Rdv chez le psy [PV - Terminé]

Depuis son retour d'Irak, Carmen était suivie par un psychologue. Celui-ci était situé en ville, et s'était associé à d'autres psy pour accueillir plus de personnes. Le cabinet en soi était sympa, les bureaux bien décorés. Et son psy était … normal pour un psy. Mais Carmen n'avait pas le choix. Son passé sur le champ de bataille plus le métier qu'elle exercait nécessitaient un suivi psychologique plus approfondi chez elle qu'un autre. Alors, pas le choix. Ce soir-la, Carmen s'était retrouvée dans la salle d'attente de son psy.

Elle était venue directement après le boulot. Vêtue d'un slim, de chaussures à talon, d'un haut gris et un tailleur noir, elle feuilletait un magasine qui traînait la. Un truc sur l'actualité scientifique, sur cette planète découverte … Rien de génial quoi. Les gens ne prenaient déjà pas soin de leur propre planète, alors qu'est ce qu'ils s'emmerdaient à chercher à aller sur une autre ? Enfin, c'était pas ses oignons. Après avoir entièrement feuilleté son magasine, elle le remit sur la pile, avant de soupirer.

Les bras croisés, elle regardait autour d'elle. Il y avait juste une autre personne dans la salle d'attente, une jeune femme. Carmen se demanda vaguement quelle était la raison pour laquelle elle pouvait se trouver ici. A chacun son histoire après tout non ? Si ça se trouve c'était un truc grave, genre une enfance houleuse, un père penché sur la boisson et tout … Bref, Carmen préférait ne pas se mêler de ce qui ne la regardait pas.

Puis, s'ennuyant, elle reprit un autre magasine dans le tas, un peu au hasard. Un truc sur les people, comment telle chanteuse était fringuée, comment une autre avait pris du poids, et comment l'autre en avait perdu. Alors, elle lâcha à voix haute :

Qu'est ce qu'ils sont cons dans ces magasines … pour perdre du poids y'a qu'à se bouger les fesses et arrêter de manger au fast food.

Pas de miracles ! C'est pas en mangeant des mygales ou en laissant des sangsues vous pomper le sang qu'on va ressembler à des filles photoshopées, qui elles-même ne ressemblent pas à cette fille photoshopée. Si vous voyez le truc.

Si Evelyn se trouvait ici, ce n’était pas parce qu’elle était folle. Loin de là. Cliché quand tu nous tiens lorsqu’on annonce qu’on va voir un psy ! Quoique, là, personne dans cette ville était spécialement au courant ! Cela ne faisait pas vraiment longtemps qu’elle était en ville et elle ne s’était fait pour le moment que des connaissances. Après, pour les considérer comme des amis, c’était tout autre chose. La Miss Evy était loin d’être le genre de personnes à se confier aussi facilement, et surtout sur ce qu’elle pouvait ressentir, surtout quand ça concernait l’histoire de sa sœur décédée. Cet épisode remontait à loin mais après cet événement, elle avait été suivie par un psychologue et surtout par son oncle Jack. Pensant avoir plus besoin d’un psychologue, Evelyn avait toujours pu compter sur son oncle mais malheureusement, il était décédé dernièrement… Lui aussi ! Lui aussi, il était parti.

Et maintenant, Evelyn était de nouveau là… Encore un besoin ! Elle pensait ne plus avoir besoin, d’en avoir fait le deuil du décès de sa sœur mais elle avait tort. Les rêves qui lui faisaient tout ressasser, lui faisant revoir la mort de sa sœur, lui étaient revenus dernièrement. L’ayant perturbé, la première chose dont elle avait pensé était d’en parler à quelqu’un, à une personne … et la meilleure idée qui était venue à l’esprit : un prêtre… Mais ce jour-là, elle s’était rendue compte qu’elle ne s’était pas retrouvée face à un prêtre mais face à un parfait inconnu. Bon, le prêtre était un inconnu à la base… Mais il fallait prendre la chose que cet inconnu n’était pas prêtre. Vous suivez ? Et encore, suffisait-il qu’elle s’en arrête jusque-là… C’était peut-être pour ça que la jeune femme avait opté de se retrouver ici, et évidemment… pas pour coucher avec le psy !

Après le boulot au Musée, elle n’eut le temps de rentrer chez elle, elle avait encore une tenue plus ou moins stricte et correcte du musée. A cette heure-ci, il semblerait qu’il n’y ait pas grand monde dans la salle d’attente… Quoique, si c’était pour attendre, les psys devaient être bien pris, mais elles étaient deux à attendre leur propre psy. La patience n’était pas une vertu disait-on ? Jouer à Candy Crush sur son portable aidait à passer le temps. Soudainement, Evelyn entendit l’autre jeune femme pester toute seule.

Il y a encore des gens qui croient aux pilules roses !

Non, ce n’était pas comme si de voir ses bonbons dans son jeu qui lui influençait le cerveau. Mais c’était spontané ! D’ailleurs, elle venait tout juste de perdre une vie. Merdouille ! Sur ce, Evelyn regarda son interlocutrice et lui fit un petit sourire.

C'était sorti spontanément.

Non, elle n'allait pas s'en vouloir d'avoir en quelque sorte répondu. Ce n'était pas comme si la jeune femme - qui semblait avoir son âge - n'avait pas parlé toute seule, non plus !

Carmen s'attendait à ne pas avoir de réponse quand à sa phrase lancée comme ça. A la limite que la jeune femme allait la regarder bêtement avant de se reconcentrer sur son telephone et sur sa vie. Non, elle lui avait répondu spontanément. Et s'en excusait presque. C'était-il pas mignon ?

Pas de soucis, je crois qu'on est deux à s'ennuyer.

Oui l'observation était une de ses nombreuses qualités. En même temps, à part bouquiner, pianoter sur son téléphone, que pouvait-on faire d'autre dans une salle d'attente ? En plus une salle d'attente d'un psy... On ne sait pas pourquoi les autres personnes présentes, enfin pour le coup, pourquoi la jeune femme en face d'elle était la. Peut être était ce une débile mentale, qui sortait de prison y'a peu pour avoir découpé des bébés chats... Après tout... il en faut de tout pour faire un monde non ? Mais Carmen n'allait pas lui demander pourquoi elle était la. Comme si elle allait piquer le job des psy ! A chacun sa croix comme on dit.

Vous sortez du boulot non ?

Puisque la jeune femme était tout de même bien habillée, qu'elle présentait bien, tout ça quoi. A moins que Carmen ne se trompe et qu'elle s'habillait comme ça tous les jours. Y'a des gens comme ça après tout ! Carmen disait ça aussi, parce qu'elle même ça devait se voir que c'était le cas. Même si pour sortir elle faisait un minimum attention, elle aurait porté des habits disons moins stricts que la. Que voulez-vous.

Je ne sais pas pour vous, mais finir ma journée par un rendez-vous chez le psy … c'est déprimant !

Paradoxal non ? Généralement on y va parce qu'on est déprimé ou autre chose comme ça, pas pour se miner le moral. Enfin Carmen n'avait pas le choix, elle était obligée d'être suivie, sinon elle aurait des soucis au boulot. Oui, quelle plaie de prouver à tous qu'on est stable mentalement. Ou presque.

L’ennui envahissait les salles d’attente, surtout quand il y avait trop d’attentes. Enfin cela, il ne fallait pas se leurrer. Et quand on n’avait plus de vie dans Candy Crush, c’était l’horreur qu’il fallait attendre une demi-heure pour en avoir une nouvelle vie. Ces jeux-là n’étaient pas du tout salopard. Bref, il fallait prendre son mal en patience – et c’était peut-être bien le cas de le dire – et elles n’étaient que toutes les deux pour le moment, les deux dernières de la journée, sans aucun doute. A penser que c’était la fin de la journée, les psychologues n’en avaient pas marre et ne pouvait pas rentrer chez eux directement ? Bon, Evelyn était là de son plein gré, tout en sachant qu’il y avait quelque chose qui clochait chez elle et qu’elle ne s’en sortait pas. Ce n’était pas comme si le fait d’aller voir ce genre de personnes pouvait faire plaisir en soi. Si Evelyn arrivait à se faire un réseau social, ça pourrait être pas mal non plus car depuis la mort de sa sœur, elle s’était plutôt renfermée sur elle-même.

Effectivement, je sors du musée, répondit Evelyn, poliment. J’ai pas eu le temps de rentrer chez moi pour me changer.

Puis elle se redressa pour se retrouver une position confortable sur sa chaise, pas qu’elle s’endormirait sinon mais presque.

Vous aussi, je suppose ?

C’était d’une logique. Enfin ce n’était que pour lancer la conversation quelque part. Après tout, l’idée de discuter ne lui déplaisait pas forcément. Au moins ça laissait le temps passer un peu plus vite et imaginer qu’une demi-heure défile pour gagner une vie de Candy Crush, ouais, le marché semblait concluant.

J’approuve ! Même si pour ma part, je viens de plein gré !

Enfin, pour discutailler, elles allaient raconter leur vie entre elles ? Peut-être était-ce qu’elles se prennent pour leur psy et puis elles s’en iront.

Enfin, qui de nos jours se fait une joie d’aller voir un psy !?

Croisant les bras, appuyée contre le dossier de sa chaise, Evy en baillerait. Normal d’être fatiguée quand la journée avait été longue qu’elle préférait être dans son canapé à la place avec une tasse de thé.

On s’en fait tellement un stéréotype de nos jours.

Et Evelyn en serait presque d'accord. Parce que ce n'était pas le premier psy qu'elle venait voir. Bon, elle en avait eu un régulier à l'époque à Louisville mais le fait de changer de psychologue pouvait sûrement aider. Celui-là était peut-être mieux, meilleur.

Arf ! Venir ici directement après le boulot, il fallait dire qu'il y avait mieux pour terminer une journée. Carmen aurait bien prit un bain la, avec une tasse de thé et un bon livre par exemple. Ça lui aurait bien plus plu que de devoir parler à un psy, juste pour prouver qu'elle vivait bien l'après guerre. Quelle vie... Enfin, la jeune femme disait travailler dans un musée. Intéressant.

Oh vous travaillez dans un musée ? Lequel si je puis me permettre ?

C'était pas la mort si elle demandait ça hein ? Et elle avait bien vu, elle aussi sortait tout juste du boulot.

Eh oui, directement ! A peine le dernier dossier de rangé que me voilà ici.

Pas très excitant hein ? Ah la jeune femme venait d'elle même ici ? Et bien elle devait être plus stable dans sa tête que Carmen ! Peut importe ce pourquoi elle était la, le simple fait de réaliser qu'on a un soucis et demander de l'aide était un pas en avant vers la guérison, le pardon, ou elle ne savait quoi.

Oh, rares sont les personnes qui viennent de leur plein gré quand même. Mais c'est déjà un bon pas en avant je suppose non ?

C'est ce que son psy avait dû lui dire. Accepter qu'on a besoin d'un coup de main était déjà beaucoup. Et ça, c'était pas Carmen qui allait l'avouer. Pour elle, dans sa tête, elle allait très bien. Ce que personne ne semblait comprendre, c'était son besoin vital d'adrénaline au quotidien. La monotonie de la vie citadine était trop ennuyeuse pour elle, et ça la tuerait sûrement. Voilà pourquoi elle était prête à aller voir le psy autant qu'il le faudra pour garder l'un des seuls métiers qui lui offrait ça. Et la jeune femme avait bien raison de penser ça, comme quoi, peu de gens éprouvaient de la joie d'aller voir un psy.

Je ne vous le fait pas dire … Enfin il y a toujours des gens pour qui leur psy est leur seul ami, la seule façon de parler à quelqu'un.

C'est triste mais c'est comme ça.

Vous venez d'ou au fait ? Je veux dire … vous êtes née à New York, ou comme 90% des new yorkais vous venez d'ailleurs ?

Sérieux, elle n'avait pas rencontré grand monde ici qui venait de cette ville même.

Généralement, lorsqu’il y avait « musée » dans une phrase, ce n’était pas forcément ce que les gens relevaient. Enfin tout dépendait lesquels évidemment ! Une partie s’en fichait pas mal, ça leur faisait une belle jambe ! Ce n’était qu’un lieu parmi tant d’autres mais surtout un lieu ennuyeux ! Mais à d’autres, s’en intéressait et était ouvert d’esprit. Enfin de toute manière, chacun avait ses propres lobbies et on n’allait pas leur en vouloir ! En tout cas, les musées, ce n’était pas ce qui manquait à New York entre les musées artistiques, du design ou bien des sciences naturelles et bien pour Evelyn, ce n’était que le musée américain d’histoire naturelle.

L’un des plus grands musées, le musée d’histoire naturelle, répondit Evelyn

Le fameux musée qu’on ne pouvait pas louper dans le quartier de l’Upper West Side, face à Central Park. C’est un musée qui date de plus d’un siècle puisqu’il fut ouvert en 1877. Il emploie jusque là 1200 personnes (comptant parmi eux 47 conservateurs, et 200 chercheurs scientifiques), finance également chaque année une centaine d’expéditions scientifiques, contient 45 halls d’expositions permanentes et deux laboratoires moléculaires et sans oublier qu’ils renferment plus de 36 millions de secrets dans les spécimens. Bref, on n’en avait pas fini de tout ça, d’autant plus quand on comptait également le nombre de conférences, films, ateliers… Tout ça était très conséquent ! (Merci Wikipédia !)

Et vous, vous êtes dans… ? demanda-t-elle, curieuse.

Il n’y avait rien de mal de renvoyer la question, après tout. Elles étaient toutes les deux à essayer de passer l’ennui qu’offrait joyeusement la salle d’attente. Sur ce, comme Evy venait de son plein gré… oui, ça devait sûrement surprendre puisque la nature humaine faisait en sorte qu’elle n’en avait pas besoin de cette aide à cause de leur fierté. Quoique, qui le reconnaissait honnêtement et ouvertement ?

Je dirais plutôt qu’on serait bien surpris de la réalité !

Et encore, parler à un psy comme s’il était le seul ami sur terre, ce n’était pas complétement faux. Evelyn n’était pas du genre à s’en faire facilement. Quoique si, qu’on puisse se confier à elle était une chose mais que la balance s’inverse, jamais de la vie. La jeune femme restait une mystérieuse de la nature, c’était tout ! Elle pouvait être sociable, parler de la pluie et du beau temps mais au-delà de ça, c’était le risque de se retrouver face à un iceberg. Et ce moment présent ne pouvait pas être le meilleur exemple. Bien que de retrouver face un inconnu comme là, c’était tout aussi normal.

Je viens du Kentucky, précisément de Louisville.

Pour ainsi dire, Evelyn ne pouvait pas faire plus simple ! Louisville était tout aussi une grosse ville que la Big Apple et ce n’était pas la porte à côté, à une dizaine d’heures de route à peine avec plus de 700 miles.

On ne peut pas faire les choses à moitié dans les 90% ! Vous n’êtes pas New Yorkaise, non plus ?

Fallait-il être une détective Columbo pour le deviner… Savait-on jamais !

Vous connaissez beaucoup New York ? Je suis arrivée y’a pas bien longtemps et je n’ai pas encore eu l’occasion de bien poser mes marques.

Cela faisait peut-être un peu suspicieux de venir à New York et dans les premiers temps, aller droit chez le psy! Mais bon, il y avait tellement de raisons qu'elle n'avait pas forcément obligée de le savoir... A l'observer, enfin du moins à voir comment le courant passait, elle lui paraissait très sympathique et très ouverte à la conversation. Bon, cela ne voulait pas dire qu'elles seraient toutes les deux de grandes amies, cela pouvait très bien rester une simple connaissance, une simple rencontre... Surtout qu'elles semblaient avoir toutes les deux le même âge, bien que l'habit ne faisait pas le moine.

Je suis Evelyn, se présenta-t-elle alors.

Et bien dites donc, un musée d'histoire naturelle ? Bon, ça avait l'air intéressant pour ceus que ça intéressait. Carmen n'était pas une grande fan de musée. Si elle pouvait éviter d'y mettre les pieds c'était avec joie. Pour se cultiver elle préférait les livres ou les reportages. Ce qu'elle faisait elle ?

Je travaille au FBI. Dans la branche de la lutte antiterrorisme.

Tout ça ouais. Du coup si la nana prévoyait de faire sauter un immeuble, c'est à Carmen qu'elle devrait se fritter. Mais bon, très heureusement, ces débiles ne couraient pas les rues. Encore heureux tiens. Même si hélas, il y en avait encore trop. La jeune femme lui indiqua la ou elle était née. C'était pas vraiment à coté. Enfin, pour elle non plus, même si elle n'y avait pas mis les pieds depuis un moment. Depuis ses trois ans en fait.

Bien pour ma part je suis née à Miami. Mais pour être franche, je n'en n'ai pas de grands souvenirs, on a beaucoup déménagé.

Merci papa et ses addictions … Enfin bref. Si elle connaissait beaucoup la ville ?

Ça fait huit ans que je suis ici, donc, j'ai eu le temps de découvrir la ville, même si il me reste beaucoup d'endroits à visiter.

Mine de rien la ville était immense, et tous les jours se fermaient des lieux et d'autres ouvraient. Certains étaient détruits, d'autres se faisaient. Bref ça bougeait tout le temps. C'était peut être pour ça que Carmen ne pensait pas partir d'ici avant longtemps. Cette ville lui correspondait. Dans une petite bourgade dans la campagne, elle deviendrait folle.

Si vous cherchez de bonnes adresses, je peux vous en donner.

Pour aller danser, manger, rencontrer des gens (ailleurs que chez le psy), elle pouvait lui demander, Carmen connaissait quelques bons coins. La jeune femme se présenta alors, Evelyn.

C'est un joli prénom. Moi c'est Carmen.

Voilà, les présentations étaient faites ! Cependant, leur conversation dû prendre fin. La porte du psy de Carmen s'ouvrit, laissant en sortir le patient précédent, et apparu le médecin qui l'appela.

Miss Juraquille s'il vous plaît.

Carmen hocha la tête et se leva, pendant que le psy l'attendait à l'intérieur du cabinet. Avant, elle se retourna vers Evelyn et la salua :

A un de ces jours peut être !

Et espérons pas forcément chez le psy.