Oh douce drogue... [Terminé]

Naëlle était débout depuis 6h du matin, il ne fallait pas oublier qu’elle bossait à la superette du coin. Elle commençait à 7h, il fallait qu’elle mette en rayon avant l’ouverture avant de passer en caisse ou à aider dans le magasin même. En fait tout dépendait du personnel présent et des arrangements qu’ils prenaient ensembles. Certains étaient plus à l’aise avec les clients et d’autres à se dépenser en mettant les articles en place. Son patron l’avait renvoyée chez elle quand il l’avait vue en arrivant. Il lui avait dit « Naëlle, on dirait un zombie ! Rentres chez toi avant de t’écrouler ! ». Bien sûr, ce n’était pas méchant de sa part, il voulait juste lui faire comprendre qu’il fallait qu’elle se reprenne sérieusement.

Une fois, chez elle, elle fila dans la salle de bain pour prendre une douche et passer une tenue plus décontractée : jean-basket. Elle passa près de dix minutes à se regarder dans le miroir. Elle était plus pale que d’ordinaire, des cernes sous les yeux à cause du manque de sommeil. Elle effaça cela à l’aide de son fond de teint. Puis, elle passa dans la cuisine pour dire qu’elle avait mangé quelque chose : un yaourt et une demi-pomme.

Quand elle commença à tourner en rond dans l’appart, elle estima qu’il était qu’elle aille dehors, qu’elle se trouve une occupation. La cuisine ? Le frigo était rempli de plat qu’elle avait cuisiné la veille et une partie de la nuit. Le ménage ? Le logement brillait presque mais il lui restait la pâtisserie à briquer. Sortir ? Oui, ça serait un bon moyen de se fatiguer, de prendre l’air et après elle verrait au gré de ses envies.

Sa veste sur le dos et son sac en bandoulière en position, elle fit un tour de clé avant de quitter les lieux. Elle déambula quelques temps dans les rues, laissant ses pas la guider et en regardant de temps en temps devant elle pour ne pas bousculer les promeneurs. Elle s’arrêta devant une librairie pour attendre que le feu passe au rouge afin de traverser. La lycéenne ne résista pas à l’envie d’entrer et de sentir l’odeur caractéristique du papier et du cuir que dégageait un tel lieu.

Puis, elle s’engouffra dans les rayons afin d’avoir un aperçu des nouveautés. Les romans qui attiraient la jeune femme étaient ceux où il y avait des vampires, des loups garous ou des sorciers. Étrangement, sa main se saisit du premier tome d’Harry Potter. Elle avait 17 ans mais elle n’avait jamais eu la curiosité de lire cette saga. Le dernier à lui en avoir parlé c’était Connor, le lendemain du diner avec son père, quand il l’avait fait passer pour sa petite amie. Peut-être qu’il était temps qu’elle le lise, elle le garda en main pour se donner le temps de réfléchir. En fait, ça dépendrait de ce qu’elle allait trouver par la suite. Elle voulait se faire la saga des Mercy Thompson et les True Blood.

La benjamine des Sullivan tourna pour voir les ouvrages proposés au rayon suivant. Comme dans la rue, elle regarda devant elle pour s’assurer qu’il n’y avait personne sur son passage. Mais, elle resta plantée là, comme une conne.

*Encore ton imagination qui te joue des tours !* râla-t-elle intérieurement tout en se pinçant la main.

Mais pourquoi ce mirage persistait à la narguer. Elle finit par aller se réfugier dans l’allée précédente, il fallait qu’elle se calme, après tout ce n’était peut-être qu’un type qui lui ressemblait vaguement. Toutefois, pourquoi ses yeux lui joueraient un tour pareil ? Ils n’étaient pas aussi mesquins. Elle regarda à nouveau, aussi discrètement que possible pour se faire une seconde idée.

Il y eut que sa tête qui dépassa l’espace de quelques secondes. C’était bien lui, son cœur ne pourrait pas la trahir lui. Elle eut l’impression qu’il était en train de serre, réaction qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle l’apercevait au loin. Plus d’un mois, qu’ils ne s’étaient pas parlé. Pourtant ce n’était pas faute, d’avoir composé son numéro de mobile à maintes reprises mais à chaque fois, elle avait raccroché à la première sonnerie. Elle avait même tenté de lui écrire plusieurs mails mais qu’elle avait effacé illico. Naé estimait qu’il avait le droit à un face à face plutôt que de passer par un appareil : téléphone ou ordinateur.

Elle se permit de regarder une nouvelle fois. Voler ces quelques moments pour les revivre plus tard. Ça comblerait peut être son absence mais pas l’envie de l’avoir à nouveau près d’elle, d’avoir leur discussion, de ses lèvres sur les siennes. Tout ce qui lui était refusé depuis leur dernière dispute.

Heureusement qu’il n’y avait personne du lycée dans cette boutique, hormis eux deux. Il y avait déjà assez de bruit sur leur compte, autant éviter de leur donner encore plus de quoi bavasser. A sortir la tête du rayonnage pour regarder Connor, Naé avait réussi à s’attirer les regards de quelques clients. Ils y avaient ceux qui trouvaient ça mieux et les autres penchaient pour le pathétique.

La lycéenne n’eut pas le loisir de voir le vendeur s’adresser à Connor car son téléphone s’était mis à sonner.

*Vite, vite, vite !* psalmodia-t-elle pour elle-même. C’était fou comme la chance était de son côté dernièrement, il ne manquerait plus qu’il reconnaisse sa sonnerie. Elle regarda ou était affiché le prénom de Johanna.

*Elle doit avoir un sixième sens ou un troisième œil !* commença-t-elle à penser tout en l’envoyant sur le répondeur avant de le couper. C’était vrai quoi, Johanna avait le chic pour être là où on s’y attendait le moins ou téléphonait au mauvais moment.

Maintenant, elle ne risquait plus de se faire remarque par son Anglais, comme des autres clients qui ne voulaient pas être déranger. Mais elle n’avait pas prévu une chose quand elle voulut regarder à nouveau lui, c’était qu’on allait la bousculer.

Entrer dans un gaillard de presque 1m80, 75kg de muscle alors que de son côté on était plus ou moins un poids plume, on finit au tapis. Naé pour sa part avait fini la course sur son séant, et eut juste le réflexe de lever ses mains pour protéger sa tête. Elle aurait probablement des bleus à cause des coups mais pas plus.

Quand elle reconnut la voix qui s’adressait à elle, elle aurait aimé être une petite souris pour aller se cacher dans son trou. Naëlle savait qu’elle allait un jour ou l’autre se retrouver en face de lui, mais peut-être pas aujourd’hui. Et elle avait surtout peur de ses réactions.

- Oui, ça va merci ! Répondit-elle à sa question sans lever les yeux vers lui.

Elle se mit sur ses genoux pour rassembler les ouvrages qui avaient tentés de l’agresser et récupérer le livre qu’elle avait eu en main. La métisse crispa la mâchoire à l’interrogation qui suivit. Ça sonnait un peu comme une accusation, genre elle passait ses journées de libertés à le suivre de partout.

- Je ne sais pas, peut être acheter des bouquins ! Finit-elle par lacher. Pourquoi, tu pensais à autre chose ?

Et voilà, elle se comportait exactement comme elle l’avait redouté.

Elle ne s’attendait pas à ce qu’il se baisse pour l’aider à rassembler les livres en deux tas. Naé avait enfin levé les yeux vers lui après sa réponse pour voir sa réaction. Cela dit, elle n’eut pas bien le temps de voir parce que son esprit était ailleurs, à savoir par le léger frôlement de leurs doigts quand il récupéra son tas.

Naé baissa à nouveau la tête pour ne pas montrer son trouble. Apparemment, elle seule était consciente de ce contact, même aussi éphémère fut-il. Pour ne pas paraitre encore plus idiote, elle fit comme lui, en récupérant son tas et en se relevant. La jeune femme ne cacha pas le titre de ses ouvrages, il n’y avait pas de honte à avoir. Après tout, il était reconnu que cette saga était lue par les 7 à 77 ans.

- C’est pour me faire une idée du personnage à qui tu te comparais quand tu étais enfant, répondit-elle, même s’il n’attendait pas particulière de réponse. Et voir, les passages coupés pour les films.

Elle n’aurait peut-être pas dû lui dire cela. Néanmoins, elle venait de lui montrer qu’elle avait écouté quand il lui en avait parlé. Qu’elle était aussi curieuse de découvrir ce qui l’avait attiré dans ses sept tomes. A moins, qu’il la prenne pour une cinglée qui faisait tout ce que l’homme sur lequel elle avait jeté son dévolue. Elle eut un frisson en ayant cette pensée.

Naëlle regarda l’Anglais reprendre son chemin et quitter son champ de vision. Apparemment, le fossé était creusé en profondeur et en largeur. Il lui donnait l’impression d’être infranchissable. La preuve, aujourd’hui l’un et l’autre n’arrivaient pas à se parler mais le plus bizarre dans la situation était qu’il n’avait pas rétorqué en entendant sa réplique.

La jeune femme partit de coté à son tour. Il lui fallait un bouquin pour le bahut mais elle avait beau chercher, elle n’arrivait pas à le débusquer. Ne se sentant pas d’aller demander de l’aide à un vendeur, elle se mit en quête de dénicher Connor, seul individu qu’elle connaissait dans cette librairie.

Pour attirer son attention, elle posa une main sur son avant-bras.

- Euh… Désolée, si je t’ai surpris, dit-elle en ôtant ladite main. Connor, est-ce que tu sais où se trouve les livres de Molière ?

Son prof de littérature voulait leur faire étudier, « Le malade imaginaire » de Molière, un dramaturge français. Comme s’il n’aurait pas pu choisir « Macbeth » de Shakespeare.

Quand une habitude nous tient, il n’est pas évident de s’en défaire. Dans ce cas précis, ce fut la main qu’elle posa sur son avant-bras. C’était beaucoup plus fort qu’elle, peut être un moyen de s’assurer qu’il était bien réel et que son imagination n’était pas aussi fertile. Autrement ça voudrait dire qu’elle était bonne pour rejoindre sa mère à l’hôpital psychiatrique. Autant éviter au maximum.

Plus encore aujourd’hui, il n’était pas évident de le décrypter. En même temps, c’était normal vu qu’ils se parlaient pour la première depuis leur dispute. En plus d’un mois, beaucoup chose avait changé mais il restait à découvrir lesquels. Ou dans ce cas précis de deviner.

Ce n’était pas le moment pour elle de jouer aux devinettes, elle devait se concentrer sur l’explication qu’il était en train de lui donner. Monter à l’étage, tourner à droite… Non, à gauche… Enfin, elle avait déjà oublié. La connaissant, il finit par lui dire qu’il allait l’accompagner.

Connor ouvrait la marche et Naëlle la fermait. Autant dire qu’elle avait une vue splendide sur son derrière. Pour le coup, elle regretta qu’il n’ait pas mis son jean qui mettait ses fesses plus en valeur. Enfin, elle n’allait pas s’en plaindre ni encore dire quelque chose qui pourrait être mal vu, surtout dans leur situation.

- Merci, dit-elle quand ils furent arrives aux rayons souhaités.

Naé chercha la lettre « M » pour Molière, puis entreprit de trouver l’œuvre. Elle prenait tout son temps, histoire de ne pas passer à côté. Déjà qu’elle avait l’air d’être inculte, de ne pas savoir ou se situait la littérature française, surtout dans une librairie située pas loin de chez elle.

La phrase qu’il prononça aurait pu l’offusquer – même si honnêtement, c’était légèrement vexant qu’il ne remarque ça en la voyant – mais il s’agissait de Connor, là. Elle aurait probablement réagi autrement s’il lui avait dit que son haut la mettait en valeur ou un truc du genre.

- Juste un petit passage vide, répondit-elle, toujours en prenant soin de ne pas quitter des yeux les bouquins. Je dors très peu depuis que… *tu es parti après notre dernière dispute* non, elle ne pouvait pas lui sortir ça. quelques temps, c’est tout. Ça doit être le stress des examens qui approchent enfin tu me connais.

Elle arrangeait à sa sauce mais vu ses notes dégringolaient depuis, elle lui faudrait mettre les bouchées double, si elle ne voulait pas refaire une deuxième première.

La demoiselle ignorait que ses copines jouaient les traitresses derrière son dos. Enfin, ce n’était pas vraiment de la traitrise, juste de l’inquiétude de leur part aussi bien pour elle que pour le jeune homme. Il était clair qu’il ne se laissait pas dépérir comme elle, qu’il avait su aller de l’avant sans se soucier d’elle. Après tout, lui n’avait pas prononcé le fatidique « je t’aime » avant de se faire claquer la porte au nez, et à se retrouver toute seule avec ses sentiments.

Apparemment ils n’y avaient que Johanna et Suzan pour réellement croire à leur histoire, pas les deux protagonistes. Les deux filles dépensaient une énergie folle pour qu’ils se retrouvent, qu’ils fassent un pas après l’autre, dans la même direction. Mais non, les deux amoureux étaient trop butés pour les écouter. Du moins, Naëlle l’était probablement plus que Connor.

Naé se trouva enfermée dans son demi-mensonge, comment allait-elle pouvoir s’en sortir ? Elle mourait d’envie de lui dire « oui », parce que ça lui permettrait de passer du temps avec lui mais quand la séance de révision serait terminée, il était plus que certain qu’elle allait s’écrouler. D’ailleurs, là, il était étonnant qu’elle n’ait pas encore fondu en larme en lui demandant de s’expliquer. A vrai dire, le « non » n’avait pas encore traversé son esprit.

- C’est gentil de ta part mais je ne voudrais pas t’arracher à tes nouvelles groupies !

Oui, comme c’était petit de sa part de lui lancer son passé en pleine figure. Après tout, n’avait-il pas fait croire à son père qu’il était avec elle pour sortir et se lever des filles ? Mais bon, cette remarque n’eut pas l’effet escompté sur elle. Elle était loin d’être tranquillisée, parce qu’en fin de compte elle avait réellement peur que ce soit le cas : qu’il est trouvé mieux qu’elle.

Elle se saisit du bouquin dont elle avait besoin pour son cours de littérature. Elle prit au mot le jeune homme, elle se dirigea vers lui d’un pas tranquille. Elle se mit sur la pointe des pieds, de façon à pouvoir approcher ses lèvres des siennes. Oui, elle y déposa un simagrée de baiser avant de se reculer précipitamment de peur qu’il ne la retienne. Naé se faisait probablement un film là, imaginant qu’il allait la capturer dans ses bras pour l’embrasser avec fougue.

- Pourquoi, tu as peur de ça ? Demanda-t-elle. Ou bien d’un nouveau « je t’aime » ? S’enquit-elle.

Oui, elle faisait une connerie. Il essaie de faire un pas vers elle et elle ne trouvait pas mieux de le rembarrer. Elle savait que c’était la pire des choses qu’elle pouvait faire. Qu’elle pouvait vraiment tout perdre sur ce coup. C’était un pari risqué. Comme disait-on déjà « tendre l’autre joue » ?

Quand il évoqua Johanna, Naé refit un bond dans le passé. Le lendemain du repas de présentation, quand elle avait dû jouer sa petite amie et qu’elle avait découvert Jo sortant de sa chambre.

- Qu’est-ce que Jo aurait dû me dire ? Que vous avez remis le couvert ?

Bah oui quoi ? Johanna aurait dû lui dire quoi ? Il lui donnait un bout d’information mais la laissait se faire des films. Tout le monde aurait tiré la même conclusion s’ils étaient au courant de leur coucherie. Enfin, en même temps elle l’avait bien mérité ce coup bas. Ne venait-elle pas de lui faire la même chose ?

Autant dire que cette dernière aurait droit à une visite quand elle serait sortie d’ici. Il lui fallait une explication, et comme ça ne serait pas lui qui la lui fournirait vu qu’il était en train de tourner les talons.

Pour une fois, elle se démonta pas parce qu’elle le suivait pour l’attraper par le bras. Il ne s’en sortirait pas aussi facilement cette fois-ci. Non, elle avait assez pleuré pour les non-dits qu’ils y avaient entre eux. Pour les phrases qu’elle aurait aimé lui dire mais qui n’étaient jamais venues.

- Pas si vite, Montgomery ! Dit-elle en le tirant dans un coin ou il y avait peu de monde. Bien sûr, il va s’en dire qu’il y mit un peu d’opposition.

Bon, ils étaient du côté des livres pour enfant. Heureusement qu’il n’y en avait que deux ou trois qui ne comprendraient pas forcément qu’ils allaient employés.

- Compris que t’es jaloux ? Que tu penses encore que j’étais prête pour lui et non pour toi ? Connor, je vais te dire ce que j’avais prévue pour nous deux à la St Valentin. J’ai acheté un pyjama sexy sans trop, quelque chose dans lequel je me sentais à l’aise. Un porte clé, en forme de cœur pour qu’on ait chacun un morceau. Un coussin en forme de cœur, je voulais te demander d’en prendre soin, de ne pas le piétiner. J’avais même fait un montage photo de nous pour que tu aies un cadre dans ta chambre. Elle s’arrêta quelques instants, histoire de reprendre un peu son souffle. J’avais même pensé aux bougies.

Elle espérait qu’il comprendrait le message à l’évocation des bougies. Enfin elle évita de lui parler d’une partie du scénario, qu’elle avait pensé.

- Mais une chose en entrainant une autre, enfin tu connais l’histoire ! finit-elle par lui dire. Et je ne me souviens pas avoir entendu de ta bouche que tu tenais à moi, acheva-t-elle.

Elle avait soigneusement évité de choisir le verbe « aimer » pour lui. Ça aurait pu arriver un jour, mais il était déjà bien loin derrière elle aujourd’hui.

- Enfin si tu veux toujours m’aider je ne suis pas contre, elle se mordilla la lèvre inférieure, hésitant à dire la fin de phrase : mais il faut que tu viennes à la maison pour voir les matières où je pêche !

Certes, elle se prenait pour Maurice en poussant le bouchon un peu trop loin. Comment avait-elle pu croire que Connor et Johanna avaient pu lui faire une telle chose, s’il y avait bien une personne qui avait les sentiments de l’un et de l’autre, c’était bien elle. D’ordinaire, elle préférait s’écraser dans ce genre de situation, parce que ça ne servait rien et que l’autre partie n’écoutait pas généralement. Mais là, il lui fallait tenter quelque chose, lui faire comprendre ce qu’elle ressentait, mais qu’elle avait aussi besoin de les entendre dans sa bouche aussi. Naé se sous-estimait, son manque de confiance légendaire la faisait douter même pour les choses les plus évidentes. Notamment, les sentiments amoureux de Connor envers elle.

- Tyler, ne put-elle s’empêcher de rectifier d’une toute petite voix quand il écorcha le prénom du barista.

Enfin, il y a peu de monde qui réussit à lui couper le sifflet. Aujourd’hui, Connor faisait partie du lot. Ou alors c’était parce qu’il lui disait qu’elle ne se laissait pas aller, qu’il lui fallait suivre une ligne de conduite pour que ce soit comme dans ses rêves. Pourtant, elle savait que la perfection n’existait pas. Pas de femme parfaite, ni d’homme idéal, autrement ça se saurait depuis le temps. Au contraire, on ne pouvait se créer ses moments parfaits qu’à deux, et ça l’était encore plus avec quelques petites imperfections ici et là.

Et puis, tout à coup son cœur s’emballa. Ca battait tellement fort qu’elle avait peur d’avoir mal compris. Ne venait-il pas de lui qu’il en était amoureux mais à sa façon ? Qu’elle avait été idiote au point de ne pas s’en rendre compte, ne pas avoir écouté son cœur et son instinct.

Tout au fond elle, elle avait compris ce qu’il en était exactement mais Naé avait préféré se voiler la face. C’était un homme amoureux qui avait pété le poignet de Derek quelques jours auparavant, parce qu’il l’avait attaqué elle. Il n’y avait qu’un garçon amoureux pour attendre aussi longtemps, avec autant de patience que sa moitié soit prête à vivre sa première fois et encore plus patient lorsque cette dernière lui disait « stop ».

Elle vacilla à cause du choc qu’elle venait d’avoir. Comment avait-elle pu être conne à ce point ? Là, elle prenait pleinement conscience qu’elle risquait réellement de le perdre, et tout ça à cause de son entêtement, de son aveuglement. La lycéenne recula légèrement de façon à ce qu’il ne s’aperçoive pas de son léger malaise. Probablement peine perdue, vu qu’il était en train de la fixer. Il lui fallait s’adosser à quelque chose, parce qu’elle avait l’impression que ses jambes allaient lui fausser compagnie.

Etourdie par ce qu’elle venait d’entendre, elle ne fit pas vraiment attention à ce qui déroula quand le vendeur débarqua. Apparemment, il avait tenté de prendre sa défense avant que Connor lui fasse comprendre de la fermer. Elle ferma les yeux quelques instants, histoire que la pièce arrête de tourner autour d’elle et de pas céder à une nouvelle crise de larmes. Décidément, cet Anglais aurait sa peau ou alors c’était elle qui l’avait dans la peau.

Quand elle rouvrit les yeux, les deux hommes se trouvaient à la caisse. Connor était en train de payer ses achats. La jeune femme déposa sur une espace de marche pieds ceux qu’elle comptait s’acheter, tant pis Harry Potter attendrait encore peu, ses notes aussi. Là, le plus important pour elle, était de tenter quelque chose pour sauver son histoire d’amour. Il y avait infime espoir, mais elle se devait d’essayer. Pour lui, pour elle, pour eux.

Elle se dirigea vers lui en tentant de faire un minimum de bruit. Autant éviter d’imiter un éléphant dans un magasin de porcelaine. Son beau brun était en train d’attendre que le vendeur ait fini d’empaqueter ses achats. Naé profita de ce petit répit pour glisser sa main dans celle de Connor. La jeune femme ne résista pas très longtemps à lever son minois vers lui, les yeux brillants de larmes parce qu’elle venait enfin de réaliser.

Honnêtement, elle n’était pas vraiment certaine que ça ait un impact sur lui. Elle n’avait fait que se conduire en couillonne envers lui. Elle espérait que ça allait le toucher, même s’il y avait de grande chance pour qu’ils retrouvent une certaine stabilité. N’oublions pas que nous parlons de Naëlle et Connor là, et qu’avec eux, une petite réflexion pouvait se transformer en étincelle.

Donc après avoir glissée sa main dans celle du jeune homme, elle leva le visage vers lui. Elle devait lire ses réactions, enfin s’il les laissait transparaitre pour une fois. Toutefois, elle ne s’attendait pas ce qu’il réagisse comme il le fit. Elle avait eu un scénario plus pessimiste. Enfin, cela lui mit du baume au cœur et elle sentit quelques nœuds se dénouer. Après le petit moment passé devant la caisse, les deux jeunes gens sortirent de la boutique : main dans la main. Il y avait du progrès.

Arrivée devant la voiture de Connor, Naé put l’observer à loisir comme elle n’en avait pas eu l’occasion. Puis, il fallait avouer qu’il était plutôt bel homme pourquoi se serait-elle de le regarder sous toutes les coutures ? Du moins, de ce qu’il lui offrait pour le moment. Toute contente de cette petite avancée, elle n’avait pas vraiment fait attention à son cou. En même temps, il avait été caché jusqu’à ce qu’il ôte sa veste pour conduire. Ce fut quand il se pencha vers elle qu’elle remarqua la morsure.

- Idiote oui je le suis, dit-elle en commençant à se reculer, le cœur lourd parce qu’il avait fait. Elle n’était pas bête à ce point, elle avait vu la morsure qu’il avait eu à l’épaule que lui avait laissé Johanna.

- Je t’ai cru Connor ! Dit-elle en tentant de faire disparaitre ses larmes en les essayant de ses mains. Tu m’aimes tellement que tu couches avec la première qui te tombe sous la main ? Mais quelle conne je suis de t’avoir attendu, mais quelle conne ! Elle fit un nouveau pas en arrière. Je ne veux plus jamais entendre parler de toi !

Elle avait été sur le point de dire « ni te voir » mais là, ça aurait été plus dur vu qu’il fréquentait le même lycée.

Cette fois, ce fut elle qui tourna les talons pour s’enfuir à toutes jambes, mettre de la distance entre elle et son premier amour. Elle laissa libre cours à ses larmes, se fichant bien de se faire injurier par les passant qu’elle bousculait sur son passage. Une fois chez elle, elle se jeta sur son lit pour subir une nouvelle crise de larmes. Pas question qu’on la voit comme ça, pas même ses meilleures amies. Elle ne voulait pas leur raconter ce qu’il venait de se passer.