Come in my world... [Terminé]

Oui, Naëlle avait été bouleversée. Oui, elle avait quitté la fête pour trouver refuge dans sa chambre. Elle s’était enfermée à clef, pour ne pas être enquiquiné. Elle avait besoin de solitude et de tranquillité. Elle voulait surtout qu’on lui foute la paix pour une fois, ce n’était pas en voyant les autres venir s’assurer que ça allait, que ça changerait quelque chose. La jeune femme, ne prit pas le temps d’essuyer ses larmes car elle s’assit sur son lit, prenant son petit Dunvel dans ses bras avant de saisir son téléphone portable. Elle ne trouva pas mieux que d’envoyer un sms à Connor.

Elle n’avait pas réfléchi une seule seconde, ça lui était venu instinctivement. Pourtant, ils ne s’étaient pas reparlés depuis mardi, quand elle l’avait retrouvé pour récupérer son sac. Cela dit, elle l’avait vu avec Johanna, tous les deux à regarder dans sa direction et à se faire des messes basses. Autant dire, qu’elle avait tenté tant bien que mal de ne pas les croiser. L’un et l’autre avaient eu beau lui confirmer qu’il n’y avait rien entre eux, Naëlle n’y croyait plus à présent.

Mais qu’est-ce qu’il lui avait donc pris de l’appeler à l’aide ? Franchement, elle allait devoir apprendre à réfléchir à l’avenir. Elle reposa son chaton sur son lit et fit un brin de ménage dans sa chambre. Il lui fallait trouver une occupation pour patienter. L’Anglais lui avait répondu qu’il arrivait, mais elle savait qu’il y avait beaucoup de circulation en ce jour de fête. Donc, qu’il mettrait du temps à parvenir jusqu’à la pâtisserie.

Après avoir apporté quelques réaménagement ici et là, Naé alla prendre son blouson qu’elle déposa sur son lit. Elle entreprit également de mettre deux ou trois petites choses dans un sac à main. Pas grand-chose, en fait, juste son portefeuille, des mouchoirs, ses clefs et un gloss. Son téléphone irait rejoindre son bordel, quand elle l’aurait décidé. Elle alla se poster devant son miroir, afin de ne pas ressembler à un panda quand il serait là. Autant ne pas lui donner matière à se foutre d’elle, la lycéenne n’était pas certaine de pouvoir le supporter. Elle était en train de passer un élastique à son poignet quand son téléphone l’avertit de la réception d’un nouveau sms. Quand elle en eut pris connaissance, elle enfila sa veste et alla le rejoindre.

La métisse avait fait en sorte de faire le moins de bruit possible. Une fois dans la rue, elle chercha le véhicule de Connor. Elle mit un certain temps à le repérer, vu qu’elle ignorait s’il avait changé ou pas de voiture. Elle lui lança son mobile avant de prendre place sur le siège.

- Tiens, c’est toi qui gère !

Elle boucla sa ceinture de sécurité, tout en rangeant son sac à main dans la boite à gant. Naëlle ne voulait pas avoir en possession son téléphone parce qu’elle savait qu’on risquait de la faire sonner jusqu’à ce qu’elle décroche. Au moins, en le donnant à l’Anglais, il ferait comme bon lui semble. Enfin, du moment qu’il ne fracassait pas contre un mur.

- Tu peux démarrer, annonça-t-elle.

Elle posa son coude sur l’accoudoir avant de déposer son menton dans sa paume. Elle regardait dehors sans vraiment regarder ce qu’elle voyait. Elle était bien silencieuse. De toute façon, il devait bien se douter qu’il s’était passé quelque chose, pour qu’elle l’ait contacté de la sorte. Puis, il fallait avouer qu’elle n’avait pas besoin de parler avec lui, il n’était pas du genre à poser des questions pour savoir ce qu’il se passait ou non.

- Heureusement que je n’ai pas suivi ton conseil, que je ne lui ai rien dit ! Finit-elle par lâcher au bout de quelques minutes.

Naëlle n’était pas du genre à rester, dans son coin et aussi silencieuse. Quand cela se produisait, c’était qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Généralement, ça signifiait qu’elle était malade, qu’elle avait eu une mauvaise note. La jeune femme avait toujours un truc à raconter. C’était probablement, un signe de son mal être finalement, et qu’il n’y avait que de la sorte qu’on pouvait la remarquer. Allez savoir, l’esprit d’une adolescente est assez tortueux pour en comprendre les rouages. Du moins, elle avait du mal à se comprendre et du coup à exprimer ce qui s’y passait avec des mots.

Cependant elle était tout de même assez contente d’elle, pour avoir gardé aussi longtemps sa bouche fermée. C’était un exploit pour elle. Mais bon, elle ne supportait pas vraiment le silence, et ce malgré la musique qui était diffusée dans l’habitacle, il avait donc fallu qu’elle lui balance la première chose qu’elle avait sur le cœur. Et une fois fait, elle se renferma dans son mutisme. Dans son esprit, elle pensait qu’il aurait compris qu’elle faisait référence à son dernier message lors de leur dernière conversation via messagerie instantanée.

- De Tyler ! lâcha-t-elle, tout en continuant à regarder à le paysage.

De toute façon, elle savait qu’elle n’y échapperait pas maintenant qu’elle avait commencé à ouvrir son bec. La situation n’était pas facile à gérer, tout comme elle ignorait comment aborder le sujet. Elle s’était suffisamment ridiculisée pour la soirée. Pourtant connaissant le conducteur, elle savait qu’il allait s’en donner à cœur joie.

Toutefois, elle n’en dit pas davantage. Son cerveau était en ébullition pour comprendre la situation. Pour savoir comment elle pourrait s’en sortir. Certes, elle ne lui avait rien dit mais sa sœur n’avait pas dû se gêner dès qu’elle avait eu le dos tourné. Ils avaient bien dû se foutre d’elle à chaque fois, qu’ils avaient abordés le sujet. Une nouvelle larme s’échappa pour rouler sur sa joue. Preuve qu’elle essuya aussi vite que possible, espérant fortement que l’Anglais était trop absorbé sur sa conduite pour le remarquer.

Enfin, c’était pratique le temps qu’il était en train de conduire. Ce qu’elle n’avait pas prévu en revanche, c’était qu’il prendrait le temps de se garer. Elle continua à regarder par la fenêtre pour éviter de lui faire face. Naé n’avait pas encore pris conscience du lieu. Heureusement, parce qu’elle ignorait la réaction qu’elle pourrait avoir, vu ce qu’elle venait de vivre.

La lycéenne était tentée – et pas qu’un peu – d’ouvrir la portière et sortir de la voiture. Cela dit, la situation ne bougerait pas d’un iota. Ça pourrait même empirer, s’il lui prenait l’envie de se barrer en l’abandonnant ici. D’autant plus, elle n’avait pas envie de se battre verbalement avec lui. Ce soir, elle était fatiguée, le cœur en lambeau, le cerveau en ébullition. Elle voulait juste penser à toute autre chose, comme le fait de ne pas vouloir être seule. Certes, elle aurait pu appeler Johanna ou Suzan parce qu’elles la connaissaient depuis le collège, mais non, c’était Connor qui lui était venu naturellement.

- J’ai appris la meilleure nouvelle du siècle, ce soir ! Commença-t-elle par dire en s’appuyant au dossier du siège. Tyler, le type dont je suis amoureuse, couche avec ma sœur. Non, je n’affabule pas, je les ai surpris un peu plus tôt en pleine séance de bouche-à-bouche.

Elle ferma les yeux quelques instants, pour ne pas céder à la tentation de tourner la tête afin de voir ses réactions.

- Mais quelle conne, je suis ! Je me revois dire à ma sœur « Je suis amoureuse de Tyler », ils ont bien du se foutre de ma gueule ! En même temps, à quoi je m’attendais ? Tout le monde préfère la gentille, la douce et la splendide Noëlia, à coté je suis moche, méchante, fainéante et irréfléchie. Et voilà, qu’elle se remit à pleurer alors qu’elle s’était juré de ne pas le faire devant Connor. Sans compter que ma mère n’a fait que m’appeler Noé durant tout le repas ce midi. Je ne suis pas elle, je ne le serai jamais.

Elle se pencha vers la boite à gant, afin d’y récupérer son sac pour prendre un mouchoir. Elle descendit la lunette passager pour utiliser le miroir et retirer son maquillage panda.

- Tu devrais peut-être y aller, toi aussi ! Faire la queue à la porte de l’appartement, pour tenter ta chance, dit-elle amèrement.

Après tout, c’était probablement ce qui allait se produire tôt ou tard. Elle n’était qu’en faire valoir. On s’intéressait à elle pour mieux s’occuper de sa grande sœur une fois qu’elle avait le dos tourné.

Pour le coup, Naëlle avait l’impression d’être l’héroïne d’une mauvaise série B ou d’un roman gare. En fait, la situation était un des plus gros clichés. La fille tombe amoureuse d’un garçon qui ne la remarque même pas. Du moins, pas comme elle le souhaiterait. Pourtant, ce n’était pas pour autant que ça ne faisait pas mal parce qu’on avait l’impression d’être l’idiote de service. Ou encore, de se sentir comme Monica le soir du bal de l’école : elle s’était faite belle pour son cavalier et au final, pour se moquer d’elle il était passé en limousine avec sa vraie cavalière pour lui lancer des œufs à la figure.

Puis, elle se décida à parler et à tout expliquer à Connor. Il était venu pour elle, alors Naé ne pouvait pas le laisser dans le brouillard. Elle avait conscience que c’était risible, qu’il agirait comme il en avait l’habitude avec elle mais tant pis elle allait prendre le risque. Elle lui donna un coup de poing quand il parla de sa sœur. En même temps, elle s’attendait à quoi de sa part ? Il couchait bien avec Johanna alors qu’il savait les deux filles copines.

Néanmoins, il changea de tactique parce qu’il s’était peut être rendu compte qu’il avait dépassé les bornes. Qu’elle n’avait pas besoin d’entendre ses paroles. D’ailleurs, est-ce qu’elle savait ce dont elle avait envie d’entendre de la bouche de Connor ? De ce qu’elle avait réellement envie à cet instant précis, en fin de compte. Et encore moins, si elle voulait poursuivre cette discussion parce que ça ne faisait que remuer le couteau dans la plaie. Elle préféra ne pas répliquer à la dernière remarque, ça n’en valait pas le coup. Sauf si elle voulait se disputer avec lui, mais ce n’était ni le soir, ni le moment pour pratiquer leur sport favori.

Connor reprit la parole, tout en la regardant dans les yeux. Aussi étrange que cela puisse paraitre les battements de son cœur s’accélèrent, les images du dimanche passé revinrent à sa mémoire. Décidément, elle n’était vraiment pas nette comme fille. Elle pleurait parce qu’elle avait fait la plus horrible des découvertes, et presque elle se languissait qu’il l’embrasse à nouveau.

- Connor, si tu es en train de me draguer je serai toi je reverrai ma technique ! Déclara la jeune femme.

Mine de rien, ça faisait toujours du bien d’entendre quelqu’un lui dire ces mots. Quelqu’un qui ne faisait pas partie de son entourage. Une personne qui n’était pas réputée pour enjoliver les choses et dire ce que les autres avaient envie d’entendre. Connor disait toujours ce qu’il avait en tête, même si cela devait être en blessant. Du moins, il n’avait jamais mâché ses mots avec elle, d’ailleurs il faisait mouche à chaque fois parce qu’elle réagissait au quart de tour.

Oui, elle se mettait le doigt dans l’œil et bien profond avec cette phrase. Mais elle avait tenté de changer le sujet de discussion. Et autant dire qu’elle s’était lourdement trompée parce qu’il lui posa une question. Surprenante ? Déconcertante ? Ahurissante ? Question qu’elle ne s’était pas posée à dire vraie ou qu’elle avait ignoré jusqu’à présent.

- Je n’en sais rien ! Commença-t-elle à dire. Connor, je t’ai dit en être amoureuse mais pas que c’était réciproque. Ce qui était véridique. Je l’ai cru, parce qu’il m’avait remarqué, qu’il était attentionné, qu’il ne connaissait pas les membres de ma famille, qu’il m’appréciait pour ce que j’étais. Mais je n’ai pas envie d’en parler.

Non, elle ne voulait pas en parler parce qu’elle se sentait idiote d’avoir pensée que c’était possible. Après tout, elle aurait dû s’en douter vu leur différence d’âge. Qu’est-ce que Tyler aurait bien pu faire d’une fille aussi jeune et sans expérience ? Hormis finir à la case prison pour détournement de mineur. Et s’il avait réellement tenu à elle, il aurait trouvé le moyen de lui en toucher quelques mots.

- C’est pour ça que j’ai fait appel à toi, avoua Naëlle. La seule qui pourra avoir une idée d’où je suis, c’est Johanna. Je sais que tu es la seule personne à pouvoir me changer les idées. Effectivement il était assez fou pour l’entrainer dans un de ses délires. Sans compter que je meurs d’envie que tu m’embrasses et que tu me sers dans tes bras. Et que j’aimerai savoir pourquoi tu m’as totalement ignorée depuis mardi ?

*Sans oublier que je souhaiterai aussi savoir ce que tu trafiques avec Jo !* finit-elle pour elle-même. Elle n’avait pas voulu se rendre encore plus ridicule. Elle l’avait suffisamment été comme ça, depuis qu’elle le connaissait. Tout comme elle avait des réactions totalement disproportionnées depuis quelques temps.

Le coup était parti tout seul. Enfin presque. Surtout qu’elle n’y avait pas été fort, donc qu’il n’aurait pas mal et aucune trace de son méfait. C’était aussi une façon de lui dire de faire attention à ce qu’il disait à certain moment. Même s’il n’en tiendrait pas compte. Il ne fallait pas oublier qu’il s’agissait de Connor, donc qu’il n’en ferait qu’à sa tête. Cela dit, il n’insista pas parce qu’il avait continué à lui parler mais pour lui dire des choses gentilles.

Pour le coup, la jeune femme ne saurait dire si ses larmes étaient dues à ce qu’il venait de lui dire, ou si c’était à cause de sa découverte.

Néanmoins, elle devait reconnaitre qu’elle ne s’était pas attendue à ce qu’il réagisse de la sorte envers elle. Naé s’était attendue à l’entendre rire, ou à lui sortir un truc du genre « mais qu’est-ce que j’en ai à foutre de tes histoires de gamine ? ». Non, il avait patiemment attendu qu’elle daigne lui parler, qu’elle réponde à ses questions. Ce n’était peut-être pas cohérent, sans logique. Complétement tordu, même.

Elle finit par lui demander un baiser. C’était inattendu, même pour elle. Comme elle le lui avait dit, elle en mourrait d’envie et ce depuis le dimanche où il l’avait jetée hors de chez lui. Autant dire, qu’elle était totalement masochiste sur le coup. Vouloir être embrassé par l’homme qui ne voulait pas d’elle. En même temps, si elle n’allait pas lui dire « embrasses moi, parce que j’arrête de penser à cet instant ». Puis, elle avait continué dans sa lancée, elle voulait savoir pourquoi il l’avait ignorée. Si son but avait été de lui faire du mal, autant dire que ça avait parfaitement fonctionné. Encore une fois, c’était irrationnel parce que c’était de Tyler dont elle était amoureuse et non de Connor.

Autant dire que c’était la merde « Internationale » dans sa tête. Elle ne savait plus où elle en était. Et ce soir, elle avait atteint le summum.

Naé ne s’attendait pas vraiment à ce qu’il l’embrasse, même si elle le lui avait demandé. Pour elle, elle s’était encore fait des films à son propos et il était clair que c’était après Johanna qu’il en avait. Après tout, il avait bien passé ses deux jours avec sa copine et à faire comme si elle n’existait pas. Autant dire, qu’elle oublia comment on faisait pour respirer durant quelques secondes avant de s’en souvenir. Ses lèvres suivaient le ballet chorégraphié par celles de Connor. Son cœur, quant à lui commençait à s’emballer comme un tambour de seconde en seconde.

Puis les lèvres du jeune homme délaissèrent les siennes. Connor s’écarta d’elle peu après.

- Hein ? Fut la seule chose qu’elle réussit à dire au conducteur.

Elle comprit ce qu’il lui avait demandé, quand elle eut fini par retrouver ses esprits.

- Euh… Oui, bien sûr !

La métisse finit par mettre sa ceinture de sécurité. Autant éviter de lui attirer des ennuis et une amende pour non port de la ceinture. Ou encore, de mourir connement s’ils avaient un accident de voiture.

- Connor, commença-t-elle, en jetant un coup d’œil vers ce dernier. Non, rien ! Laisse tomber !

Elle avait eu l’intention de lui demander où est-ce qu’il la conduisait. A moins qu’elle avait été sur le point de réitérer sa question. Donc le plus sage pour elle, était bien évidement de garder sa bouche fermée. Elle éviterait une dispute, des railleries, un mensonge… Ou autre. La lycéenne reporta son attention à ce qu’elle pouvait voir dans les rues, sans vraiment y porter un grand intérêt.

Quand il eut garé son véhicule, elle sortit mais resta plantée sur place pour regarder les bâtiments qui s’offraient à elle. Elle porta machinalement son regard à sa main… Enfin à leurs mains, parce que Connor avait pris la sienne pour la conduire à destination. Si elle avait été l’héroïne d’un film, il lui aurait bandée les yeux pour la surprise : un diner sur un toit avec pleins de bougies allumées. Mais ce soir, il était clair qu’il avait déjà quelque chose en tête. La musique était présente dans la rue et augmentait au fur et à mesure qu’ils approchaient de la bâtisse.

Connor l’entraina vers le bar et leur servit un verre à chacun. Naëlle se retrouva avec un gobelet de punch à la main, face à un dilemme. Boire ou ne pas boire. Cependant, elle finit par y tremper ses lèvres pour gouter.

- J’ai l’impression d’avoir la bouche en feu, ainsi que l’œsophage et mon estomac ! Déclara-t-elle.

Elle n’était pas experte. Loin de là. C’était la première fois qu’elle buvait, mais ayant une sœur pâtissière et elle en avait mangé des babas au rhum. Autant dire que la personne chargée du punch avait eu la main lourde. Très lourde. En plus, ça devait être du premier prix.

- Salut vous deux ! dit une voix qu’elle connaissait très bien. Enfin, des têtes que je connais ! Je me sens moins seule d’un coup ! Je peux me joindre à vous ? Demanda Johanna en prenant le verre de Connor.

Le regard de Naëlle passa de Connor à sa meilleure amie et inversement. Et ce à plusieurs reprises. Elle ne sut pas quoi dire et répondre. Elle était atterrée par la situation. Il en avait tellement marre d’elle, qu’il avait demandé à Jo de venir à la soirée pour ne pas être obligée de la supporter.

Naé but son verre d’une traite avant de le reposer un peu brutalement sur la table. Heureusement que c’était un gobelet en plastique mais plus dans le style de ceux des fast-foods. Et elle les planta après avoir attrapée une bouteille de bière. Vexée. Ridiculisée. Elle tenta de se frayer un chemin parmi les invités. Il lui fallait trouver un coin tranquille pour diriger.

- Pardon, excusa-t-elle auprès d’un couple qui bouchait le passage pour se rendre sous la véranda.

Naëlle avait soigneusement évité l’étage parce qu’elle savait qu’il s’agissait des chambres et qu’elles étaient plus ou moins occupées. La fête avait commencé il y a quelques heures. Que l’alcool avait déjà coulé à flot et que des couples s’étaient formés pour la soirée. Elle finit par se dénicher une place, sur une balancelle. Elle s’y assit avant de porter le goulot de sa boisson à sa bouche.

Même s’il lui dit qu’elle s’habituerait avec le temps, car ce fut ainsi qu’elle interpréta les paroles de Connor. Toutefois, elle avait un sérieux doute sur la véracité de ses mots parce que c’était vraiment infeste. Néanmoins, elle pourrait jurer qu’elle avait réussi à tuer tous les virus qui trainaient dans les parages. Quoi qu’il en soit, l’apparition de Jo n’arrangea pas vraiment son humeur mais elle ne dit rien et laissa son compagnon de fortune discuter avec cette dernière. Mais la métisse eut une réaction tout à fait disproportionnée face à la situation. Oui, elle avait appelé Connor à la rescousse mais sans penser que sa meilleure amie se trouverait ici. Elle n’avait pas prévu de prendre sa présence aussi mal, en fin de compte.

Donc la seule chose qu’elle trouva à faire, fut de les laisser en plan avant de faire quelque chose qu’elle pourrait regretter par la suite. Naé ne pensa pas une seule seconde que sa fuite pourrait être mal interprétée ou autre dans le même style.

Elle finit par se dénicher un petit coin tranquille, sur la balancelle à l’extérieur. Disons que même si elle n’avait pas apprécié – et elle ne savait toujours pas vraiment pourquoi – l’intervention de Johanna, Naëlle était plus ou moins effrayée par l’immensité de la fête. Quand elle disait ne pas aller à celles organisées par les lycéens, parce qu’elle n’y était pas conviée, elle ne plaisantait pas. C’était effrayant de se retrouver dans un bâtiment avec autant de monde, avec la musique aussi forte. Elle avait aussi tout simplement eu peur. Tout comme elle ignorait comment se conduire.

Elle ne saurait combien de temps qu’elle resta là, dehors, mais elle avait eu le temps de finir sa bière et qu’elle jetait dans une poubelle la bouteille. Elle avait eu l’occasion de remettre en place deux ou trois étudiants qui ne tenaient pas sur leurs jambes. Du moins, elle eut de la chance que l’un d’eux ne soit pas plus entreprenant que cela, sachant qu’il trouverait une jeune femme réceptive à ses avances.

Naëlle était en train de se dire, qu’il serait peut-être temps qu’elle retourne dans la salle quand Connor traversa la pelouse, un peu comme s’il avait le diable aux fesses. Elle se contenta d’ouvrir la bouche quand il lui saisit le poignet pour la secouer comme un prunier. Aucun son n’en était sorti. Peut-être parce qu’elle était légèrement effrayée. Peut-être parce que la situation ressemblait trop à ce qu’elle avait vécu quelques jours auparavant quand ils étaient au restaurant avec le père de Connor. Peut-être qu’elle attendait qu’il la prenne dans ses bras pour l’embrasser. Tellement de « peut-être » que ça lui donnait le tournis parce que ça signifiait qu’il existait des possibilités à revendre.

Elle voulait lui répondre mais elle n’arrivait pas à formuler ce qu’elle avait envie de lui dire. Non, elle n’était pas conne même s’il fallait bien admettre qu’elle n’était pas totalement rassurée. Non, elle ignorait depuis quand elle était à l’extérieur ni le temps qu’il avait passé à la cherche, ni aucune idée sur le fait qu’il ait pensé qu’elle soit montée dans une chambre avec un inconnu pour prendre du bon temps. D’ailleurs, ça ne lui serait pas venu à l’idée. Non, elle n’était pas irresponsable au point d’accepter une boisson qu’on n’aurait pas versé dans un gobelet devant elle.

- Connor ! Se contenta-t-elle de dire parce qu’elle ne savait pas quoi dire d’autre.

Pourtant ce n’était pas les idées qui lui manquaient présentement. Elle voulait s’excuser de lui avoir foutu la trouille pour X raisons mais restaient à savoir lesquelles. Cela dit, elle ne voulait pas le mettre mal à l’aise, parce qu’il n’était pas homme à se laisser emporter par la peur de quelque chose. D’autant plus, qu’elle ignorait la vraie raison et qu’elle avait compris qu’il n’était pas encore prêt à se dévoiler. Et disons que son comportement actuel lui donnait raison.


Elle était en train d’esquisser un mouvement de sa main libre – pas pour lui foutre une gifle – juste pour la poser sur sa joue. Pour la rassurer. Des fois, les gestes étaient beaucoup plus réconfortants que des mots. Quoi qu’il en soit, il finit par s’apercevoir qu’il retenait son poignet un peu trop fort et le libéra. La jeune femme ne s’en préoccupa pas plus que cela, elle mettrait de la glace et de la pommade pour atténuer la douleur. Douleur, dont elle n’avait pas conscience pour le moment. Seul, Connor la préoccupait parce qu’elle avait du mal à le comprendre (mais ça, ce n’était pas nouveau) et qu’à chacune de leur rencontre, il montrait une nouvelle facette de sa personnalité.

Facettes de plus en plus effrayantes et qu’elle avait du mal à comprendre. Elle commença à se demander, s’il n’y avait pas un rapport entre ce qu’elle découvrait à chaque fois et les médicaments qu’il avait pris devant elle dimanche dernier.

- Connor, tu n’as pas à t’excuser ! Dit-elle en s’avançant vers lui avant de mettre ses mains dans sa chevelure pour qu’il relève la tête vers elle. Si je n’avais pas encore fait des miennes, tu n’aurais pas eu à me chercher, elle ne perdait rien à admettre qu’elle était la seule responsable. Connor, tu sais que tu es plutôt mignon dans ton genre ! Finit-elle par dire pour essayer de détendre l’atmosphère.

Elle l’aida à se relever et l’entraina sur la balancelle, histoire qu’il reprenne ses esprits avant de retourner dans la salle. Pour qu’il se calme aussi, parce qu’il ne faudra pas qu’il se laisse emporter et qu’il déclenche une bagarre.

- Est-ce que tu veux en parler ? S’enquit-elle, malgré tout et ce, en sachant qu’il l’enverrait sur les roses.

Apparemment, elle fit mouche avec ses paroles quand elle entendit la réplique de Connor. Elle avait tenté de minimiser l’affaire. Naëlle savait que Connor était en rustre mais elle savait aussi qu’il ne lui ferait pas de mal.

- Je vais finir par la croire, commença-t-elle à répondre à l’Anglais. Je veux dire que je suis idiote, ce n’est pas la première fois que tu me le dis, déclara-t-elle avant de lui sourire.

Pour une fois, elle ne le prit pas mal, parce qu’elle n’y avait pas entendu le sarcasme qu’il utilisait habituellement pour la blesser.

Quoi qu’il en soit les deux lycéens finirent par rentrer et se mêler à la foule. Naé n’était pas vraiment rassurée parce qu’elle ignorait totalement comment se conduire, même en observant les autres jeunes femmes. Il y avait les discrètes qui étaient dans leur coin à surveiller les affaires de leur copine, les fêtardes qui se déhanchaient en rythme sur les chansons qui défilaient et les autres. En gros, celles qui étaient là pour passer du bon temps dans les dortoirs, les populaires qui étaient accrochées aux bras de leur petit-ami et celles qui découvraient les soirées, mais cette catégorie était vraiment minime car beaucoup d’entre elles correspondaient à la fille qui surveillait les affaires de leurs amies.

Naëlle ne fut pas vraiment étonnée de sa réponse, quand elle lui avait demandé s’il voulait en parler. Elle ne le pousserait pas dans ses retranchements pour obtenir des informations, c’était à lui de le faire quand il le voudrait. Elle attrapa le verre qu’il venait de remplir devant elle.

- Promis, je te cracherai pas dessus ! Répondit la jeune femme avant de lui faire un sourire.

Elle avait compris le message. Il lui demandait juste de ne pas refaire comme précédemment, de ne pas se barrer sur un coup de tête. Honnêtement, vu ce qu’elle avait vu en traversant le salon, autant dire qu’elle préférait restée à côté de son garde du corps personnel. Elle voulait éviter de se retrouver en mauvaise posture à cause de son ignorance, comme se retrouver dans un lit avec un inconnu.

Après quelques verres, Naëlle se retrouva dans un jeu à boire en compagnie de Connor. Elle avait pris place à ses côtés, parce que c’était la seule personne qu’elle connaissait autour de cette table. Puis elle avait conscience qu’il lui viendrait en aide si quelque chose venait à se produire.

Pour la énième fois, Naé ne réussit pas à répéter la phrase composée par les mots proposés par les joueurs.

- C’est quoi le début déjà ? Demanda-t-elle avant de boire cul sec son shooter.

La métisse ne savait plus à quelle boisson il était passé à présent. Elle savait juste que ça ne lui brulait quand elle buvait et qu’elle avait arrêté de faire la grimace à chaque gorgée. La jeune femme avait de plus en plus de mal à suivre les autres. D’autant plus que le nombre de participant avait également augmenté. Et le jeu finit par prendre fin parce qu’ils étaient en pénurie d’alcool. Les filles de leur groupe poussèrent un cri avant de monter sur la table, elles se mirent à chanter et à danser avant de tendre la main vers elle.

L’alcool aidant, Naé monta sur ladite table et commença à danser comme ses nouvelles amies. Elle se mit également à chanter sur la chanson qui était en train de passer. Autant dire que le résultat était des plus ridicules. Ses mouvements étaient gauches à cause de l’alcool, qu’elle n’était pas en rythme avec la mélodie. Et pire fut quand elle commença à chanter. On aurait dit une dinde qu’on tentait d’égorger. En plus de chanter faux, Naé s’saccageait totalement les paroles parce qu’elle avait du mal à s’en souvenir.

Puis la première chanson se termina et la suivante commença. Les chanteuses d’un soir continuèrent leur récital improvisé. Les filles n’avaient pas conscience que la table commençait à montrer des signes de faiblesse. A savoir, qu’elles étaient trop nombreuses et gesticulaient trop également. Les jeunes femmes avaient fait du ménage en dansant et le reste avait été retiré par les garçons qui voulaient éviter qu’il n’y ait trop de casse.

Et il finit par arriver ce qu’il devait se produire, à savoir : qu’une fille se cassa la gueule mais voulant se rattraper à une de ses comparses, et bien, la table s’écroula et les filles formèrent un joli tas de mikado humain.

Les étudiants et Connor virent leur porter secours. Le lycéen s’occupa exclusivement de Naëlle quand il l’eut récupéré. Il dit qu’il allait lui faire prendre l’air, après s’être assuré qu’elle n’était pas inconsciente mais il dut la soutenir pour qu’elle puisse marcher vu que ses jambes avaient du mal porter son poids et pour qu’elle marche droit.

- Connor, tu m’avais pas dit que tu avais des frères ! Dit-elle après avoir tourné la tête vers le jeune homme et avoir eu du mal à compter trois Connor.

Le jeune homme était sorti par la porte d’entrée, cette fois. Peut-être pour éviter les gens présents dans le jardin. Quoi qu’il en soit, la jeune femme ne s’en rendit absolument pas compte.

- Connor, tu sais que tu ne m’as pas fait danser. Je veux danser avec toi, annonça-t-elle. Mais pourquoi on a arrêté la musique ?