’étiquette comme on lit un flyer. Il resta là un long moment à fixer le mot : “doux”. Qu’est ce que ça voulait dire ? Dans quel sens devait-il le prendre ? Relevant la tête, le jeune homme observa les nombreuses bouteilles du rayon sans jamais poser ses yeux sur l’une d’elle. Il avait le regard vague, ailleurs. Il baissa le bras, tenant toujours la bouteille de vin entre ses doigts. Du vin… Pourquoi s’était-il arrêté dans ce rayon ci ? Depuis bien longtemps il ne buvait que du 20% d’alcool minimum. Une bouteille pas cher ferait très bien l’affaire. Il posa un peu sèchement l’objet avant de tourner les talons et de se diriger vers les liqueurs et le Whisky. D’un pas un peu raide, il passa devant le rayon fruits et légumes. Il tourna la tête, se figea avant de se mettre accroupi et de fixer droit devant lui. Elle… Elle était là, ici. Il l’avait suivit toute la journée et quelques jours auparavant mais il ne s’attendait absolument pas à la retrouver en ces lieux, bien que ce soit son supermarché favori. Il cligna des yeux, se rongea l’ongle tout en réfléchissant à ce qu’il devait faire. Par où sortir ? Que faire ? Il se releva d’un coup et tournant la tête pour la chercher du regard elle avait disparu. Soudain il fut percuté sur le côté. Fronçant les sourcils il fit volte face et entrouvrit les lèvres avant de se figer. Sa voix, si douce et si calme. Il souffla pour lui même :
Viviane…
Arquant les sourcils, Rory fixait la jeune femme, balbutiant quelques souffles sans jamais qu’aucun sons ne sortent. Il déglutit avant de se passer la main sur la barbe.
Pardon, je… Il sourit dans un souffle. Tu… Tu te rappelles de moi ? On s’est vu au musée.
Rory avait les mains tremblantes. Elle lui parlait, elle était là devant lui, à le regarder lui et pas ce pseudo mec qu’elle voyait et qui soit disant la faisait rire. Viviane… devant lui. Elle l’avait pardonné c’était évident. A partir de maintenant il allait la récupérer.
Je regardais l’homme à la barbe rousse alors qu’il semblait vouloir dire quelque chose mais ne sembla pas trouver les mots. Souriant j’attendais qu’il parle finalement. Il s’excusa ce qui ne me fit que le regarder avec plus de questionnement que précédemment. Je n’avais pas compris ce qu’il avait dit auparavant mais j’espérais que je n’ai rien renversé de ses courses. Je ne le pris pas mal quand il passa directement au tutoiement étant une personne assez sociale et spontanée. Par contre je fronçais les sourcils essayant de me souvenir quand je l’avais déjà vu au musé. Au final ça me revint d’un coup.
« Ah oui juste vous cherchiez votre ami ! »
Je souris contente de l’avoir reconnue. Au moins je n’avais pas oublié qui il était et fait une situation gênante. Je ne me formalisais pas plus que ça qu’on se retrouve dans le même magasin, New York était grand mais j’avais déjà croisé tellement de gens par hasard que pour moi cette ville regorgeait en fait d’anciennes et d’actuelles connaissances que je risquais de croiser à tous moments. Le monde, du moins la ville, semblait beaucoup plus petite une fois qu’on avait son réseau de connaissances. Souriante, je me tournais légèrement vers les carottes pour choisir mon paquet et parlais, tout en me penchant, d’un ton enthousiaste.
« C’est fous quand même comme le monde est petit ! De vous croisez dans cette épicerie ! »
J’étais du genre à engager la conversation facilement du coup cela me venait naturellement de lui poser la question. Je me rendis compte que le jour où on s’était vu Alec ne travaillais pas encore au musé, ce qui était bien le cas aujourd’hui. Un sourire et un léger rougissement se posa sur mon visage alors que je prenais le sachet de carottes qui me convenait pour finir par retourner mon regard vers lui.
Il ferma la bouche en la voyant attendre une phrase qui ne voulait pas sortir, coincée dans sa gorge parce qu’elle était si… si… si belle. Plus petite que lui, blonde, des yeux charmants qui lui donnaient un regard tendre alors qu’elle lui souriait et que deux fossettes vinrent à l’achever. Quand elle se pencha pour prendre des carottes, le coeur de Rory s’emballa. Elle était si belle, si douce. Comme dans ses souvenirs. Comme quand il l’avait connu des années plus tôt. Viviane. Amour de sa vie. Elle se redressa et il se sentit rougir en détournant le regard en posant son regard sur les différents coloris de sachets plastiques en libre service. Son regard fondant était braqué sur le bleu du sien et pourtant il ne baissa pas les yeux. Il le soutenait.
Je… qu.. oui ?
Elle souriait, l’air de ne rien comprendre à ce qu’il racontait et il doutait lui aussi que ce soit compréhensible pour qui que ce soit mais pour lui, c’était important. Elle souriait satisfaite de l’avoir reconnu, de quoi combler Rory comme un enfant de Noël. Sa Viviane. Déglutissant, Rory bredouilla un petit :
Et vou… toi ?
Il pinça les lèvres. Trop bête pour garder un tutoiement continuel. Rory n’avait pas l’air frais, l’air du type qui avait bien trop bu la veille et qui en pleine redescente n’avait pas dormi depuis au moins vingt quatres heures. Rory secoua la tête, énervé par son comportement stupide. Stressé, excité et embarrassé à la fois. Sa rencontre s'avèrerait étrange et il avait tellement peur de mal faire qu’il divaguait sans compter la chute d’alcool dans son sang.
Tu… vous… Tu… les courses ?
Idiot ! Stupide Rory ! Et si il passait aux choses sérieuses ? Reprendre tout ce qu’il avait gâché avec sa Viviane. Il se sentit comme un Jedi avant l’attaque de l’Etoile Noire. Prenant une grande inspiration, il contempla la jolie blonde. Il était comme hypnotisé.
C’est vrai que c’était fou de le recroiser ici. Mes carottes dans mon panier je me tournais vers lui, lui demandant s’il allait bien depuis. Naïve je ne fis pas attention à son rougissement. Je notais par contre qu’il bégayait encore une fois. Il était si timide que ça ? Pourtant il n’en avait pas l’air… Peut-être un souci d’élocution ? Même si j’étais spontanée, je ne posais pas de questions dessus. Je savais quand même où était la limite. Mais ça me donnait envie de le faire se sentir à l’aise autour de moi. Je ne supportais pas que des gens trouvaient ça embarrassant ou difficile de me parler. J’aimais bien initier la conversation et faire que mon vis-à-vis se sente bien ! Enfin apparemment je ne m’y prenais pas trop mal car il me retournait la question en me tutoyant, même s’il avait dû se rattraper. Souriant au fait qu’il m’ait tutoyé je répondis de bonne humeur !
« Très bien merci ! Le boulot me prend un peu de temps dernièrement ce qui fait raller un peu mon chien mais sinon ça va ! »
Je n’allais pas non plus lui dire que depuis la dernière fois j’avais rencontré quelqu’un et qu’il passerait manger un peu plus tard. D’ailleurs en pensant à ce repas j’inspectais mon panier. J’avais mon brocoli, mes carottes. Il me manquait plus que de la nourriture pour Sam et du Saumon, des fines herbes, du fromage frais, et des pommes de terre. Perdue dans ma réflexion sur comment faire au mieux le tour et vérifier que je n’oubliais rien, les pâtes et du riz entre autre, je relevais la tête surprise quand j’entendis Rory me poser une question. Les courses ? Je le regardais perdus avant de me dire qu’il avait peut-être interprété mon geste vers mon panier comme une impolitesse envers lui.
« Oui désolé je ne voulais pas paraître impolie je réfléchissais juste à ce qu’il me manquait ! D’ailleurs il ne faut pas que j’oublie de pren…»
En plein milieux de ma phrase je fus coupée par sa demande. Boire un verre ? Je le regardais étonnée. Je ne m’attendais pas à ça. Rougissant doucement je répondis, bafouillant légèrement à mon tour : « Oh… heu…. Je suis désolé mais ce soir je n’ai pas le temps. J’ai quelqu’un qui dois passer manger à la maison… »
J’avais un peu perdus mo sourire enthousiaste, remplacé par un sourire légèrement désolé. Maintenant c’était moi qui étais légèrement mal à l’aise. Merde mais je faisais quoi maintenant ? Je n’aimais pas mettre les gens mal à l’aise. Mais je ne pouvais pas accepter alors qu’Alec passait manger à la maison. D’ailleurs il faudrait que je me dépêche. Mal à l’aise je restais alors quelques secondes face à lui avant de baisser mon regard, fuyant légèrement le sien pour le coup.
« Je vais d’ailleurs devoir y aller sinon je serais en retard… A une prochaine fois, peut-être »
J’avais finalement reporté mon regard sur lui, souriant légèrement. Qui sait, on se retrouvera peut-être un jour comme aujourd’hui par hasard. Je m’éloignais alors doucement après un dernier sourire avant d’aller chercher mes patates et de vaquer dans les autres rayons. Je me retrouvais à le voir assez souvent dans mon champs de vision. Etant donné que c’était une petite supérette je n’y fis pas attention.
Il voyait à travers ses yeux, elle lisait en lui, comme toujours. Elle le voyait, elle le voyait vraiment. Cela aurait dû être effrayant mais ça ne l’était pas. C’était agréable. Voilà longtemps qu Rory n’avait pas vu le bon en quelqu’un. Il avait toujours été contrarié, blessé et il était capable de tenir jusqu’à ce qu’elle soit gentille avec lui et il perdit tout contrôle. Viviane… Elle le regardait comme avant. Il ne savait plus quoi faire. ca paraissait si intime, si aimant. Et l’instant d’après tout plongeait dans le noir… Soudain les mots sortirent. Elle devait y aller. Elle semblait mal à l’aise, gênée. Pourtant elle l’avait regardé dans les yeux, avec une expression qui semblait quelque peu préoccupée mais compréhensive, non ? Viviane le quittait encore une fois.
Ho… qu.. N… ?
Elle passa à côté de lui, sans un mot. Une fois éloignée, les larmes aux yeux, Rory frappa contre la table où trônaient les nombreux fruits et légumes. Ce qui ne manqua pas de faire sursauter les petites mamies à côté de lui. Il ne pouvait pas attendre. Il ne pouvait pas rester comme ça plus longtemps. Elle lui faisait quelque chose, quelque chose de merveilleux et de significatif. Il tremblait. Serrant le poing il se dirigea ni une ni deux à la recherche de la femme de sa vie.
Vi… ? Viviane ? Vi… Il s’arrêta, dans un rayon. Elle était là. Son rayon de soleil.
Les yeux encore brillants il se dirigea vers elle et lui agrippa doucement le bras.
Ne… ne me quitte pas encore. Il baissa la tête et une larme coula le long de sa joue. Me… Me laisse pas… me laisse pas.
Il avait dépassé le stade de l’embarras à cet instant, il n’était pas loin de se dégouter soi-même. Il l’enlaça ni une ni deux.
Me laisse pas tout seul. J’ai… j’ai besoin de toi.
Il rougit, laissant couler ses larmes. Il se rendit alors compte que tout le temps où il l’avait retrouvé il n’avait pas dit grand chose. Ca lui donnait la chair de poule. Il tremblait comme un enfant, de froid et de peur.
Ne me laisse pas encore. J’ai besoin d’aide.
C’était bien la première fois qu’il disait la vérité. Il était seul et il se devait d’aller mieux. Pour elle. Pour sa Viviane, qu’il tenait là, dans ses bras.
Je saluais Rory, devant me dépêcher pour finir le repas avant qu’Alec ne débarque. Je me dépêchais dans les autres rayons, essayant de faire au plus vite. C’était simple, j’avais mes produits habituels et trouvais assez vite ce que je cherchais. J’étais en train d’hésiter devant les bouteilles de vins, me disant que ça pourrait bien accompagner le repas. Je sursautais quand une main agrippa mon bras. Heureusement je n’avais pas une bouteille en main. Je me tournais vers la personne et découvris avec surprise Rory, assez mal en point. Il avait l’air malheureux, mal, les yeux humides…
Je le regardais perdue alors qu’il me demandait de ne pas le quitter, de ne pas l’abandonner. Je le regardais interdite ne comprenant pas de quoi il parlait. Regardant autour de moi j’essayais de voir si quelqu’un passait par là, mais non. Il répéta encore les mots alors que j’essayais de dégager mon bras doucement.
« Vous avez besoin d’aide ? »
Au final je reprenais le vous, ne sachant pas trop ce qu’il se passait et ayant un peu peur aussi en partie par ce genre de comportements. Les choses devinrent encore plus bizarre quand il me prit dans ses bras, répétant encore de ne pas le laisser. Crispée je ne pouvais pas vraiment bouger, mais je commençais à avoir vraiment peur. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait, ce qu’il voulait dire, ce qui lui prenait, ce que je devais faire. Et surtout je ne savais pas ce qu’il allait faire ensuite et s’il n’était pas dangereux. Je vis un vendeur passer et pas chance il croisa mon regard paniqué et intervint. Interpelant Rory, ce dernier me lâcha pour se retourner. Je reculais alors, m’emparais de mon panier et quittais le rayon à toute vitesse. Heureusement j’avais tout ce qu’il me fallait et pouvais me diriger vers les caisses. Je lançais des regards en arrière quelques fois, m’assurant qu’il ne me suive pas. Je n’étais pas distante mais là ça avait été bizarre, très bizarre.
Alors que je chargeais ma voiture je le vis sortir du magasin. Me dépêchant alors je montais dans ma voiture et quittait le parking. Vraiment une rencontre étrange !
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Sujet: Obsession dépressive! ~Rory 
