L'amitié ne commence pas forcément toujours bien [Terminé]

C’était partie pour une nouvelle année dans ce lycée Saint-James, soit en terminale, sa dernière année. Dernière. C’était ce qui importe dans l’esprit de Caroline car c’était la dernière ligne droit avant de quitter cet endroit de bourges. Et oui, la jeune adolescente n’était pas forcément du genre à apprécier ce lycée : en fait, c’était plus les gens, l’univers que les cours en eux même. Les cours, ça allait puisqu’elle était du genre studieuse même si on ne le dirait pas vu qu’elle se donnait une réputation de pipelette et de commère, elle cachait ses facilités.

Ce qu’elle aurait apprécié, c’était de passer sa terminale, sa dernière année à l’étranger, soit l’Angleterre mais ce n’était pas possible. Sa mère ne lui permettait pas. L’excuse : la famille n’avait pas les moyens. Caroline entendait sa mère lui dire qu’elle devrait profiter de sa bourse dans cette école et qu’elle devrait se rendre compte de sa chance. Bon, ok, Caroline s’en était fait une raison, mais un jour, elle toucherait son but quand elle aura la liberté de faire ce qu’elle envisageait. Pour l’instant, Caroline devait prendre sur elle et subir cette année, sa dernière année. En même temps, ce qui la remotivait et ce qui lui mettait du baume au cœur était qu’elle passait l’année scolaire avec sa cousine Jordan. Cette dernière, venant de Las Vegas, l’avait rejoint l’année précédent en cours d’année scolaire puisqu’elle déménageait ici, à New York, chez son père. Pour dire, il n’y avait rien de mieux pour profiter d’elle un peu tous les jours, quotidiennement et non tous les 36 du mois.

Et pour cette année, Caroline avait décidé de s’inscrire aux cours de théâtre en activités extra-scolaire pour changer. Le temps que la fermeture des inscriptions se fasse et que ce soit complet, le cours se retarda à commencer et ce, en octobre. Alors vint le premier cours, les élèves attendaient leur prof dans la salle de théâtre. Son amie Karen venait la retrouver et s’assit à côté d’elle, prête à bavasser. D’ailleurs, ce fut elle la première qui remarqua la nouvelle. En fait, y’avait parfois tellement de nouveaux que Caro ferait presque plus vraiment attention, cela dit, Caroline suivit le regard de Karen et remarqua alors la présence d’une blonde. Karen semblait l’avoir déjà aperçu :

Je l’ai vu sympathiser avec Naëlle, l’autre jour … Ah elle ne sait pas choisir ses amies …

Caroline fronça les sourcils. Oh oui, celle-ci ne cachait pas qu’elle ne portait pas Naëlle dans son cœur et ce, pour plusieurs raisons.

Hey … ma cousine est amie avec, je te rappelle, répliqua Caroline.

Même si dans un sens, elle avait l’air de défendre la blonde, ce n’était pas pour autant qu’elle décidait de s’en faire une amie pour le moment. Il faudrait déjà qu’elle lui adresse la parole.... Cependant, les deux filles qu’elles étaient en ce moment même ne faisaient pas gaffe si la nouvelle les entendait. La discrétion n'était pas forcément leur point fort. Il n'empêche que Karen s'était mise à regarder la nouvelle de haut, s'apercevant qu'elle s'était faite remarquée :

Tu veux ma photo ? fit Karen en s'adressant à la nouvelle.

Karen commençait bien, si elle commençait déjà par « agresser » verbalement la nouvelle. Caroline lui donnerait presque un coup de coude pour la remettre à l’ordre mais en même temps, elle pouvait parler parce qu’elle n’était pas loin d’être différente non plus, à quelque chose près. C’était un peu pour ça que Karen et elle s’entendaient bien, car il n’y avait pas une pour rattraper l’autre à être aussi mauvaise langue. Des gens du lycée les appréciaient comme d’autres pouvaient les détester.

Tous les élèves arrivés, le prof arriva à son tour et le cours pouvait alors commencer. Ils étaient tous en cercle, afin de commencer le cours par les présentations. La nouvelle se présentait comme une certaine Natasha, adorant les improvisations. Bon, il fallait bien croire que ce n’était pas la première fois qu’elle faisait du théâtre. Comme elle. Enfin, ça, c’était lorsqu’elle était à Portland, mais elle avait arrêté en venant ici. Bref, sur ce, après que Karen se présentait, c’était à elle :

Je suis Caroline. J’ai 16 ans. C’est la première fois que je pratique le théâtre…

Bon allez savoir si elle allait se trouver des talents de comédiennes, alors autant tenter. De toute manière, s’il y avait bien quelque chose qui n’allait pas, elle allait bien compter sur la prof pour le lui dire. Elle était bien avant tout là pour apprendre. Les présentations finies, l’improvisation pouvait commencer et bizarrement, il fallait que Mme Franks choisisse la nouvelle et elle pour commencer. Caroline lui lança un regard. A vrai dire, c'était difficile de savoir si cette idée de jouer avec elle lui plaisait ou non.

Sortant sa boule magique, la prof demanda à Caroline de tirer un papier pour découvrir un thème dans le but de donner un contexte à l’improvisation, et de voir ce que les deux comédiens pouvaient en tirer sur le moment.

Avion, lut-elle.

Bon, ok. Allons pondre un truc avec ça. Autant faire le remake du clip d’O-zone avec leur « Dragostea din tei », non ? Ce n'était pas marrant de danser sur les ailes de l'avion ?

Sur ce, autant placer deux chaises seulement sur la scène, histoire d’avoir l’impression d’être dans un cockpit. Caroline s’assit sur une des deux chaises.

Ca y est, on décolle ! lâcha Caroline, jouant son rôle. Ah, rien de mieux d’être dans les airs ! Bref, dis-moi, Frankie, ça fait combien temps qu’on travaille ensemble ? Et t’es toujours pas marié ?

Oui, la logique de passer du coq à l’âne, ou plutôt rien de mieux qu’une discussion en plein air.

Quand on parlait d’improvisation, on faisait de l’improvisation. La première qui avait une idée se lançait, non ? Et l’autre suivait comme elle pouvait, continuant le jeu du ping pong. Ce n’était pas le but ? Caroline avait foncé la première. Après tout, pour ce qui était avion, il n’y avait pas énormément de choix. Quoique… si. Ca pouvait très bien se passer dans un aéroport, à l’attente de son avion, jouant deux mémères dans la salle d’attente. Ou soit être des pilotes d’avion, ou simplement des passagers… Ou encore deux pilotes d’un avion personnel, deux collègues de boulot qui semblaient bien se connaître depuis tout ce temps et ne semblaient pas s’apprécier… Voilà la tournure que toute cette histoire prenait. Caroline avait pris l’initiative, et en tout cas, sa binôme semblait avoir du répondant. Après tout, elles ne jouaient qu’un rôle mais il semblait que le fait qu’il y ait un peu d’animosité entre elles les rendait un peu plus convaincante. Oh, Caroline n’avait rien demandé. Vraiment.

Oh… Elles ne sont plus comme elles te conviennent, non ?

Après tout, ce cher Frankie, ce coureur de jupon… S’il pouvait se caser un jour, jamais. C’était le goût de la liberté. Au moins, c’était un sujet dont Caroline – ou son rôle - pouvait un peu charrier. De toute, ce n’était pas bien difficile puisque dans ce lycée, Caroline jouait un autre rôle de ce qu’elle était véritablement. La méchante pipelette à potins… Mais en réalité, elle était peut-être réellement curieuse de nature mais elle était loin d’être méchante de ce qu’elle laissait paraître.

Des marmots ? Je n’en veux pas. Ca pleure tout le temps… ça ne sert à rien…

Quelle image, hein ! Si on ne créait pas deux personnages tellement antipathiques en ce moment même. En tout cas, leur jeu semblait faire rire un peu les autres qui observaient la scène.

Bref, revirement de situation, voilà que « Natasha » voulait qu’ils s’écrasent.

Ah ! Laisses-moi gérer, Frank… Arh, Jésus Christ! lâcha-t-elle en finissant par jurer.

Bref, ça sert peut-être à rien de se battre car il était trop tard… Puisqu’ils s’écrasaient réellement, se retrouvant dans la mer.

*Plouuuuuuuffffftche.*

L’imitation de ouf mais pour démontrer la chose, Caroline se retrouvait par terre, essayant de nager. Mais il se trouvait que Caroline fit semblant de se noyer.

Au secours, au secours !

Franchement, c’était un mini-sketch… très comique ! Cela dit, Caroline ne s’attendait pas forcément que ça puisse autant coller en réalité… Aussi, il fallait dire qu’elle ne la connaissait ni d’Adam ni d’Eve et qu’elles étaient toutes les deux-là pour suivre un cours et faire l’exercice demandé. Point barre. Mais au moins, l’une comme l’autre était à l’écoute de l’autre pour suivre le mouvement, et d’avoir une suite cohérente bien que c’était totalement délirant et parachuté. Natasha, alias Frankie, venait la sauver de sa noyade. Une belle fin, n’est-ce pas ? Une sacrée chute !

Au moins, ça avait permis des félicitations de la prof qui avait plutôt bien apprécié. Pour un début, c’était pas mal, hein ? Mais il fallait qu’une couche se rajoute à ça. Cette Natasha et elle allaient être en duo toute l’année ? Caroline finit presque par s’étrangler. Elle qui pensait que peut-être que tous les élèves allaient tourner, pouvoir jouer un peu entre eux, pour voir si ça pouvait marcher aussi, car ils étaient tous différents. A côté, Karen qui avait aussi entendu la « nouvelle » prit un air dépité. Evidement, celle-ci aurait bien apprécié être en binôme avec son amie. Ce fut sûrement bien elle qui prit mal la chose qu’elle fusilla du regard la nouvelle.

Bien, apparemment, Natasha ne mordait pas, Caroline ne put s’empêcher de répliquer :

Moi, peut-être que si.

Elle ne voulait pas être méchante mais elle n’était pas forcément là pour faire ami-ami, seulement participer au cours, et c’était tout. Sur ce, l’improvisation passée, il fallait laisser la place aux autres sur scène. Trois autres duos se formèrent : le premier passait leur improvisation sur le thème « mystère », le second sur « chaussure » et le dernier « radiateur ». Pour dire, Caroline se disait être chanceuse d’être tombée sur « avion » qui était bien inspirant… Quoique, le côté mystère aussi était sympa. Quoique, on pouvait faire pas mal de choses avec tout ça, et les couples se débrouillaient bien. On pouvait quand même passer un sacré moment de rigolades. Son amie Karen était passée en duo avec un mec pour le coup de la chaussure. Ils avaient réussi à trouver le moyen de faire genre que si tu frottais LA chaussure ferait le même effet qu’une lampe magique, soit qu’un génie allait en sortir.

Sur ce, de tout ça, la prof fut plutôt « satisfaite » dans l’ensemble. Bien qu’elle n’hésitait absolument pas de faire certaines critiques, certains commentaires. Ce n’était que le premier cours et elle ne s’attendait pas forcément que tout soit parfait. Le plus important était le résultat à la fin. Ensuite, elle expliqua qu’il y aura un spectacle à la fin de l’année, et qu’elle avait toujours des textes sous le coude, qu’elle trouverait toujours le moyen de trouver une pièce à leur faire jouer mais en premier lieu, elle aimait bien que les élèves fassent des propositions, des recherches par eux-mêmes.

Avez-vous peut-être des idées ? interrogea-t-elle puis quand elle n’eut pas trop de réactions : Vous avez quelques semaines pour réfléchir, ça vous laissera le temps de fouiner, de lire des pièces … et j’attendrais vos propositions. Au pire des cas, j’ai toujours quelque chose mais j’aime bien quand ça vienne de vous.

Aimant la littérature, Caroline lisait quelques petites choses par-ci par-là (oui ça arrivait à Caroline de lire des choses plus intelligentes que les magasines de mode ou les petits potins sur les stars…). Quoique, elle demanderait plus à sa mère car c’était plus elle qui lisait des pièces de théâtre. Caroline était plus dans les romans.

Le cours continua son fil en faisant pas mal d’exercices, d’entraînement, etc. Pendant les exercices en commun, on pouvait dire que Karen n'était pas très tendre avec Natasha. Caroline, à côté, paraissait être un agneau puisqu'elle la snobait à moitié. Et c’était reparti pour une dernière improvisation, un petit dernier avant de tous se quitter. Evidement, Caroline et Natasha se retrouvait de nouveau ensemble, et c’était à Natasha de piocher le thème.

A sa réplique, Natasha le prenait comme elle le voulait, ce n’était pas son problème. Allez comprendre pourquoi elle réagissait comme ça. Peut-être était-ce physique ? Caroline ne saurait donner une explication pour le moment. C’était vrai que ça avait démarré avec Karen qui l’avait directement dévisagé et critiqué pour la bonne raison que Natasha sympathisait avec Naëlle, le genre de fille que Caroline n’avait pu supporté jusque-là…. Tout simplement parce que Connor avait préféré autour d’elle. Oui, Caroline en avait été jalouse. Et en ce qui concernait Natasha, Caroline n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Encore. Et si elle répliquait ceci, ce n’était pas pour lui faire peur loin de là, mais Caroline ne cherchait pas forcément à se faire des amis. En vue de sa réputation, Caroline n’était pas du genre à se faire apprécier.

Au niveau des exercices, Caroline appréciait tous ces petits jeux différents. Après tout, c’était vraiment le genre de choses où on pouvait exprimer quelque chose sans véritablement jugé, on pouvait être facilement une autre personne, autre personne qu’elle jouait tous les jours, donc ce n’était forcément trop difficile. Caroline put, avec la pomme imaginaire, apprendre certaines choses sur les membres de cette troupe, notamment sur Natasha où elles semblaient avoir elles-deux un point commun : la littérature.

Le cours touchait bientôt à sa fin. Dernier exercice : les improvisations avant que tout le monde se quitte et évidemment, Caroline se trouva de nouveau face à Natasha où elles tombèrent sur le thème « amour ». Super, limite, elle préfèrerait le thème « avion » mais c’était ce thème qui les avait transformés en bon duo. Assises sur les chaises, face à face, ça démarrait déjà. Apparemment, Caroline jouait les mecs infidèles. Qu’est-ce que c’était ce string ?

Ah ça…

Oui, ça !

Je ne sais pas, mon cœur. Je me demandais si toi, tu pouvais me l’expliquer ! Je l’ai trouvé dans tes affaires et il ne me semble pas t’avoir vu le porter… Ne serais-tu pas en train de changer de bord ?

Natasha avait peut-être voulu une affaire d’infidélité, Caroline eut la magique idée de renverser la situation. Ce quiproquo était plutôt fun. Heureusement que ce n'était qu'un jeu.

Ola. Caroline se rendait compte qu’elle avait peut-être réveillé une bête. Même si ce n’était qu’un jeu, c’était le cas de le dire et Caroline n’allait pas en tenir rigueur, mais au moins ça démarrait fort dans leur jeu et si ça continuait ainsi toute l’année ? Ca allait être beau ! Le seul regret était peut-être que l’improvisation était expéditive. C’était drôle, non ? Le personnage qu’incarnait Caroline avait donc trompé sa femme, et encore ils avaient une fille et apparemment ça ne serait pas la sienne. Quel retournement de situation ! Le genre de situation sortit tout droit d’un soap.

C’est ça, bitch ! avait répliqué « Paul », le personnage de Caroline. Toujours en train de faire des conclusions hâtives.

Et non, ce Paul n’allait rien assumer quoique ce soit, face à une tigresse pareille si ce n’était pas pour dire qu’elle était tout simplement folle.

Avoues que tu cherches seulement la première excuse qui vient pour me quitter, Anne-Charline !

Magnifique couple, non ? Et oui, Paul accusait sa femme de ne pas avoir le courage de le quitter plus tôt. Lui non plus. Bref, c’était un couple fou et sadomasochiste, sûrement ! Et tu parles d’un amour … Un amour très représentatif.

C’est ça, c’est pas ma fille ! Tu me l’as assez répété. Cela dit, je suis persuadé que demain tu reviendras me voir en rampant ! Tu ne peux pas te passer de moi !

Caroline regarda sa camarade sortir de scène. Pour jouer le mec salopard, elle savait bien le jouer, c’était plutôt drôle. Ca changeait du pilote qui était en train de se noyer en plein milieu de la mer.

Ah les femmes ! Toutes les mêmes ! lâcha Caroline faisant semblant de lire un journal et finit par sortir de scène elle-aussi.

La journée finie, comme tout le monde, Caroline partit récupérer ses affaires. Karen la rejoignit pour discuter mais aussi pour critiquer. Son amie n’en revenait pas. Pour le cours de théâtre, il lui était inconcevable de passer toute l’année sans avoir une improvisation sans elle. Au moins, c’était une bonne excuse pour bien critiquer et descendre la nouvelle portant le nom de Natasha. Il fallait bien croire que ce soit radical pour Karen. Quant à Caroline, vis-à-vis de Natasha, elle s’en foutait. Même si le fait qu’elle ne montrait pas une once de sympathie envers elle, d’un autre côté, elle s’en fichait royal. Ce n’était pas elle qui allait en faire tout un plat.

Caroline détestait ce lycée de bourge. Elle en voulait à ses parents de l’avoir mise ici seulement parce qu’ils leur semblaient que ça serait le lycée idéal pour elle pour concevoir le meilleur pour elle. L’adolescente avait certes des facilités (d’où on avait pu lui accorder une bourse pour ce lycée) mais elle avait du mal à côtoyer. Issue d’une famille de pêcheur, elle était loin d’être la fille riche comme la majorité des gens ici (bien que ce n’était pas écrit sur le front des gens vu que chacun portait un uniforme du lycée). Du coup, elle prenait vite les gens de haut.

Devant le lycée avec Karen, celle-ci lui proposa de la ramener mais Caroline refusa. Son frère Steve, normalement était censé passer la prendre, s’il ne l’avait pas oublié la moitié du temps. De Manhattan au Bronx, ça faisait une petite trotte quand même. Karen la lâcha, traversant la rue pour monter dans une voiture. Quant à Caroline, elle cherchait du regard où savoir où était son frère mais le sachant non ponctuel, elle pouvait un peu attendre… Et c’était le cas car à regarder les messages sur son portable, Steve la prévenait qu’il ne pourrait pas la prendre.

Et merde …

Cela dit, elle ne s’attendait pas à ce qu’on lui adresse la parole, et notamment de la part de Natasha. Caroline s’étonnait presque qu’elle lui propose de la ramener. A savoir que recevoir autant de gentillesse d’une personne qu’elle ne côtoie pas n’était pas bien dans ses habitudes.

T’es bien gentille pour la proposition mais ça ira … fit-elle avec un petit sourire.

Pas que ça lui écorchait la gueule de dire une « gentillesse » mais presque. Après tout, c’était gentil de la proposer, elle ne pouvait pas le proposer mais d’une autre manière, elle ne voulait pas non plus montrer qu’une fille comme elle avec une sacrée réputation était aussi le genre de fille à vivre dans le Bronx.

Sac sur l’épaule, Caroline voulut passer son chemin mais au final, elle finit par s’arrêter et se retourna vers Natasha.

En fait, Natasha… j’accepte…

Pourquoi changer d’avis radicalement ? Caroline ne le savait pas elle-même à vrai dire. Peut-être que c’était son jour où elle décidait de devenir … agréable. Et non, ce n’était pas pour profiter d’elle et ne pas pouvoir rentrer à pied. Et peut-être était-ce aussi son cerveau mal tourné à choper des informations sur Natasha… Non, en fait, ça ne prenait pas forcément cette tournure, car d’une certaine manière, ce n’était pas comme si elle n’allait pas passer une année de théâtre avec elle.

Enfin, si ça tient toujours ?

Si elle ne changeait pas d’avis aussi vite comme elle, tel un Cow-boy. Caroline se pinça la lèvre inférieure pour voir sa réaction.

Finalement, Caroline avait décidé d’accepter la proposition de Natasha. Certes, ce n’était pas forcément pour de bonnes raisons. L’adolescente était loin d’être blanche comme neige. D’une part, elle avait certes accepté parce qu’elle n’avait pas envie de rentrer à pied. C’était une profiteuse ! D’autre part, parce que cela permettait de combler sa curiosité mal placée.
Le fait qu’elle vit dans le Bronx, Caroline ne devait pas spécialement en avoir honte si Natasha le savait car elle devait le savoir d’avance tout en sachant qu’elle était « amie » avec sa cousine Jordan, qui elle, vivait également dans le Bronx ; l’information avait dû circuler. Donc, Caroline pouvait parler sans problèmes sans avoir peur que Natasha apprenne et sache qu’elle vivait dans un quartier non huppé.

Cela dit, Natasha lui parla de Bertrand. Qui c’était ? Son frère ? Un copain ? A son air interrogateur, la blondinette lui répondit directement à sa question muette. Un chauffeur, tiens donc ? Ah mais carrément ! Caroline apprit au passage qu’elle n’avait pas le permis non plus et que ça ne l’intéressait pas. Bon, ça ferait presque plaisir d’avoir des informations sans avoir poser de questions.

Ah d’accord…

Arrivant sur le parking, Caroline serait presque étonnée de voir arriver une limousine. Presque. Elle devait le voir aussi arriver cette chose-là. Une limousine pour une Natasha toute seule ? Oui, cela surprenait un peu Caroline car elle n’était pas de ce monde-là et elle n’avait jamais eu l’occasion de monter dans une limousine.

Bon, autant s’approcher du chauffeur pour aller lui dire où elle vivait, et au passage, Caroline ne put s’empêcher de lâcher un rire, certes un peu faux, quand Natasha lui lâcha qu’elle ne regarderait pas la route au cas où pour démontrer qu’elle n’était pas une traqueuse. Cela dit, Caroline se présenta au chauffeur d’une manière polie et lui indiqua la direction à prendre pour aller chez elle. Puis, les deux jeunes filles s’installèrent dans la limousine. Pour dire, Caroline était tout de même impressionnée et ne pouvait s’empêcher de balayer l’intérieur du regard. En même temps, Natasha demanda à son chauffeur de mettre de la musique et à voir comment elle dansait sur le coup, Caroline devait même avouer que Natasha l’amusait, involontairement. Ca, elle ne l’avouerait pas. Malgré le fait qu’elle n’ait pu lui montrer une once de sympathie jusque-là envers elle, Natasha s’en foutait. Au contraire, celle-ci ne se démontait pas et lui avait toujours montré de la sympathie. Pourquoi lui aurait-elle proposé de la ramener ? Parce qu’elle était la cousine de Jordan ? Allez savoir ! Si ce n’était pas une raison pour « arranger » leur relation comme elle l'avait dit.
En tout cas, même si elle n’était pas de ce monde-là, n’ayant pas les moyens, Caroline se sentait plutôt « bien ». Une limousine, c’était classe. Musique lancée, c’était une chanson que la jeune adolescente appréciait… La jeune adolescente ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, mais il ne fallait pas prendre ça pour une critique ou un jugement de sa part. Laissant quelques instants de silence, et étant assise confortablement, Caroline finit par rompre son silence :

J’adore cette chanson.

Peut-être que Pharell Williams était un point commun entre les deux.

Dis-moi, ça fait longtemps que tu fais du théâtre ? T’en faisais à San Francisco ?

Oui, Caroline était un peu curieuse, parce que son « amie » semblait bien à l’aise sur scène, et hop, elle précisa le « San Francisco ». Savait-on jamais si Natasha allait raconter sa vie ! Enfin, Caroline ne doutait pas que la blondinette n’était pas dupe à son propos, cela dit, l’adolescente se reprit :

Vu qu’on va passer toute l’année en improvisation et que c’est ma première année, y’a peut-être moyen de rendre tout ça plus agréable !

Ca pouvait sonner faux mais il y avait une certaine « volonté » de sa part. Entre les deux, peut-être que Caroline ne voulait pas « sympathiser » et même si celle-ci était réputée pour être la « méchante » parce qu’elle était curieuse et mauvaise langue mais entre Karen et elle, vous préférez vous confronter à qui ?

Après tout, être en duo avec une personne qui avait un sacré bagage derrière elle pouvait être avantageux. Bien que Caroline semblait s’en être tirée pour son premier cours, c’était la première fois qu’elle faisait ce genre d’activités, ça ne faisait d’elle qu’une débutante. A la moindre difficulté, qui de mieux pour la conseiller et la tirer vers le haut ? Sans compter la prof, Natasha était bien plus accessible si elle avait des questions. Cela dit, ça ne voulait pas spécialement dire que Caroline ferait de Natasha son amie…

Un peu fausse, sourire aux lèvres, Caroline serra la main de Natasha. Genre, si c’était pour repartir de zéro.

Enchantée Natasha.

Cela dit, il semblerait que la jeune femme ait déjà entendu parler d’elle par Jordan.

Ah ? Vraiment ?

Ca, si ça pouvait la flatter... Oui, c’était peut-être le cas. Ca ne l’étonnait pas vraiment que Jordan puisse parler d’elle. A vrai dire, les deux cousines étaient très proches, malgré leur différence de caractère. C’était quelque d’inexplicable. Si c’était la raison pour que Natasha soit aussi sympa avec elle… Qui savait ? Pourquoi ça la turlupinait ? Généralement, Caroline se fichait bien ce qu’on pensait d’elle parce qu’elle ne pensait pas mieux des gens en général puisqu’elle portait généralement un regard négatif sur ce lycée de bourge.

Ma cousine est géniale. Je suis contente qu’elle ait emménagé ici.

Cela faisait un moment que Jordan était à New York mais cela faisait du bien de se retrouver dans la même ville. Un peu plus tôt, Caroline vivait à Portland dans le Maine. Quant à Jordan, elle était à l’autre bout du pays à Las Vegas et toutes les deux n’avaient pas toujours l’occasion de se voir. Elles se voyaient seulement quand Caroline venait voir de la famille à New-York et Jordan quand celle-ci voyait son père.

A ce que j'ai compris, vous faites souvent des trucs, non ? supposait-elle, voulant savoir les choses de leur relation, même si bizarrement soit-il, le sujet concernait sa cousine.

La conversation dériva évidemment sur elle. Natasha s’intéressa à son amitié avec Karen. Comment ces deux-là s’étaient rencontrées ? Oh, ce n’était pas bien compliqué ! Gardant un sourire faux et faisant semblant d’être « sympa », Caroline répondit :

Hum… Depuis l’année dernière. J’étais nouvelle. J’avais remarqué qu’on suivait les mêmes cours et lors d’une conversation, on s’est découvert des passions communes.

Notamment, Caroline pensait aux potins et au côté « mauvaises langues ». Enfin, si ce n’était pas elle qui avait plus influencé Karen que le contraire. Et on pourrait plus croire ce contraire ! Cela dit, ce n’était pas plus mal pour continuer dans le vice, à être un serpent caché prêt à mordre, prête à attaquer cette nouvelle fille. Oh ce n’était que le lycée après tout. Il ne fallait pas se prendre la tête, si ? La vraie Caroline apparaitrait un jour mais pour l’instant, elle n’avait pas envie de se faire apprécier pour ce qu’elle était vraiment… Et non pour le moment, Natasha était une fille comme une autre donc elle ne ferait pas exception à la règle pour voir la véritable Caroline, celle qui avait des facilités en cours, celle qui vouait un culte pour la littérature (contrairement à sa cousine Jordan qui était plus scientifique) et celle qui un jour, se voyait déjà journaliste un jour. Elle avait de l’ambition et une force de caractère, moitié gâché par l’apparence qu’elle donnait.

Depuis, on traîne ensemble ! enchaîna-t-elle.

Oui, elles trainaient ensemble mais ce n’était pas forcément autant que Caroline la considérait comme sa meilleure amie, bien qu’elle trainait plus avec elle (à cause des cours en commun) que le reste du groupe qui comptait également Lysandre et Jessica.

D’ailleurs, on a sûrement quelques idées de pièces à jouer pour cette année, lança Caroline de nouveau en revenant sur le sujet "théâtre". J’ai hâte qu’on puisse en proposer. T'as des idées ?

Inconsciemment ou non, Caroline démontrait qu'elle était tout de même passionnée par le sujet et par la lecture même si c'était sa première année de théâtre.

T'as pu jouer une pièce plus qu'une autre ? s'interessa-t-elle, mais ne préférez vous pas de cette merveilleuse curiosité que la curiosité mal placée?

Que Natasha adorait Jordan était une chose mais qu’en plus, elle s’enjouait et lui racontait ce qu’elle avait pu faire comme sortie avec elle et avec Naëlle, il n’empêche que Caroline ne l’entendit pas deux fois. Ca resta bloqué dans sa tête. En effet, ça ne lui plaisait absolument pas. Caroline bouillonnait intérieurement. Pourquoi ?

D’une part, parce qu’elle haïssait Naëlle. Rien que d’entendre son prénom lui hérissait le poil. Cette histoire avait commencé anodinement. Au départ, Caroline avait surtout un problème avec la meilleure amie de Naëlle : Johanna. Cette fille était le genre pipelette, à raconter des ragots … c’était son miroir d’une manière mais c’était avant tout sa rivale. Ce sentiment était réciproque entre les deux adolescentes. Caroline n’avait pas levé sur les yeux directement sur Naëlle parce que celle-ci lui avait paru insignifiante à ses yeux jusqu’à ce que Connor s’intéresse à elle. Là, c’était devenu un sacré problème. Caroline avait eu le béguin pour ce bel anglais et le fait qu’il puisse s’intéresser à Naëlle, l’adolescente avait d’abord cru à une blague. L’eau avait coulé sous les ponts depuis le temps et l’effet Connor lui était passé à cette jeune Caroline mais la « haine » qu’elle portait à Naëlle ne s’était pas dissipée. Elle ne la portait toujours pas dans son cœur.

D’autre part, Caroline ne pouvait s’empêcher d’être jalouse de Natasha. Pourquoi ? Parce qu’elle avait pu faire du shopping avec Jordan ? C’était Caroline, la Reine du Shopping ! C’était bête mais l’adolescente avait l’impression qu’on lui volait ou qu’on lui arrachait d’elle sa cousine.

Evidement, ces sentiments qu’elle ressentait, elle les gardait bien pour elle. Par la suite, elle l’écouta raconter ses expériences théâtrales. Elle avait joué quelques petits rôles, tout de même. Et sa dernière remarque sur le fait que « ça faisait quelque temps qu’elle n’avait pas joué de rôle important » était due au fait qu’elle n’était pas spécialement bonne que ça ? Bien qu’elle avait eu la preuve contraire quelques heures plus tôt ! Caroline ne put s’empêcher de sourire intérieurement à cette pensée quelque peu sadique. L’idée de faire circuler le ragot que Natasha était une « marie couche-toi là » pour avoir des rôles importants au théâtre lui traversait affreusement l’esprit. Et c’était peut-être pour cette raison que Natasha avait quitté San Francisco parce qu’on avait découvert qu’elle avait couché avec le prof de théâtre. Caroline, mesquine ? Pas du tout !

Cela ne l’empêchait pas de rester « naturelle ». Tout ce qu’elle pensait à l’immédiat, elle ne le laissait pas transparaître. Et encore, il ne manquerait plus que ça.

Ah ! J’imagine que tout ça a dû être super ! En tout cas, pour le moment, je n’ai pas d’idées qui me traversent l’esprit.

Quoique, si, il y avait quelques idées par-ci par-là. Caroline avait lu dernièrement une pièce de théâtre qui concernait l’esclavage qui lui avait bien plu tellement c’était poignant. Il s’agissait des « larmes noires » de Julius Lester. Il s’agissait de l’histoire d’un homme détenant une plantation de coton et qu’au final, à cause de ses problèmes de jeu, il devait vendre ses esclaves. Par l’occasion, il dut vendre la jeune Emma âgée de 13 ans. C’était bien un geste que la fille du propriétaire des lieux ne lui pardonna pas.

Mais je ne me fais pas de soucis comme je lis beaucoup.

Le sujet pouvait détourner sur la littérature… Cela leur donnait un point commun… Natasha avait également la passion du livre... Un sujet qui pouvait rapprocher deux amoureux du livre mais il n'empêche que Caroline ne pourra pas s'empêcher de creuser un fossé entre elles-deux.

Pourquoi t’as quitté San Francisco ? enchaîna Caroline, naturellement, même si elle était plutôt en mode "fouine".

Natasha s’intéressa à ma dernière lecture. Par curiosité ? Par politesse ? Pour faire la conversation afin d’éviter un silence gênant et silencieux ? Parce que c’était sûr qu’en rentrant dans cette limousine, c’était le risque, un sacré risque pour ne pas rentrer à pied … et surtout pour dégotter des anecdotes sur Natasha, car celle-ci n’aurait peut-être pas été enclin de lui parler mais d’une autre manière, elle ne lui aurait pas proposé de la ramener, non plus.

J’ai lu récemment le thriller de Donato Carrisi « Le Chuchoteur ». Je ne sais pas si tu es très policier.

C’était son côté, comment dire… Détective ? Toujours à fouiner par-ci par-là. De toute manière, ce n’était pas pour rien que Caroline hésitait entre études de lettres et études de droit quand elle sera à l’université.

Cela dit, dans mes choix de lecture, ça peut être très homogène mais mon petit coup cœur restera pour les livres d’amour, ajouta-t-elle.

La curiosité démangeait Caroline. C’était un peu pour ça qu’elle lui posa des questions sur sa vie, notamment son départ de San Francisco pour ici. Tiens, avait-elle des soucis avec ses parents ? De quel genre ? Est-ce pour ça qu’elle paraissait « sympa » et non hautaine comme les autres blindés de tunes ? Quoique, pas besoin d’être bourré de tunes pour l’être car Caroline l’était, seulement parce qu’elle n’aimait tout simplement pas ces gens riches qu’elle côtoie au lycée.

Oh, l’affaire classique ! répondit-elle à son tour. Je viens de Portland du Maine, et on est venu là surtout pour s’approche de la famille, notamment de ma grand-mère.

Grand-mère qui avait d’ailleurs des soucis de santé. Cela dit, Caroline en disait peu sur elle-même. Elle était plus le genre à poser des questions, à être l’inquisitrice, à faire l’interrogatoire. C’était sûr, c’était loin d’être équitable et juste ! Mais c’était comme ça ! Alors pour le coup, Caroline voulut la question pourquoi Natasha ne s’entendait pas avec ses parents que la limousine s’était arrêtée et que le chauffeur lui fit savoir qu’ils étaient arrivés à bon port.

Merci, … Bertrand ! fit Caroline gentiment à l’adresse du chauffeur avant de se retourner vers Natasha avec un sourire faussé comme elle savait si bien le faire : Merci bien Natasha… Je lui ferais passer le message.

Genre, oui, Caroline allait revoir très vite sa cousine mais pas sûr qu’elle lui fasse passer le message. Hum, elle jaugera de ça le moment venu… Et si elle y pensait surtout. Sur ce, elle la salua comme ça, sans pour autant lui faire la bise, et sortit de la limousine. Lorsqu’elle fut sortie, la voiture s’en alla. Caroline releva son nez sur son chez-elle. Maison, te voilà ! Ah, non, l’envie n’était pas au rendez-vous. Elle savait déjà qu’en traversant le bas de la porte, sa mère allait lui sauter dessus pour discuter, et faire des trucs.