Back Home [Terminé]

Pour cette année, j’aurais passé plus de temps en mer que sur terre. A peine revenu sur New York, j’ai eu le temps de m’être scolarisé pendant un temps, rien que pour finir le lycée, et vint ainsi l’été où ma famille et moi repartions aussi sec en mer. Oh, ce n’était pas spécialement moi qui allais me plaindre, car nous partions pour les îles telles que Cuba, la Jamaïque, Haïti ou la République Dominicaine, en résumé. Ces voyages sont toujours d’une belle expérience que j’avais la chance de vivre : découvrir une nouvelle culture, de nouvelles personnes … Mais d’une manière, même si je suis toujours entouré des personnes chères, j’aimerais bien me poser quelque part pour avoir des relations durables. Bon, c’était ce que j’aurais dès mon retour à New York.

Sur le trajet du retour, Harley avait bien senti mon côté pensif, et si ce n’était pas pour me charrier, elle ne put s’empêcher de prononcer le prénom « Jordan ». Au final… d’avoir une sœur, c’était chiant, pensais-je bien !
Sérieusement, je ne sais pas pourquoi ma sœur m’embête avec ça. Après tout, Jordan n’était qu’une simple connaissance, une nouvelle amie. C’était tout. On avait commencé notre relation par le biais du tutorat, puis on s’est échangé des mails suite à mon départ. Tout d’abord, c’était pour lui conseiller quelques livres et quelques méthodes de travail, puis de fil en aiguille, c’était transformé en une discussion banale, à s’échanger des nouvelles… Il n’y avait rien de louche là-dedans, hein ! Ce n’est pas forcément la première personne avec qui je pouvais correspondre, mais sans doute la première personne que j’allais pouvoir revoir à mon retour. Après, si elle pensait à autre chose, c’était bien une nana ! Et je n’avais pas forcément envie lui donner satisfaction que… de la menacer de la balancer par-dessus bord était une magnifique solution.

Enfin, nous arrivâmes à bon port. Ma mère et ma sœur en profitèrent pour s’en aller se promener, faire des achats et notamment des courses. Mon père s’occupait des voiles et d’autres choses sur le voilier, quant à moi, je m’occupais d’attacher le voilier au quai. Evidement, quand on fut arrivé, je n’avais pu m’empêcher de regarder sur le quai pour voir si je ne reconnaissais par un visage particulier. En même temps, ce n’était pas comme si le port était petit … Mais je n’avais vu personne pour le moment.

Je m’attendais à quelqu’un en particulier. J’espérais, mais je ne savais pas pourquoi j’espérais. Je lui avais dit que j’arrivais tel jour mais je ne lui avais pas forcément donné une heure quelconque ou que je lui avais demandé de m’accueillir. Loin de là. Je n’aurais pas dû espérer pour finalement être un peu déçu. On avait beaucoup échangé ces derniers temps mais dans le fond, je ne savais pas quand et comment je la reverrais. C’était peut-être le fait qu’Harley m’avait taquiné là-dessus que ça m’avait mis ces idées dans la tête.

Après avoir fini d’attacher le voilier au quai, je levai la tête vers la coque où était inscrit le nom de ce cher voilier « Hélène », le prénom de ma mère. Mon père avait certes été un peu fou d’appeler le bateau par le nom de la femme de sa vie mais je trouve ça plutôt chouette. Peut-être qu’un jour, ce voilier sera à moi ou que j’aurais mon propre voilier avec son propre nom. Pour ça, j’avais plutôt de l’ambition. Je savais au fond de moi que je ne pourrais pas jamais me passer de l’océan.

Je remontai sur le voilier aider mon père. Pendant qu’on ait à peu près fini de ranger le voilier, mon père finit par rentrer dans la cabine, me laissant seul sur le pont. Réfléchissant sur ce qui me restait à faire, j’entendis soudainement une voix ; une voix qui ne me semblait pas étrangère. Je détournai alors le regard et celui-ci tomba alors sur un visage amical que je connaissais. Pour tout avouer, cette surprise me faisait plutôt plaisir que je ne pouvais m’empêcher de sourire.

- Hey, salut !

Le fait qu’elle me nomme « étranger », et surtout que ça puisse la perturber me faisait plutôt rire intérieurement. Ca devait être une chose qui ne la ressemblait pas du tout, si ?

- Quelle surprise ! fis-je, tout en descendant du navire afin de me mettre à sa hauteur sur le quai.

Enfin face à elle, j’avais l’impression qu’elle avait quelque chose de changer, ou ce n’était que moi. En tout cas, je la trouvais spécialement jolie. Personnellement, je ne l’ai jamais trouvée désagréable à regarder. Bref, que pensais-je !

- Ca va ?

Après tout ce temps, je ne saurais presque plus comment je devrais me comporter avec elle ? Comment la saluer, notamment. Sur ce, restons naturel.

- Tu veux monter ? lui proposais-je afin de lui faire visiter le voilier.

Je ne savais si elle était déjà montée sur un bateau auparavant.

- Ca va ! répondis-je aussi tout en lui souriant mais également en l’emmenant sur le voilier dans le but de lui faire visiter.

Grimpant sur le voilier, on finit par être à bord. Quoique, je sentis une perte d’équilibre de sa part. De ma main droit - où on pouvait voir à l’intérieur du poignet un tatouage de la forme d’un Y – je pris sa main.

- Hey, ne tombes pas !

Je disais ça mais bon, ça serait un peu bête que je finisse par la retrouver à moitié abîmée. Dis comme ça, j’avouais que ça faisait un peu suspicieux. J’avais plongé mon regard dans le sien avec un petit sourire. En fait, je n’avais pas eu l’impression jusque-là d’avoir vu un si joli regard.

Et en cet instant magique, il fallait bien sûr qu’il soit brisé par l’arrivée de mon père :

- Et bien, on a de la compagnie ! Qui est-ce, Riley ?

- Ah Pa’ ! Je te présente Jordan. Jordan, mon père !

Voilà, les présentations sont faites. En fait, heureusement qu’il n’y avait pas tout le monde, c’est à dire ma mère et ma sœur. Cette dernière se serait fait un plaisir à me charrier sur le sujet comme elle l’avait fait un peu plus tôt. Une personne ou une hystérique à la fois, on va dire. Mon père donna alors son attention à Jordan :

- Bonjour. Enfin, appelez-moi, Gordon ! Ca ira plus vite !

- Je lui fais visiter ! fis-je à mon père, qui lui, je savais qu’il s’en fichait un peu.

Je me tournai vers Jordan :

- Viens !

Je me dirigeai à l’intérieur de la cabine, descendant à l’intérieur du bateau afin d’aller dans la pièce qu’on utilisait pour la cuisine et salon. Pendant qu’on descendit, j’entendis mon père sortir :

- Ne faites pas de bêtises…

Ok, sans commentaires. Merci Papa ! Bref, enfin dans la pièce, d’un côté, il y avait un bar qui séparait la cuisine et le salon. Dans un autre coin, il y avait plusieurs étagères remplies de livres que j’ai eu l’occasion de lire plusieurs fois, et encore, j’exagère peut-être un peu.

- Ne fais pas attention à mon père ! Bon, c’est moyennement grand mais le tour est plutôt vite fait. Comme tu vois la cuisine et le salon ici. Il y a deux chambres au fond. Tu veux peut-être boire quelque chose au passage ?

Vu la chaleur qu’il faisait à l’extérieur, ça ne ferait pas trop de mal, d’autant que mon marcel me collerait presque sur ma peau bronzée vu les activités que j’ai pu faire jusque-là à la navigation.

Le tour était plutôt vite fait. C’était sûr, c’était très sympa de vivre sur l’eau. C’était mon dada. A vrai dire, j’y ai vécu une bonne partie de ma vie dessus et passé pas mal de nuits en mer. Il fut même un temps où je faisais quelques maquettes. Mais quand je proposais au passage à Jordan si elle voulait boire quelque chose, je finis par lever les yeux vers elle ! En fait, elle n’avait pas l’air … bien.

- Est-ce que ça va ? Tu as … le mal de mer ? demandais-je.

Question un peu bête mais je pouvais très bien comprendre que certaines personnes n’avaient pas forcément le pied marin. Je me rapprochai doucement de Jordan naturellement pour être face à elle, il ne manquerait plus qu’elle me fasse un malaise chez moi. J’écartais une mèche de ses cheveux qui trainait un peu sur son visage et fit :

- Tu préfères peut-être qu’on soit sur la terre ferme ?

Allez comprendre pourquoi je réagis de cette manière, du moins, assez proche d’elle, alors que, il y a quelques mois de cela, je n’aurais pas osé faire ce geste.

- T’aurais dû me le dire ! fis-je tout sourire.

Pas que je me moquais, bien sûr que non, mais c’était plutôt étrange. Je n’avais pas spécialement imaginé ces retrouvailles et surtout, si ça avait été autrement, je ne serais pas certains de trouver des choses à dire et à redire, alors qu’on avait beaucoup échangé ce dernier mois via internet. Surtout qu’elle doit être aussi … mal-à-l’aise ou je dois mettre ça sur le compte qu’elle n’avait point le pied marin.

- Viens ! On se sauve ! Pas que je crains ma famille mais va-t-on dire qu’il y a des mauvaises langues. T’as déjà eu un bon exemple…. Rajoutais-je pour essayer de la rassurer.

Désormais, sur la terre ferme, on pouvait commencer une conversation. Pas qu’on ne discutait déjà pas sur le bateau mais il fallait peut-être laisser le temps. Quoiqu’il en soit, ce n’était pas forcément la conversation qui pouvait me manquer. En fait, tout pouvait dépendre de la personne que je côtoie mais en général, je ne rencontrais pas forcément beaucoup de soucis. Jordan me demandait d’ailleurs au passage si je rencontrais souvent des gens.

- Lors de mes voyages, oui. Que ce soit à tout hasard ou non. Les gens sont plutôt accueillants et aiment à ce qu’on s’intéressent à leur culture. Malheureusement, la plupart reste des rencontres de passage, d’autres que je garde un peu en contact mais que sans doute, je ne les reverrais jamais, qui sait ! Mais, en tout cas, ça reste de belles rencontres.

Oui, de magnifiques rencontres avec qui j’ai pu discuté de tant de choses mais également, il y avait d’autres rencontres, des filles notamment. Je pensais en particulier à une certaine italienne où j’avais eu un sacré béguin mais ça avait abouti finalement à rien. Après tout, les relations à longue distance, ce n’était pas ce qui marchait véritablement.

Je ne me doutais pas qu’à travers cette question, elle s’imaginait milles et une pensée et que je ne répondais pas forcément à ses questions pour rassurer ses doutes. Je n’en avais aucune idée.

- Pourquoi c’est embêtant ? la repris-je pour la taquiner.

Je la regardais du coin de l’œil avec un sourire sur les lèvres. Etait-ce une invitation pour plus tard ? Avait-elle espéré qu’on se fasse un resto japonais ? Ah, j’aimais plutôt ces réactions. D’une manière, ça la rendait plutôt charmante. Je me demandais si elle avait eu énormément de relations ou non, car une jolie fille telle que Jordan ne pouvait pas toujours être seule.

- Le reste en général, avouai-je. Après tout, comment vivre en mer si on ne peut pas se nourrir de ce qu’elle offre ! Dommage, hein ?

Je n’allais pas lui avouer la seule fois où j’avais pu tomber malade quand j’étais de passage au Japon après qu’on ait séjourné en Thaïlande. Pour qu’elle ait une mauvaise image de moi, je n’allais pas trop lui en donner, non plus.

- Je te suis ! Tu es mon guide ! lâchais-je, les mains en l’air.

Je lui laissais le choix et je lui faisais confiance. J’étais toujours prêt à découvrir certains endroits que je ne connaissais pas. Et puis, comme dirait ma sœur, ou non, je ne savais pas d’où venait cette règle, il fallait toujours laisser le choix aux femmes. Vraiment ? pensais-je le sourire au coin. Cela dit, je la suivis.

- Tu connais bien New York ? demandais-je, puis par curiosité. Si tu aurais choisis une autre ville, ça serait laquelle?

Oh comment s’ennuyer quand on est dans un pays étranger ? Dans mon cas, non, je ne m’ennuyais pas. J’avais pris tout de même goût à ces voyages et à cette ouverture culturelle qui s’offrait à moi. Tout le monde n’avait pas forcément la chance de voyager autant que moi, et en plus, avec la famille avec soi.

Cependant, je sentis qu’on n’était pas tout à fait sur la même longueur d’ondes. Faisons-nous face à quiproquo ? Il ne fallait sans doute pas chercher donc je n’irais pas plus loin. Cela dit, autant dériver sur d’autres sujets pour faire mieux connaissance. Le sujet était peut-être un peu bateau mais c’était juste histoire comme ça, afin de se lancer pour mieux la connaître… Dire qu’être face à face était différent de discuter par l’intermédiaire d’un ordinateur. Pas que j’étais timide normalement mais il fallait bien avouer que c’était différent… Et peut-être encore mieux de se trouver face à face pour mieux … l’admirer.

A travers mes questions, j’appris qu’elle ne connaissait pas tant que ça New York. Au moins, elle en savait mieux que moi. Au moins. Mais pourquoi je n’étais pas étonnée à ce qu’elle choisisse Las Vegas… Dans les mails qu’on avait échangé, je me rappelais qu’elle en avait évoqué et qu’elle y avait vécu. J’eus un sourire au coin. Et ce fut à mon tour de répondre à une ville :

- La Nouvelle-Orléans. Bien que je me surprenne moi-même avec toutes les belles villes que j’ai pu voir, rien ne vaut la ville de ses racines.

En attendant de savoir où elle m’emmenait, on discutait histoire que le temps passe et de se connaître, évidemment. Puis on finit par arriver à destination et ma curiosité pouvait être désormais satisfaite : un Maid Café.

- Je crois que je ne m’en serais pas douté… fis-je.

Non que je sois surpris… Ou peut-être que si un peu ! Mais tout en sachant sa passion pour le Japon, j’aurais pu le deviner. On finit par rentrer et on fut accueilli en… japonais. Normal ! C’était une langue qui ne m’était pas inconnue à l’oreille… Sur ce, je saluai également, puis Jordan et moi, nous nous installions à une table dans un coin.

- Pour un endroit idéal et original, c’est le cas ! Finalement, pas besoin de faire une longue distance pour avoir l’impression d’être au bout du monde !

Assis face à elle, c’était un sentiment peut-être bizarre mais j’avais soudainement l’impression d’être à un rencard. Peut-être parce que je ne savais pas encore la nature exacte de notre relation car elle avait certes évolué mais pour aller vers où ? Je ne savais moi-même. Une amitié, ça allait de soi … Mais ça ne serait pas avouer que sur le tas, là, elle me plaisait. Sur ce, je déposais mon regard sur la petite fichette sur la table et me concentrai dessus pour éviter de montrer mes questionnements et mon malaise. Sur la fichette, il y avait la liste de toutes les sucreries du lieu et il y avait le choix.

- Tu prends quoi ? M’intéressai-je. Vu le temps, je me prendrais bien… une glace.