Bring me to life [Caleb - Terminé]

Depuis le jour où elle avait vécu ce hold-up à la banque, inconsciemment, c’était le jour de trop, le jour où Evelyn se sentait basculer, et ce, radicalement. Encore plus. Encore plus fort.

En fait, dans le fond, la jeune femme n’aurait pas dû venir sur New York. Elle n’aurait pas du quitter Louisville. Pensant tourner une page, aller de l’avant et surtout pensant être forte et prête à avancer, c’était tout le contraire. Elle voulait fuir sa famille, ses souvenirs, ses démons et s’appuyer sur de nouvelles choses, un mur solide ! Mais comment s’y appuyer quand on ne l’était pas déjà elle-même ? Elle se jetait toute seule dans la gueule du lion.

Cela avait déjà commencé avec ce rêve qui était revenu la hanter. Il n’y a rien de mieux pour la déboussoler. La solution qu’elle avait trouvée pour le coup était de se retrouver dans un lieu de paix, soit une église. En fait, c’était peut-être pire qu’elle avait pensé au final, ne pensant pas se retrouver face à un faux prêtre et surtout à se retrouver consoler d’une manière pas très catholique… Mais cela dit, se payer les honoraires d’un psychologue était peut-être un peu ludique et lucide, surtout… Ce fut ce qu’elle fit par la suite ! Au moins, si ce n’était pas un bon repère pour reprendre de nouvelles bases puisqu’elle avait déjà été suivi à Louisville. Et au final, malgré ça, Evelyn avait pour le moment l’impression de toujours patauger. Il y avait des jours avec et des jours sans. Voilà tout ! Elle avait vécu de bons jours comme des mauvais…

Et un mauvais coup était tombé : cette journée à la banque. Les braqueurs avaient ordonné les otages de se mettre à terre… Evelyn avait eu peur. C’était le cas de le dire… et elle n’avait pas imaginé qu’elle aurait pu être face à une arme, être choisie pour aller dans le coffre afin de mettre les billets dans les sacs, soit être à moitié complice des braqueurs… Et au passage, elle avait reçu de bons coups, notamment un coup de crosse. En somme, résultat, un bon coquard et une lèvre fendue. Ca aurait pu être pire… Oui, ça aurait pu être pire. La trouille qu’elle avait ressentie ce jour-là…
Par la suite, à l’hôpital, elle réalisa à quel point elle était seule. Elle avait pu compter sur son amie et collègue Phoebe pour qu’elle vienne la chercher. Elle aurait pu demander à Caleb au passage mais vu ce qu’il s’était pu passer à leur entrevue, elle ne savait pas… et elle n’avait pas osé. L’idée qu’elle aurait pu lui plaire la faisait plutôt rire. Du moins, elle se persuadait que ça ne pouvait pas être possible. D’ailleurs, en parlant de lui, elle ne l’avait pas revue depuis… Ce qui pouvait peut-être expliquer des choses… Oui, Evelyn était dure avec elle-même.

Allongée sur son canapé, Evelyn regardait son plafond, le regard vide après avoir bien pleurée. Pour dire, elle se sentait mal aujourd’hui, très mal… En repensant à ce jour du hold-up, à revoir ce flingue fixé sur elle, elle se demandait pourquoi le braqueur n’avait pas tiré… Pourquoi ? Si ça se trouvait, ça lui aurait rendu service et ça lui aurait permis de trouver sa sœur dans l’au-delà afin de lui demander pardon.

Pardon, Irene ! mumura-t-elle, les yeux gonflés par les larmes.

Elle se devait dormir, se reposer, faire quelque chose. Ces derniers temps, elle prenait des somnifères, ce qui faisait bien l’effet… mais là, à l’instant, elle avait aussi envie de boire… Elle avait une bouteille de Whisky quelque part dans un placard.

Et les deux ensembles ne faisaient pas bon ménage… non ? Evelyn, sur ce canapé, ne se sentit pas partir, pensant évidemment qu’elle allait tout simplement… dormir, faire un petit somme pour partir loin, mais surtout loin de ses souffrances pour un instant… ne pensant pas que ça pourrait lui être tout simplement fatal, ici, à l’instant…

Elle, allongée sur ce canapé, presque sans vie, en un simple - et joli - pyjama… Une bouteille de whisky et des somnifères trainant sur la table basse… et oh, p’tete qu’elle aurait dû mieux fermer sa porte d’entrée d'ailleurs... Mais ça, c'était sans importance.

La fin de semaine était enfin arrivée. Tess était avec ses grands-parents, Romy quelque part en vadrouille dans New-York. Enfin, très certainement chez ses parents parce qu’il avait vaguement entendu dire que sa mère avait un type à présenter à sa cousine. Toutefois, il devait reconnaitre qu’il était content de la tournure que les choses avaient prise. Sa cousine adorée le maudirait quand elle comprendrait que sa tante le laissait tranquille pour la caser, elle.

Bref, il avait sa journée pour lui. Il n’avait pas besoin d’aller jouer les coaches auprès des jeunes qu’il entrainait, il n’y avait pas de matches programmés.

Une fois qu’il s’était retrouvé seul, le jeune homme avait tourné en rond quelques instants pour savoir par quoi commencer. Surtout qu’il avait du ménage à faire, du moins il ferait de son mieux. Il allait faire étape par étape, pièce par pièce. Sauf la chambre de Tess, tant pis pour elle si elle n’avait pas rangé comme il le lui avait demandé.

Il lança une machine quand il eut terminé le rangement, il n’était pas bordélique donc ça allait. Il fit une pause-café avant d’aller nettoyer la salle de bain, les wc. La machine finie, il étendit le linge sur le séchoir dépliable dans son bureau. Il s’installa sur le canapé quelques minutes, zappa afin de tomber sur les informations. Il s’allongea mais il n’avait pas prévu qu’il s’assoupirait.

Quand il se réveilla, la première chose qu’il fit fut de jeter un coup d’œil à l’heure. Il alla se passer un coup d’eau sur la gueule, attrapa ses clefs et prit la direction du supermarché pour faire le ravitaillement. Il n’avait pas fait de liste mais il savait ce dont il avait besoin, et pour le reste il verrait en fonction de ses envies.

Arrivé sur le palier d’en dessous, il fit une halte. Depuis le diner qu’ils avaient partagé, il n’avait pas revu sa charmante voisine. Autant dire que cela lui avait donné des questions supplémentaires : est-ce qu’elle me fuit ? Dois-je aller m’excuser pour le baiser ? Cela dit, il avait laissé les choses comme telles, ne prenant pas d’initiative pour s’assurer que ça allait bien entre eux, qu’ils y avaient toujours de la sympathie entre eux. Que la relation de voisinage n’en avait pas souffert.

Il jeta un coup d’œil à la porte de cette dernière. Elle était mal fermée. Que devait-il faire ? Passer son chemin ? S’assurer qu’il n’y avait pas des cambrioleurs ? L’instituteur commença à descendre quelques marches, puis s’arrêta net. Non, il fallait qu’il aille voir. Il avait l’excuse toute trouvée : sa boite à outils.

Caleb posa sa main sur la clenche de la porte. Il hésita à toquer, ça pourrait être risqué s’il avait à faire à des malfrats. Un coup de pistolet était vite parti. Il l’ouvrit et se mit malgré tout à appeler la jeune femme, tant pis s’il se faisait agresser.

- Evelyn, tu es là ?

Il l’avait tutoyée machinalement. Sans s’en apercevoir.

Le jeune homme resta sur le qui-vive, n’osant pas s’aventurer plus dans l’appartement.

- Evelyn ? Appela-t-il une nouvelle fois la jeune femme.

Pas de réponses à nouveau. L’inquiétude ne fit que s’accroitre. Il finit par entrer, il fallait qu’il s’assure qu’il n’y avait rien. Qu’il ne s’agissait que d’un oubli de la jeune femme avant de partir au boulot. Il finit par la trouver sur le canapé. Elle avait l’air paisiblement endormi, qu’il n’avait pas le cœur de la réveiller.

Enfin ça s’était avant que ses yeux ne tombent sur les médicaments et la bouteille de whisky. Il fit précipitamment le tour du divan pour s’asseoir à ses côtés. Qu’est-ce qu’on faisait dans de telles circonstances ? A part paniquer, il va s’en dire. Même, avec un brevet de secouriste – oui, il fallait l’avoir quand on était instituteur – on n’était pas préparé à se retrouver face à des circonstances comme celle-ci. Néanmoins, le jeune homme eut le réflexe de prendre son pouls. Il était très faible.

Cette fois, il se précipita sur le téléphone de la jeune femme afin d’appeler les urgences. Il fallait qu’il les appelle. Une personne lui répondit et lui posa tout un tas de question, donna l’adresse pour que les secours arrivent au plus vite. La personne chargée des appels d’urgence, un médecin, lui donna des instructions précises pour tenter de la réveiller, à ce qu’elle ne s’endorme pas jusqu’à l’arrivée des pompiers ou des urgentistes.

Il retourna auprès de la jeune femme, lui mit quelques claques et lui parla.

- Evelyn, tu sais que tu me dois un café ? Sans oublier que tu m’as dit que tu me ferais visiter Louisville, c’était idiot de parler de ça mais il n’avait que ses sujets en réserve.

Endormie, Evelyn se sentait bien. Elle dormait paisiblement et il n’y avait rien pour la déranger de cette tranquillité. Si, il y avait bien une voix lointaine mais elle était très lointaine. A savoir si c’était réalité ou dans un rêve, elle ne savait. Elle capta Louisville… Ah oui, Louisville, la ville de son enfance, la ville où elle avait grandi. Evelyn se revoyait petite, à peine une dizaine d’années, toujours suivi de sa petite sœur Irene qui la suivait de partout au Parc pour jouer. Elle pouvait revoir le soleil, les balançoires et surtout les rires. La joie. Il y avait de la joie. Irene était là. Elle pouvait lui sourire, mais au moment de vouloir la serrer dans les bras, du moins, tendra ses bras, Irene prit la fuite en courant à l’opposé d’elle avec un rire.

Irene !

Evelyn se mit alors à courir derrière elle, voulant la rattraper et plus elle courrait, plus Irene lui échappait. Evelyn s’arrêta un moment pour tourner autour d’elle. Le parc était vide.

Irene ! cria-t-elle. Irene !

Dans son état, Evelyn ne sentait absolument pas qu’on essayait de la réveiller ou du moins, pour la maintenir en vie, surtout. En vie. C’était un grand mot puisqu’elle n’avait l’impression de ne plus vivre depuis un moment. Et ce, depuis la mort d’Irene ! Evelyn avait été morte avec elle, ce jour-là et elle n’avait pas trouvé de raison pour continuer de se battre. Du moins, plus… Son oncle Jack, par exemple. Sa présence l’avait maintenue en vie jusqu’à son décès. Il avait été important pour elle… et maintenant… que devait-elle faire ?

Et si elle partait maintenant, qui s’inquièterait pour elle ? Sa famille à Louisville ? Sûrement… bien que sa relation avec eux s’était un peu dégradée. Du moins, de son point de vue puisqu’elle ne voulait plus vraiment avoir affaire avec eux… Et ses nouveaux amis ici ? Phoebe ? Oh, ils s’en remettront sûrement bien vite… Evelyn se disait bien évidemment qu’elle sera très vite oubliée.

Il n’avait pas trouvé mieux que lui parler. Il pensait que ses paroles pourraient attirer son attention, ou du moins que quelque chose aurait comme un déclic sur elle. Bien sûr, qu’il était tenté de la faire marcher pour l’obliger à rester éveillée, tout comme il l’était de la foutre tout habillée sous l’eau froide. Mais il n’en fit rien, ce n’était pas parce qu’il l’avait vu faire à la télévision – enfin quand il tombait sur une scène du style ou y ressemblant – que ça marchait dans la réalité. Et même si cela était le cas, et bah, quand ça nous arrivait pour de vrai on y pense pas. On ne sait jamais quoi faire. Des fois, il était trop tard. Des fois on parvenait à garder cette petite étincelle de vie jusqu’à l’arrivée des secours.

L’instituteur resta muet quand elle se mit à appeler une certaine « Irene », il ignorait de qui il était question. Peut-être qu’il devait s’en servir pour la garder avec lui, c’était peut-être ce prénom qui la ferait tenir jusqu’à l’arrivée du médecin urgentiste.

- Evelyn, quel est donc ton secret ? Finit-il par demander, tout en sachant qu’il n’en obtiendrait pas.

Il avait beau réfléchir à ce qu’il pourrait dire mais il n’avait rien de bien concluant. Tant pis, il n’y aurait que lui pour s’en souvenir de tout façon. Enfin, il y avait aussi de forte chance qu’il oublie à cause des émotions qui se bousculaient en lui, parce qu’il était inquiet parce qu’il se produisait. Il avait l’impression que sa vie ne tenait plus qu’à un fil, que les battements de son cœur se faisaient de plus en plus faibles.

- Il faut que tu m’aides à trouver quoi dire à Tess ? Depuis la soirée pizza, elle demande après toi, commença-t-il à lui raconter. L’excuse de l’inventaire, ou celle des heures supplémentaires ne vont plus marcher longtemps, tu sais. D’ailleurs j’allais venir te voir pour te présenter mes excuses pour l’autre soir, je ne sais pas comment c’est arrivé. Je veux parler du baiser, hein !

Il divagua ainsi encore quelques minutes. Parlant du voyage en Irlande qu’ils pourraient faire durant les prochaines vacances. Disant aussi, qu’il fallait que Tess vienne avec eux, pour découvrir un nouveau pays avec ses us et coutumes. Ils pourraient ainsi découvrir les légendes avec les fées, les elfes et toutes les autres créatures faisant partie du folklore.

Bien sûr, au bout d’un moment quand même les sirènes se firent entendre de plus en plus fort. Oui, il n’y avait pas de double vitrage dans leur immeuble. Des bruits de courses dans les escaliers et des secouristes qui firent irruption, l’écartant sans ménagement. Le jeune homme resta en retrait pour les laisser faire leur travail, il aurait pu partir mais il savait qu’il serait interrogé pour comprendre la situation.

Il dut expliquer ce qu’il faisait là, s’il était sûr qu’elle allait bien mais il hésita quelques instants de trop. Il ne le savait pas, il n’avait pas revu sa voisine depuis le début du mois. Néanmoins, il donna autant d’information qu’il le put.

Evelyn avait été si bien dans son rêve que lorsqu’elle avait crié le nom de sa sœur, elle n’aurait pas pensé qu’en réalité, elle l’avait lâché dans un murmure, laissant « son sauveur » dans l’inquiétude. Mais ça, elle n’en savait rien. Et de s’en rendre compte, à voir si ça la forcerait à se réveiller et à se battre pour vivre. Ou survivre.

Elle était si bien là. Le temps semblait défiler à une vitesse mais pour elle, ça s’était arrêté, elle n’en tenait plus compte, elle ne comptait plus forcément les jours depuis l’accident, la mort d’Irene… Elle avait cessé de compter.

Oui, elle avait cessé de compter parce qu’Irene était face à elle. Elle n’avait pas changé que dans ses souvenirs. Elle était là à lui sourire, à discuter avec elle autour d’un café dans sa cuisine. Que c’était bon de la retrouver afin de parler de tout et de rien, Evelyn pouvait rattraper le temps perdu en lui racontant tout ce qui avait pu se passer depuis son départ, et notamment sa vie à New York… Qu’est-ce que ça faisait du bien de pouvoir se rappeler de sa voix ou de son rire, si c’était bien les siens ou si ses souvenirs ne lui jouaient pas des tours mais tout lui paraissait réel et normal. Enfin, cela ne durait pas trop longtemps, une chose qu’Evelyn ne comprenait pas soudainement, c’était qu’Irene lui parle de l’Irlande, et encore mais elle n’avait pas l’impression que c’était sa voix. C’était bizarre avec cette impression de vivre un cauchemar… et surtout quand elle finit par se retrouver seule dans la cuisine, avec les fenêtres ouvertes et le courant d’air qui souffla à l’intérieur. Où était passée sa sœur ? Evelyn se demandait si elle n’était pas au Paradis ?

Cela correspondait bien sûr aux urgences qui étaient arrivés chez elle et qui essayaient de la maintenir en vie.

Elle est encore en vie… cria un des ambulanciers.

Il fallait croire que tout ce bruit autour d’elle pouvait la perturber un peu, bien que la jeune femme soit encore inconsciente. Elle ne savait ce qu’il se passait réellement, ni combien de temps tout ça pouvait durer. Evelyn se voyait déjà allongée par terre dans sa cuisine, regardant le plafond avec une lumière qui l’aveuglait un peu, cependant, elle pouvait entendre une voix au loin, une voix qui ressemblait à celle d’une sirène.

Tu es trop jeune, ma sœur… Profites de la vie… Je t’aime, Evy.

Tout ça, paraissait si loin… Evelyn avait toujours l’impression d’être aveugle jusqu’à ce qu’une forme humaine vint sur son champ de vision et c’était son oncle Jack décédé d’un cancer quelques temps plus tôt.

Ton heure n’est pas encore arrivé, ma chérie ! fit son oncle.

Evelyn avait l’impression de reprendre des couleurs ou des forces. En fait, elle ne savait absolument pas où elle était… Elle était en train de se réveiller d’un bien mauvais rêve mais un rêve où les personnes les plus chères étaient avec elle, où elle avait l’impression que sa sœur lui avait tenu la main et lui avait dit « je t’aime ». Non, elle ne voulait pas se réveiller et il semblerait qu’on ne le veuille pas : c’était quoi ce bruit ? Ca semblait être l’électrocardiogramme qui bipait, et ce, à chaque fois que son cœur battait.

Il savait que les secouristes avaient les choses en main, qu’ils pourraient lui venir en aide. Pourtant, ça ne l’empêchait pas de tourner en rond comme un lion en cage. Il était inquiet, ne pouvant faire autrement que de se demander s’il n’était pas en partie responsable. Après tout, il l’avait embrassé avant qu’elle ne le fuit et depuis, il ne lui avait pas parlé. Caleb ne pouvait faire autrement que se dire, qu’il aurait dû prendre son courage à deux mains, et le faire en allant présenter ses excuses à la jeune femme.

Là, dans cet appartement il se sentait impuissant. Son cœur eut un raté quand il entendit un homme s’écrier pour annoncer qu’elle était en vie, pourtant ça ne calma pas son angoisse. Il ne pouvait pas faire autre chose qu’attendre qu’on daigne lui adresser la parole. Bien sûr, on l’avait déjà questionné sur ce qu’il s’était passé et les gens qui s’agitaient autour d’Evelyn avaient vu les produits sur la table basse. Il ne fallait pas sortir de Saint Cyr pour comprendre.

L’instituteur se garda bien de courir au chevet de la jeune femme, il ne voulait pas gêner les urgentistes dans leur travail. Ces hommes finirent par brancher les appareils pour surveiller les constantes durant le trajet, de l’immobiliser sur le brancard. Il fallait faire vite, il y avait tout de même un risque de rechute. Quelque chose qui ne se passait pas correctement en cours de route : une réaction allergique, un arrêt cardiaque, etc…

- Est-ce vous nous accompagnez ? demanda l’un des secouristes.

- Bien sûr, répondit-il sans se poser de question.

Il prit les clefs de la jeune femme afin de refermer la porte, puis les rejoignit dans l’ambulance. Caleb aurait pu rester dans son coin, mais il lui tint la main durant le trajet jusqu’à l’hôpital. Le médecin présent parla à la radio pour avertir de leur arrivée et du cas de la patiente. Arrivé à destination, tout se déroula très vite. Le personnel médical lui demanda d’attendre dans la salle d’attente parce qu’il ne pouvait pas aller avec eux. Chose qu’il comprenait parfaitement, et d’autant plus qu’il risquerait d’être une gêne plus qu’autre chose.

Le médecin en charge d’Evelyn revint vers lui, pour lui parler :

- Vous êtes de la famille ? Je ne peux que parler de ma patiente qu’avec un membre de sa famille.

Non, il n’était pas un membre de sa famille. Juste son voisin, mais ça il ne pouvait pas se permettre de le dire. De plus, il ne savait pas comment les joindre ni si la jeune femme apprécierait qu’il le fasse.

- Je suis son fiancé, s’était un mensonge mais au moins, il pourrait être à ses côtés quand elle se réveillerait. Est-ce que je peux aller auprès d’elle ? S’enquit-il.

- Dans un petit moment, Mr… Mr comment ?

- Mr Hayes, Répondit Caleb à la question.

Le médecin nota l’information dans le dossier, comme s’il s’agissait d’une information primordiale.

- Mr Hayes, nous avons fait un lavage d’estomac à votre fiancée afin d’éliminer les substances qu’elle a avalées, lui apprit-il. Nous allons la garder en observation durant 48h !

Caleb se contenta d’acquiescer d’un mouvement de la tête, que pouvait-il redire à ça ? Rien, il n’était pas médecin. Il se saisit des papiers qu’il lui tendit :

- Il faudrait que vous nous remplissiez ses papiers le plus rapidement possibles, je sais que vous avez d’autres soucis qui vous préoccupent en ce moment ! Il posa une main amicale sur son épaule. Vous pouvez nous les rendre demain, Finit-il par lui dire avant d’ajouter : Une infirmière va vous conduire auprès de votre fiancée, Mr Hayes. Il lui serra la main et disparut dans les méandres des couloirs du bâtiment.

Caleb n’eut pas le temps de s’asseoir qu’une infirmière vint le chercher pour le conduire à Evelyn. Il laissa tomber les papiers administratifs sur le fauteuil pour s’asseoir sur le lit, afin de lui tenir la main. Oui, c’était ainsi qu’un vrai fiancé devait se comporter auprès de sa future épouse.

Entre réalité et son état d’inconscience, le temps qui venait de s’écouler… tout ne semblait être différent, pas la même notion. Cela aurait pu être trois heures comme trois jours. Quelques heures après son hospitalisation, Evelyn se sentit revenir à elle. Elle commença à ouvrir les yeux, bien qu’ils clignotèrent pour s’habituer à la luminosité, à la vue de la pièce… Enfin, à savoir où elle était. Elle fronça les sourcils pour essayer de comprendre ce qu’il se passait, d’où ce mal à la tête, cette gorge sèche… Le fait d’être dans un lit, qu’au bout d’un de ces doigts était accroché à un détecteur liant à l’électrocardiogramme pour analyser son rythme cardiaque… et… quelqu’un qui lui serrait son autre main. Evelyn ne réalisa pas toute suite, restant un peu dans le brouillard.

Où suis-je ? articula-t-elle difficilement dans un murmure.

Elle ferma les yeux pour essayer de se souvenir de la dernière chose vécue, comme si ça remontait à loin et… elle respirait ? Elle vivait ? Elle voulut se redresser mais d’un coup sa tête tournait.

Wouoh oh !

Elle avait l’impression de tomber ou quelque chose comme ça. Puis elle se rendit compte de la présence de Caleb.

Que… ?

Là, il lui fallait qu’on lui explique deux trois petites choses. Il y avait quelques minutes, elle avait été avec Irene et Jack à papoter et à rire dans la cuisine, à rêvasser, parler voyage et surtout de l’Irlande, etc… Là, d’un coup, la jeune femme n’arrivait absolument plus à dissocier rêve et réalité. Il lui fallait un peu de temps. Seulement un peu de temps. Surtout aussi expliquer la présence de Caleb auprès d’elle.

Je… j’ai soif… articula-t-elle seulement pour le moment.

C’était la première chose qui lui venait à l’esprit. Elle avait la gorge sèche et en plus, elle avait vraiment l’impression d’avoir le ventre vide. Un éléphant rose ou un dinosaure lui était passé dessus : c’était ça l’explication.

Une fois l’infirmière sortie de la pièce, Caleb resta quelques instants près de la jeune femme. Il ne savait pas si quelqu’un allait revenir ou pas, comme il avait peur qu’on le regarde bizarrement s’il s’asseyait sur le fauteuil.

Quelques minutes passèrent et personne ne vint surveiller les moniteurs ou les constantes d’Evelyn. Caleb finit par se lever puis sortir de la chambre. Il chercha un téléphone pour demander à sa cousine de venir le rejoindre. Il avait besoin de son aide et cette dernière ne lui poserait aucune question, du moins il l’espérait.

- Allô, Romy ? C’est Caleb !
- Pourquoi ce n’est pas le numéro de chez toi qui s’affiche ?
- Normal, j’y suis pas ! Romy, est-ce que tu peux me rejoindre ?  

Il lui donna le nom de l’hôpital ainsi que l’adresse, sans oublier le numéro de la chambre. Il raccrocha sans lui fournir plus d’explications. Il aurait tout le temps de s’en vouloir de l’avoir inquiétée, bien plus tard. Il était tenté d’appeler chez ses parents pour savoir comment ça se passait avec Tess mais n’osa pas. Sa mère comprendrait que quelque chose n’allait pas dès qu’elle entendrait sa voix. Elle avait un sixième sens pour ça et ne le lâcherait pas sans obtenir de réponses.

Sur le passage, il se prit un café dans un distributeur puis regagna la chambre d’Evelyn. Elle était en train de dormir. Maintenant il n’avait plus qu’à attendre l’arrivée de sa cousine, en attendant il commença à remplir les documents, mais n’alla pas bien loin. Seul le prénom, le nom de famille et le travail furent inscrits.

On toqua à la porte, une jeune blonde pénétra dans la pièce sans y être invitée. Du Romy tout crachée.

- Dieu soit loué ! T’es un pauvre crétin, Caleb ! Dit-elle en lui donnant des coups.

- Romy ! Lacha-t-il pour qu’elle arrête de se comporter ainsi. Il ne marquerait plus que quelqu’un se pointe dans la chambre et pense que Romy était sa maitresse. Est-ce que tu me peux me rendre plusieurs services ?

- Lesquels ? demanda-t-elle en jetant un coup d’œil à la jeune femme inconsciente. C’est notre voisine ? Evelyn, Tess m’en parle souvent.

Caleb acquiesça avant de reprendre la parole.

- Il faudrait que tu ailles chez elle pour lui prendre des rechanges et sa trousse de toilettes, et que tu fouilles dans ses papiers pour que je puisse remplir ces papiers, dit-il en se levant pour sortir les clefs de l’appartement de la patiente. Et que tu trouves son sac à main ?

La jeune femme s’en alla quand elle eut obtenu plus d’information. Caleb répondit de son mieux à nouveau, cachant à Romy qu’il s’était fait passer pour son fiancé afin de ne pas la laisser seule. Il tint bon, même quand elle lui fit remarquer qu’elle avait une famille et qu’il n’avait qu’à la contacter.

Caleb but son café infâme, la nuit risquait d’être longue. Il fit les cent pas dans la chambre, pensant que les minutes défileraient plus vite. Machinalement, il finit par s’asseoir sur le bord du lit et à passer sa main sur le visage de la jeune femme. Il dégagea son visage de quelques mèches folles avant de la tenir par la main. Un murmure attira son attention, il allait répondre quand elle tenta de se redresser.

- Evelyn reste allongée, ça va passer !

Le visage déjà blême de la demoiselle avait viré au gris. Caleb tendit la main pour appuyer sur le bouton que l’infirmière lui avait montré un peu plus tôt, il avertissait qu’elle s’était réveillée.

- Oui, bien sur ! Il approcha la paille du verre d’eau près de sa bouche pour qu’elle puisse boire. Voilà, pas trop autrement tu risques d’être malade.

Oui, il avait l’impression d’un cruel pour le coup mais il suivait juste les instructions. Seulement deux ou trois gorgées, lui avait-on dit. Quand on l’aurait à nouveau examiné, elle pourrait boire d’avantage avec l’aval du médecin.

- A l’hôpital ! Ne t’inquiètes pas, je reste là !

Si Evelyn s’attendait à avoir de la compagnie, c’était une surprise. Enfin quelqu’un qui veillait sur elle pour pas qu’elle se sauve de son lit, hein ? En tout cas, de boire un peu lui fit un peu de bien…

Merci ! fit-elle tout en lâchant ce verre d’eau, laissant Caleb le reposer sur la table de chevet.

Evelyn put s’installer du mieux qu’elle pouvait sur ce lit pour qu’elle ne soit pas dans une posture désagréable… et évidemment, Evelyn pouvait se rendre compte qu’elle était à l’hôpital, vivante et… au côté de Caleb… Ce fameux voisin. Son voisin. Et voisin qui veillait sur elle ! Il lui assurait qu’il restait là pour veiller sur elle, elle lui fit un petit sourire, bien qu’à première vue, elle avait été d’abord été surprise de se retrouver là ainsi que de le voir également… Il allait pouvoir lui apporter des réponses qui lui manquaient.

J’me sens pas bien !

Pour ne pas dire qu’elle n’était pas dans le pâté. Mais après, à voir par la suite s’il n’y avait pas plus grave à arranger. Bref, quand elle percuta la dernière chose qu’elle avait pu faire, soit rentrée chez elle, s’être mise en pyjama, à rester dans son canapé et à ne plus avoir le goût à rien à part seulement l’envie de dormir… Et puis cette bouteille de Whisky et ses somnifères… Les souvenirs, la réalité, vinrent lui fouetter la figure. Pour dire, c’était une belle gifle.

Qu’ai-je fait ? souffla-t-elle, les larmes aux yeux.

Non, Evelyn était loin de réaliser la chose, et à savoir ce qu’elle avait véritablement. En fait, à savoir ce qui la peinait le plus : d’avoir failli mourir ? De laisser Caleb de la voir dans cet état ? Ou plutôt fallait-il le remercier de l’avoir sauvé ? Enfin, si ça avait été le cas ? Car elle ne savait comment elle avait atterri ici ? Elle avait un tas de questions à poser. Elle ferma les yeux, posant une main sur son front : elle se sentait stupide. Cela dit, quelques minutes à peine, une infirmière fit son apparition.

Et bien voilà une revenante ! lâcha-t-elle avec dynamisme.

Enfin un dynamisme dont Evelyn ne suivait pas trop là, mais l’infirmière était là pour l’ausculter, à lui mettre sa petite lampe de poche dans les yeux et encore… L’infirmière la questionna un peu si elle allait bien ou si elle avait mal quelque part.

J’ai seulement faim…

Et vous avez besoin d’un peu de repos !

Je vais bien…

Bien sûr. Vous allez bien!

Ironique ? Elle allait bien dans le sens physiquement? Sans doute que l'infirmière allait dans ce sens.

J'ai dormi combien de temps?

Si vous râlez, c'est que vous allez bien ! Vous avez besoin de repos ! répéta l'infirmière, dans le sourire.

En fait, pas trop ! Et non, elle ne se contredisait pas du tout. Evelyn voulait simplement partir. Sortir de cet hôpital ou même se faire petite, se cacher comme une petite souris. Mais elle ne sortira que le lendemain après une nuit d'observation. Quand l’infirmière s’en alla, Evelyn se retrouva seule avec Caleb. A voir si elle osait le regarder dans les yeux,… la jeune femme aurait presque honte de ce qu’elle avait fait… Enfin tant qu’on ne lui demandait pas pourquoi… Pourquoi ? Ca, c’était la question qu’elle détestait le plus… Mais la question qui la démangeait le plus était évidemment : « qu’est-ce qu’il s’est passé ? », du moins, de ce qu’elle avait pu manquer avant qu’elle « s’endorme ». Elle se mordit la lèvre inférieure, essayant de retenir ses larmes mais ça ne servait strictement à rien, mais elle les retient quand même. Puis elle dévisagea de nouveau Caleb et lui murmura :

Tu... tu... étais avec moi tout ce temps?

Peut-être qu’il était en train de la materner mais il n’y pouvait rien. Il était papa donc il en faisait autant avec sa fille quand elle était malade. Il était instituteur, il en faisait tout autant quand un de ses élèves tombait malade ou se faisait mal dans la cours de récréation. Même s’il fallait bien l’avouer, les circonstances étaient toutes différentes les unes des autres.

Il se leva quand elle s’installa plus confortablement dans le lit d’hôpital. Comme ça, elle pourrait prendre autant de place qu’elle le souhaiterait, et il ne la coincerait pas dans les couvertures. Maintenant qu’elle était éveillé, le jeune homme ne savait quoi lui dire pour répondre à ses questions, ni comment expliquer la situation. Surtout qu’il avait quelque chose d’important à lui dire. Il valait mieux qu’elle l’apprenne par lui que par quelqu’un d’autre mais il ignorait comment aborder le sujet, ni ne savait si c’était le bon moment pour le faire.

Caleb ne sut comment répondre à la question, même si la réponse était : tentative de suicide. Pas besoin d’en rajouter une couche. Heureusement pour lui l’arrivée de l’infirmière fit qu’il n’eut pas à répondre. Ce petit répit lui permettrait de réfléchir.

L’instituteur était sorti de la chambre durant l’auscultation. Quand il fut dans le couloir, Romy resta juste le temps de lui donner les affaires qu’il lui avait demandé. Elle voulut savoir ce qu’il en était vu qu’ils étaient seuls.

- Plus tard, Romy !

Sa cousine déposa un baiser sur sa joue et s’en alla sans poser d’avantage de question. Oui, il lui raconterait plus tard mais seulement ce qu’il était en droit de révéler. Voyant que l’infirmière en avait fini avec sa – prétendue – fiancée, il retourna dans la chambre et déposa le sac de change dans un coin.

L’infirmière partit en lui disant qu’elle reviendrait plus tard. Caleb ne savait pas ce qu’elle entendait par « plus tard » mais il verrait bien à ce moment-là.

- Oui, dit-il.

Il ne servait à rien de broder autour ce fait. Il n’avait quasiment pas quitté son chevet depuis qu’il l’avait trouvée dans son appartement.

- Et je resterai jusqu’à ce que tu sortes, crut-il bon d’ajouter. Quel genre de fiancé ferai-je en te laissant toute seule ? C’est ce que je leur ai dit pour pouvoir rester, j’ai pensé que tu préférerais cette solution à celle d’avertir ta famille.

Certes ce n’était peut-être pas le bon moment de le lui dire mais c’était peut-être mieux. A tout moment, une infirmière ou le médecin pouvait entrer et lui demander s’il voulait dormir sur un lit de camp pour ne pas quitter sa fiancée. Il prit le sac fait par Romy pour le mettre sur le lit afin qu’elle puisse regarder ce qui avait dedans.

- J’espère que tu ne m’en voudras pas d’avoir demandé à ma cousine d’aller chez toi, demanda-t-il. Je lui ai demandé de fouiller pour que je puisse remplir les documents à redonner, s’excusa-t-il, prenant bien soin de ne pas dire « comme je ne savais pas quand tu te réveillerais ».

Son coté papa poule finit par ressortir, bien qu’il se soit juré de se retenir. Il s’assit sur le bord du lit pour la prendre dans ses bras. Rien de plus.

- Chuuuut, il commença à lui caresser les cheveux, tout comme il l’aurait fait avec Tess. Je suis là !

Evelyn ne put s’empêcher de lui demander depuis combien de temps il était avec elle. Enfin, elle avait bien sûr tourné sa question autrement mais l’idée était un peu là et surtout pour assembler quelques pièces du puzzle puisque jusque-là, tout lui semblait bien un peu flou… D’une façon, Caleb lui apporta la réponse sur un plateau. Oui, il était là depuis le début et il avait l’intention de rester jusqu’à ce qu’elle sorte. Vraiment ? A fouiner dans sa mémoire, Evelyn n’avait pas l’impression qu’un inconnu en avait fait autant pour elle. Bon, joker, si on ne comptait pas ce faux prêtre ! Et Caleb n’était pas tout à fait un inconnu et n’était pas non plus un proche. Cela dit, il était présent. C’était à la fois touchant… mais… what ?

Fiancé ? Je…

Il s’était fait passé pour son fiancé ? Si elle avait encore assez d’énergie, elle l’aurait peut-être giflée, surtout par rapport à ce qu’il s’était passé la dernière fois. C’était une chose qui pouvait porter à confusion comme si tout était acquis… Mais vu le contexte et à la vue des explications, ça tenait la route. Enfin, c’était débile parce que Caleb ne savait pertinemment pas que la jeune femme n’était pas trop famille avec la sienne alors, oui, d’une manière, il ne savait pas forcément que c’était arrangeant pour elle… Sa famille, depuis Louisville, aurait sans doute mis des heures pour venir jusqu’ici et tout dépendait du combien de temps Caleb l’avait trouvé et du combien d’heures elle avait dormi. Et merde, à y penser, si sa famille savait pour sa tentative, que penserait-elle de tout ça ? Hein ? Evelyn s’en voudrait presque d’avoir survécu à ça…

Ta cousine ?

Evelyn récupéra les quelques bribes d’information. Il y avait qui d’autres au courant ? En plus elle était partie pour lui chercher des affaires ? Caleb avait tout prévu et tout gérer ? A la fois, elle en serait reconnaissante mais en même temps, elle en aurait presque honte de toute ça. Elle ne trouvait même pas les mots. Tout lui semblait confus. Pourquoi ? Oui, c’était une question. Pourquoi ? Pourquoi elle ne s’en était pas allée ? Pourquoi avoir survécu ? Pourquoi Caleb était sur son chemin ? Evelyn avait les larmes aux yeux. Tout n’était pas clair et elle avait surtout besoin de repos, de réfléchir… Elle craqua et dire qu’elle se retrouvait dans les bras de Caleb qui ne cherchait qu’à la rassurer.

Evelyn rentrerait presque dans un mutisme. Que lui dire ? Que dire dans ces moments-là ? Qu’elle en avait honte ? Le remercier ? Pourquoi ? D’avoir fait ce qu’il fallait ? De l’avoir sauvée ? Le mot « Sauvée » sonnerait presque faux. Elle avait voulu se donner la mort … La mort ne voulait pas d’elle ? Tellement de questions aussi stupide les unes que les autres.

Jusque là, tout de même, se trouvant dans les bras de Caleb, c’était bizarre. Celui-là ne l’avait pas jugé sur son action, ne lui avait pas posé de question du pourquoi et du comment. Rien. Nada. Mais de toute manière, cette histoire de fiancé qu'elle n'oubliait pas, ça serait bien une chose dont elle retiendrait et dont ils discuteraient plus tard. La jeune femme se calma un peu à peu, voulant se contrôler, stopper ses sanglots. Se détachant alors un peu de Caleb, elle se repositionna dans son lit, un peu gênée.

Je…

Elle passa une main sur son visage pour sécher rapidement ses larmes.

J’ai besoin de grignoter un peu …

Evelyn n’était pas du genre très loquace mais il ne fallait pas trop lui en vouloir, il fallait lui laisser le temps de s’en remettre ! Surtout qu’elle n’avait pas prévu cette finalité… Et en même temps de pouvoir se mettre quelque chose sous la dent, cela lui permettrait d’être seule un instant.

Même s’il s’était demandé dans un premier temps comment lui annoncer ce qu’il avait raconté pour pouvoir rester. Il ne se voyait absolument pas la laisser seule, il n’en aurait pas dormi. Il n’en dormirait pas de toute façon. Il savait que la découverte du corps d’Evelyn quasi sans vie, allait le hanter durant plusieurs nuits après aujourd’hui. Comment dormir sur ses deux oreilles, en songeant qu’on avait laissé – pour ne pas dire abandonné – une personne qu’on connaissait toute seule à l’hôpital. Ses parents l’avait mieux élevé que ça. Bien sûr, il avait menti mais si Le Tout Puissant existait vraiment, il le lui pardonnerait.

Cela dit, il eut la délicatesse de lui expliquer pourquoi il avait agi de la sorte. Déjà pour qu’elle ait une présence et qu’elle ne se retrouve pas seule, mais pour qu’elle décide d’elle-même si elle désirait avertir sa famille ou non. Surtout qu’il n’y avait pas besoin de trop jouer la comédie, en allant jusqu’à l’embrasser. Les aides-soignants n’iraient pas jusqu’à les pousser à le faire, ils comprenaient que le « faux » couple ait d’autre préoccupation en tête.

- La jolie blonde qui a emménagé en face de chez moi, lui dit-il comme s’il était logique qu’elle l’ait croisé à un moment donné. Romy Graham. Pas de panique, je ne lui ai rien dit et je ne lui dirai rien de plus que ce que tu m’autoriseras à lui révéler.

Il hésita à lui dire qu’elle n’en saurait pas plus parce que les urgentistes avaient pris la bouteille et les médicaments, pour le personnel médical de l’établissement hospitalier. Et aussi pour leur rapport, il était obligé d’en faire un pour chaque sortie, en cas de litige par la suite.

Après il la prit dans ses bras. Il n’y avait aucune arrière-pensée dans ce geste. C’était juste une façon de lui montrer qu’elle avait un ami pour lui prêter son épaule afin de pleurer un bon coup. Qu’il serait là, quand elle aurait besoin d’une oreille attentive. Caleb jouait déjà ce rôle auprès de ses élèves certes les maux n’étaient pas les mêmes. Il savait que ça faisait du bien de parler à quelqu’un d’inconnu à sa vie plutôt qu’à un proche. Enfin, tout dépendait des individus et de leur caractère. Par exemple, il savait que lors d’un décès certains avaient besoins de parler du disparu, les autres préféraient s’enfermer dans le mutisme.

Evelyn finit par s’écarter de lui afin de sécher ses larmes, puis lui dit qu’elle aimerait bien manger quelque chose. L’heure des repas étant passé, il lui fallait quitter la chambre pour aller lui chercher quelque chose.

- Ok, je vais voir ce que je peux te trouver !

Il quitta donc la pièce. Il alla dans un premier temps à la cafétéria mais il lut qu’il n’avait pas le droit sortir le moindre aliment. Après il tenta la boutique de l’hôpital mais vu l’heure, elle était fermée. Donc il ne lui restait plus qu’à faire étage par étage pour voir ce que les distributeurs proposés.

Quand il eut terminé sa razzia dans les distributeurs, il retourna auprès de sa voisine.

- J’espère que tu trouveras quelque chose à ton gout, dit-il en déposant ses trouvailles.

Chips, biscuits, burritos, bonbons, etc…

Ok, Evelyn avait une explication pour la cousine. Il manquerait plus que toute la famille débarque et ça serait la fête ! Et même pire, que tout l’immeuble débarque avec en première loge, la sorcière, sa voisine de palier. Enfin ça expliquait pourquoi Caleb avait demandé à elle pour ses affaires… Et puis à se dire que les deux soi-disant cousins étaient voisins de palier, Evelyn se disait qu’ils devaient être très familles, du moins très proche pour vivre près l’un de l’autre. Et à cette pensée, ça lui ferait presque un pincement au cœur d’imaginer ça…

Peu après, c’était limite si Evelyn ne le jetait pas un peu dehors ! Elle avait besoin d’être seule un peu… Non mais surtout elle avait besoin de manger un truc sinon elle allait mourir sur place ! Ca serait vraiment l’ironie du sort … Adorable comme il était, Caleb accepta de faire la démarche et d’aller parcourir tout l’hôpital pour lui prendre de quoi grignoter. Pendant son absence, Evelyn pouvait voir effectivement qu’il y avait des affaires de rechanges pour elle : ses affaires, un haut, des sous-vêtements et un pantalon décontract, et notamment une trousse de toilettes… Du moins, c’était fort sympathique tout ça. Puis se réinstallant convenablement, elle resta là quelques instants allonger à regarder le plafond pour saisir un peu tout ce qui s’était passé, et surtout pour enlever ce mal au crâne, elle avait l’impression d’avoir la tête lourde…

Caleb était parti il y avait quoi ? Cinq minutes même pas ? Dix minutes ? Evelyn avait l’impression que c’était un peu plus longtemps. Qui savait s’il ne l’avait pas abandonné au final ? Ce n’était pas ce qu’elle avait voulu en l’envoyant à la cafétéria ? Non tout de même, elle ne serait pas du genre à envoyer balader les gens… Mais qui savait si elle n’était pas plus un fardeau … Voilà qui en était en partie ses sentiments, mais surtout sa confusion ! Et ce combat intérieur la fatiguait qu’elle ne se rendit pas compte qu’elle s’était rendormie.

A savoir combien de temps elle dormait et si ce n’était pas toute la nuit mais c’était bien possible. Cette fois-ci, c’était un sommeil sans rêve. Au bout d’un temps, elle finit par se réveiller de nouveau et peut-être pour découvrir qu’il y aurait personne, qu’elle se retrouverait face à sa solitude … mais finalement, elle pouvait remarquer étrangement que Caleb ne l’avait pas abandonnée…

Quand il s’aperçut qu’elle était en train de dormir, il n’osa pas bouger de peur de la réveiller mais si cela avait dû se produire, elle aurait ouvert les yeux au son de sa voix. Il trouvait plus que normal qu’elle s’endorme, même si elle n’en avait pas réellement conscience : cette journée avait été éprouvante. Aussi bien pour elle, que pour lui. Il aurait dû être accablé par l’épuisement mais non, il avait l’impression qu’il pourrait courir le marathon de New-York, celui de Paris et probablement celui de Londres. Du moins, c’était ce dont il était persuadé.

Il resta donc planté près du lit, le temps nécessaire pour s’assurer qu’elle ne s’éveillerait pas à l’un de ses mouvements. Il récupéra délicatement les produits qu’il avait déposés sur le lit pour les déposes sur la tablette à roulette. Plateau qu’il approcha du lit afin qu’elle n’ait pas à se lever pour pouvoir grignoter sans avoir à lui demander de l’aide. Pas que ça le dérangerait mais simplement parce qu’elle se sente plus libre de ses faits et gestes.

Ceci dit, il piocha dans les réserves de sa voisine. Depuis qu’il était auprès d’elle, il n’avait qu’un café dans le ventre. Et il commençait à avoir un petit creux alors avant que son estomac se mette à crier famine, il valait mieux le nourrir. Il se contenterait d’un paquet de chips et d’une boisson qu’il ne connaissait pas. Quand il eut terminé son repas sur le pouce, il avisa l’heure pour savoir s’il pouvait téléphoner à ses parents pour savoir comment la journée avec Tess s’était passée. Mais en toute sincérité, il fut soulagé de voir qu’il était trop tard pour un appel. Même furtive. Il espérait juste que Romy aurait eu l’idée d’appeler sa mère, pour lui dire qu’il se pouvait qu’il ait un empêchement afin de préparer sa Chipie. Il se promit que dès demain, il se ferait pardonné : il lui offrirait probablement la tortue qu’elle voulait tant. Le jeune papa savait qu’elle s’en occuperait vu que c’était grâce à elle, que les poissons de sa marraine étaient encore de ce monde.

Il finit par s’asseoir sur le fauteuil réservé pour les visiteurs. Il cala son menton sur son poing tout en regardant, Evelyn. Il était content de lui, dans le sens où il n’avait pas demandé d’explication suite à son geste. Ce n’était pas vraiment le moment, sauf s’il voulait la faire replonger. Non, l’instituteur ferait ce qu’il pourrait pour l’aider, et seulement quand elle viendrait la lui demander.

Tout à ses pensées, Caleb ne s’aperçut pas qu’il était également parti aux pays des songes. Il n’entendit pas une infirmière venir dans la chambre lors de sa ronde, ni que celle-ci déposa une couverture sur lui afin qu’il ne prenne pas froid. Généralement, quand Tess était malade il ne dormait que d’une oreille, se lever à maintes reprises pour s’assurer que ça n’empirait. Même s’il dormait, il entendait le bip de l’électrocardiogramme pour lui dire que le cœur de la jeune femme ne s’était pas arrêté.

Evelyn n’avait pu avoir la patience d’attendre le retour de Caleb. La fatigue, toutes ces émotions en elle, ça avait été trop pesant qu’elle ne s’était pas rendue compte qu’elle s’était rendormie. Cela dit, elle ne savait pas pour combien de temps encore ! Comment si elle avait passé son temps à faire des nuits blanches et qu’elle en faisait une bonne cure. C’était les rayons du soleil qui la réveillèrent et également l’arrivée de l’infirmière. A savoir si c’était la deuxième infirmière qu’elle voyait ou s’il y en avait eu qui étaient passé pendant son absence. En tout cas, à savoir, ils étaient au petit jour, soit à l’aube. Et dire que ça faisait un moment qu’elle n’avait rien mis eu sous la dent, qu’elle mangerait deux ours donc elle ne se ferait pas prier pour manger son petit déjeuner.

L’infirmière prit alors le temps de voir si tout allait bien pour elle et tout allait bien. Physiquement du moins. D’ailleurs, elle lui proposait un suivi psychologique au sein de cet hôpital mais au moins, elle pouvait sortir dans la journée. Bien. Durant toute la discussion, elles avaient baissé d’un ton pour ne pas réveiller Caleb, qui d’ailleurs, par la suite, l’infirmière ne gêna pas pour dire :

C’est votre petit ami ?

Dans le genre, … euh, non, ce n’était que son voisin … S’imaginer lui et elle, ensemble ? Cette idée lui paraissait improbable et seulement les deux concernés savaient que c’était du vent. Le demi-sourire qui s’affichait sur les lèvres d’Evelyn, l’infirmière le prit pour un « oui ».

Vous avez bien de la chance, il est resté là toute la nuit à veiller sur vous ! J’aimerais bien avoir un homme qui en ferait tout autant…

A dévisager l’infirmière, Evelyn ne savait pas si on se foutait d’elle ou non. Est-ce que l’infirmière savait son geste ? Que si c’était réel, pourquoi elle aurait voulu l’abandonner ? Tout lui semblait avoir aucun sens dans cette logique. Enfin pour Evelyn, elle pouvait penser un peu ce qu’elle voulait.

Cela dit, Evelyn finit par se retrouver seule. Du moins, pas seule, il y avait Caleb. A le regarder, elle n’osait le réveiller. Et dire qu’il avait veillé sur elle jusque là… C’était étrange. A savoir combien de temps il avait gardé l’œil ouvert et il avait sûrement des heures de sommeil à rattraper.

Pour le moment, en attendant, elle allait faire sa toilette. Elle sortit du lit, elle posa un pied par terre. Oh, d’un coup, la jeune femme avait cru se casser la tronche mais ça allait, elle tenait bon sur ses jambes. En récupérant ses affaires de toilettes, elle alla dans la petite salle de bain de la chambre afin de faire le nécessaire pour être un peu plus présentable. A regarder dans le miroir, elle avait l’impression d’avoir une mine épouvantable. Elle fit alors sa toilette et en profita pour se changer.

Habillée, elle sortit de la salle de bain… Caleb semblait également se réveiller ou l’était déjà.

Je suis là ! lâcha-t-elle penaud, debout à l’entrée de la salle de bain.

Oui, elle était entière, elle ne s’était pas sauvée, rien !

Bonjour ! reprit-elle dans un petit sourire.

Bref, c’était bizarre venant de sa part mais pour le moment, on n’allait pas en vouloir à la jeune femme de reprendre un peu sa vie… Enfin, déjà si elle réalisait et acceptait ce qu’elle avait pu faire. Elle s’approcha du lit.

Pas trop mal dormi ?

Et dire qu’elle avait dormi dans un lit de princesse, et non dans un fauteuil, ce qui devait bien être autre chose. Cela dit, Evelyn était pied nu et chercha du coin de l’œil si elle trouvait ses chaussures. Enfin surtout, ce n'était pas comment si la jeune femme paraissait un peu agitée en ce moment même mais à part, ça, en fait, tout paraissait plutôt bien. Elle voulait surtout rentrer chez elle surtout.

Les infirmières étaient en train de faire leur tourner. Le premier passage était pour s’assurer que les patients avaient passés une bonne nuit, prendre la température, faire les prises de sangs, etc… Le second était pour déposer les plateaux du petit déjeuner.

Un grincement réveilla le jeune homme. C’était celui du chariot qui faisait avancer dans les couloirs et qu’on stoppait devant les chambres pour les déposer sur les tablettes. Il s’étira quelque peu afin de chasser les petites douleurs dû à la position qu’il avait eue pour dormir. Il savait qu’une bonne douche chaude dénouerait les nœuds mais ça devrait attendre encore un peu. Tout comme le petit déjeuner. Attendre d’être chez lui pour y avoir droit.

Son regard fini par se poser sur le lit. Il était vide… Autant dire qu’il commença à paniquer. Deux solutions possibles. La première était qu’elle avait profité de sommeil pour prendre le chemin du retour, l’abandonnant à son triste sort. La seconde, était qu’il y avait eu une complication lorsqu’il était en train de dormir. L’idée qu’elle soit tout simplement allée dans la salle de bain ne lui avait pas effleuré l’esprit.

Heureusement qu’il était assis quand elle eut l’idée de parler. Evelyn lui avait fait peur parce qu’il ne s’y attendait pas. Il passa une main sur son visage, histoire de reprendre une certaine contenance et aussi pour se traiter de tous les noms d’oiseaux mentalement. Oui, il avait été con de penser qu’elle avait pris la poudre d’escampette. Il aurait dû se rappeler qu’il fallait une autorisation de sortie, signée par le médecin pour rentrer chez toi et souvent on demandait à quelqu’un de raccompagner le patient.

- Bonjour, répondit-il au sien.

Cela dit, il haussa un sourcil intrigué, interrogateur. Il trouvait le comportement de la jeune femme un peu étrange. C’était comme si elle était déjà prête à rentrer chez elle, presque comme si la veille était déjà loin. Du moins c’était l’impression que ça donnait. Bien souvent, c’était les gens qui allaient mal qui arrivaient le mieux à faire croire que tout allait pour le mieux. Un peu comme « Je vais bien, tout va bien » dans un sketch de Dany Boon.

- J’ai connu pire, avoua-t-il. Notamment chez Romy, quand il s’amusait à camper dans le jardin entre le matelas dégonflé, et les insectes qui les avaient piqués. Et toi ? On irait que tu es prête à rentrer à la maison ?

Il se pourrait bien que la jeune femme ait pu faire peur Caleb sur le moment à ne plus la voir dans le lit mais elle était là. Toujours en place, toujours là, debout ! Elle n’avait pas pris la poudre d’escampette et n’avait pas remis son délire de se ôter la vie. Enfin, si c’était à refaire, elle ne le referait sans doute pas ici. Du coup, elle avait affiché automatiquement sa présence.

Bon, tant pis pour ses chaussures, enfin pour le moment, elle se contenta de poser ses affaires sur le lit. La jeune femme chercha si elle avait bien tout sur elle, et notamment les clés de chez elle. Mais ça, il faudrait les demander à Caleb. Il aurait sans aucun doute les réponses à ses questions. En tout cas, elle était incapable de rester en place. Non, dans ce lit, elle serait incapable de se réinstaller pour faire genre comme si de rien n’était. Il fallait qu’elle bouge. Qu’elle rentre chez elle. Qu’elle fasse quelque chose !

Les hôpitaux me rendent nerveuse.

Enfin à savoir ce qui la rendait un peu plus nerveuse ici : L’hôpital ? Ou à savoir que Caleb avait veillé sur elle jusque–là ? Et l’avoir vu aussi faible ? Aussi… Aussi quoi ? Et tout ça sans qu’il sache pourquoi ! Et ça, Evelyn ne saurait lui expliquer, et elle ne voudrait pas. Elle ne pourrait pas. Ca serait plus fort qu’elle. Mais cependant, il n’avait pas posé la question. Pas encore. Ou peut-être jamais. Elle ne savait !

Il faut que je rentre chez moi !

Elle regarda autour d’elle.

Tu n’as pas vu mes chaussures ?

A savoir si elle n’allait pas rendre fou Caleb, à ce moment-là !

Caleb s’était finalement mis debout afin de se déplier un peu. Il se disait que faire quelques pas ne lui ferait pas de mal. Il avait aussi envie d’utiliser la salle d’eau mais il n’y avait pas urgence. Pour le moment, il fallait qu’il la surveille parce que son attitude était quelque peu inquiétante. Enfin bon, il n’allait pas trop se faire de mouron, peut-être qu’il s’agissait aussi d’un effet secondaire des médicaments qu’ils lui avaient donné à son arrivée. Il ne saurait le dire parce qu’il n’y était pas et qu’il n’avait pas pensé à demander s’il y aurait des effets sur son comportements.

Cela dit, qu’il préférait la voir se conduire ainsi que à moitié morte sur son canapé. Même si c’était déconcertant. A croire qu’elle avait été endormie avec du gaz hilarant.

- Comme beaucoup de monde ! Répondit-il à la jeune femme.

Lui aussi était nerveux à l’idée de se retrouver à l’hôpital. Caleb finit par s’approcher de sa voisine. Il comprenait qu’elle n’ait pas envie de rester, pourtant elle n’avait pas le choix et elle devrait se montrer patiente. Encore quelques minutes.

Caleb lui fit traverser la pièce pour la guider vers le fauteuil. Il retira la couverture qu’il y avait laissée et la jeta sur le lit, puis la fit s’asseoir.

- Tu vas pouvoir rentrer chez toi mais pas avant que tu aies vu le médecin, ni avoir pris ton petit déjeuner, lui dit-il pour lui faire comprendre que ce n’était pas encore l’heure. Vu l’heure, les bureaux administratifs de l’hôpital ne sont pas ouverts.

Il lui montra l’heure qui était affiché sur sa montre. 7h30. Si elle sortait ça ne serait pas avant 10h, le temps de tout remplir, de prendre les rendez-vous pour un suivi aussi bien psychologique que pour s’assurer qu’elle était en santé, qu’elle ne faisait pas une anémie.

- Je savais bien que j’avais oublié quelque chose, fut sa réponse à la question des chaussures. J’irai demander aux infirmières si elles n’ont pas quelque chose à ta taille dans les objets trouvés, à moins que tu préfères que j’aille à la boutique pour voir s’il y a des pantoufles ?

Après tout, on ne savait pas où l’ancien propriétaire de chaussures abandonnées avait été foutre les pieds, ni s’il avait des champignons ou des verrues.

Il fit rouler le plateau à roulette jusqu’au fauteuil, il n’y avait plus que le petit déjeuner à attendre. Ca ne serait pas bien long à arriver.

- Et quand tu auras fini, tu n’oublieras pas de remplir les documents qui sont sur la table de chevet !

Il prit la direction de la salle de bain. Il soulagea sa vessie, se lava les mains et se passa un coup d’eau sur la trombine. Il tenta de se coiffer avec l’aide de ses doigts mais il ne fit que rendre plus visible son épi. Pour le reste, ça attendrait qu’il soit chez lui.

- Je te les donne si tu me promets d’attendre l’autorisation de sortie ? Dit-il à la jeune femme en tenant les clefs de son appartement sur le bout de son index.

Bon, ok, Evelyn allait peut-être trop loin à tourner en rond comme elle le faisait que Caleb était obligé de la reprendre pour mettre un terme à tout ceci. Ce n’était pas sa faute. Elle ne s’imaginait pas se retrouver dans ces lieux, et en plus, en vie. Cela pouvait lui rappeler son accident ou sa sœur n’avait pas eu cette chance là. Non, Evelyn n’était pas rassurée.

La jeune femme se retrouva alors dans le fauteuil où Caleb avait passé la nuit et ce dernier la raisonna. Il fallait bien sûr qu’elle voit le medecin pour qu’il lui donne l’autorisation de sortir, la paperasse et encore … Evelyn se mordit la lèvre inférieure et elle avait envie de se maudire. Aux propos de Caleb, elle hocha la tête, elle avait bien compris le délire. Bref, cela dit, ce n’était pas le passage le plus marrant : Bienvenue chez les vivants !...

Elles auront p’tête quelque chose pour moi ! répondit-elle seulement la jeune femme, pour ainsi dire, si les infirmières pouvaient lui trouver une paire de chaussures, elles doivent avoir ça quelque part, parce qu’imaginer comment Evelyn était venue, donc il n’y aurait pas de chaussures à elle qui trainerait dans le coin, et puis surtout, elle ne voulait pas Caleb envoyer à perpette non plus lui acheter des pantoufles, si ça se trouvait, à son retour, elle serait de nouveau endormie…

Bref, à en croire Caleb déterminé, et surtout avec une patience pareil envers elle… il ne lâcherait pas le morceau ? Surtout qu’il lui fit découvrir que c’était lui qui avait les clés de son appartement. Normal puisqu’il avait pu récupérer ses affaires à elle… Calmée, comme au pied du mur, Evelyn le regarda un instant avant de lui répondre.

Promis … avant d’ajouter pour rassurer : je ne pense pas aller bien loin…

Si ce n’était que pour se resuicider là, maintenant… non ! Bref, elle lui répondit ce qu’il voulait entendre mais surtout parce qu’elle voulait partir, sortir de cet hôpital… Fuir, comme d’habitude.

Petit déj, le temps que le médecin passe et en même que la jeune femme remplisse les papiers, ça prenait un temps… En plus, Caleb qui essayait de lui trouver chaussure à son pied comme s’ils étaient dans un faux remake de Cendrillon… Et lorsque Caleb revint, le médecin finissait d’ailleurs de l’ausculter… et apparemment, Evelyn allait bien s’en remettre !

Et bien, Miss Morgan, vous allez pouvoir rentrer chez vous ! fit le médecin.

A entendre ceci, Evelyn avait envie de se relever du lit là où elle était assise pour bondir et courir vers la sortie mais il ne fallait pas trop se montrer impatiente. Le médecin se tourna vers Caleb :

Continuez à veiller sur votre fiancé...

Attendez là, est-ce que le médecin savait aussi ce qu'elle avait fait ou quoi ? Elle avait l'impression de revivre le même évènement qu'avec l'infirmière, précédemment... Et d'ailleurs, là, ce n'était pas "petit ami" mais "fiancé", bon ça viendrait presque du pareil au même pour désigner la personne... En tout cas, une chose était sûre, Evelyn se disait qu'une petite discussion sera à faire à un moment opportun mais pas ici. Le médecin s'en alla, tout était réglé. Il ne restait plus que Caleb et elle.

Ca y est... J'ai le droit de m'en aller !

Et de ce fait, pendant qu'ils étaient seuls et avant de faire quoique ce soit, Evelyn ne put s'empêcher de dire :

Avant, j'aimerais que tu saches que... Je sais que tu dois te poser des questions... lâcha-t-elle doucement, un peu perdue. Et je ne sais pas si j'aurais le courage de t'apporter une réponse... Mais j'apprécie le fait que... tu sois là.

Déjà que ce n'était pas évident pour elle alors en plus qu'elle impose ça à quelqu'un d'autre...

Caleb ne savait pas si ça allait fonctionner mais il se dit qu’elle se tiendrait peut être tranquille si elle avait en main son trousseau. Des fois, il suffisait d’avoir un objet en main pour se détendre, pour se dire que la maison n’était pas très loin. Mais il avait plus l’impression de faire du chantage à la jeune femme « si tu veux tes clefs, tu restes sagement assise jusqu’à ce qu’on te donne l’autorisation ! », ça revenait à dire « si tu pleures, t’auras pas de bonbons ». C’était complétement ridicule, il fallait bien l’avouer. Mais si ça pouvait l’apaiser de les avoir, autant les lui donner.

- Tiens ! Dit-il en les lui donnant.

Il s’éclipsa quand le médecin vint ausculter Evelyn. Il aurait pu rester vu qu’il se faisait passer pour son fiancé, mais il estimait que ce n’était pas sa place. Surtout que la jeune femme serait plus libre de parler si elle était seule. Durant ce temps-là, il partit à la recherche d’une paire de pantoufle pour sa Cendrillon.

Il patienta tranquillement près de la salle des infirmières, le temps que celle à qui il avait adressé sa requête fouille dans un placard. Elle finit par revenir avec une paire de couleur blanche en forme de lapin. Elle s’excusa auprès de lui et lui avoua qu’elle n’avait pas trouvé mieux. Il la remercia puis retourna auprès de sa prétendue fiancée.

- Vous pouvez compter sur moi, répondit Caleb au médecin.

Ce n’était pas forcément de sa part, mais il aurait probablement eu l’air d’un abruti s’il gardait le silence. Il ne manquerait plus que le docteur fasse un rapport, disant que c’était la cause de cette tentative : qu’il n’était pas assez présent, qu’il était trop exigent ou que pouvait-il savoir encore. Il ne manquerait plus qu’il soit convoqué par le psychologue de l’hôpital pour avoir un suivi individuel et de couple avec Evelyn.

Il se mordit l’intérieur de sa joue. Il n’y avait pas pensé à ce truc quand il s’était passé pour le fiancé de sa voisine, pour qu’elle ne se retrouve pas toute seule lorsqu’elle se réveillerait.

Il sourit quand Evelyn lui dit qu’elle pouvait enfin sortir. C’était sa façon à elle de lui dire, qu’il ne pourrait plus la retenir ici, plus longtemps.

- Oui, c’est ce que j’ai cru comprendre ! Répondit-il amusé. Tu devrais enfiler ça, ça serait idiot que tu reviennes parce que tu aurais marché sur un clou rouillé !

Il attendit qu’elle regroupe toutes ses affaires dans son sac, qu’elle passe les pantoufles lapins à ses pieds. Les chaussons avaient dû appartenir à une adolescente, mais ils ne détonnaient pas vraiment sur la jeune femme.

L’instituteur écouta attentivement ce qu’elle avait à lui dire. Il comprenait parfaitement ce qu’elle lui disait et savait que parfois on n’arrivait pas à expliquer les choses, de peur que ça ne devienne encore plus réel.

- Ne t’en fais pas, je ne te demande rien et je n’ai pas l’intention de te faire passer un interrogatoire ! Commença à lui dire le jeune homme. C’est normal, Evelyn ! Je savais que tu n’avais pas de famille sur New-York, je ne voulais pas que tu te retrouves toute seule à ton réveil.

Il prit d’office le sac de la jeune femme.

- Alors prête à rentrer ? s’enquit-il.

Il ouvrit la porte au moment ou un infirmier arriva avec un fauteuil roulant. C’était courant de sortir de l’hôpital dessus. Caleb se saisit des poignées du fauteuil après lui avoir donné le sac, puis partit en direction des ascenseurs. Ils le laissèrent à l’entrée et quittèrent l’établissement hospitalier. Le jeune homme héla un taxi et purent prendre la direction de la maison. Ils allaient au même endroit, seulement ils avaient un étage d’écart.

Il laissa Evy à son appartement, lui faisant promettre de monter ou de l’appeler si elle avait besoin de son aide ou de quelque chose. Il n’allait pas imposer sa loi, il fallait que la demoiselle se retrouve avec elle-même, qu’elle se remette de ses émotions.